Chapitre 23

954 80 15
                                    

Les danses ayant déjà commencé, personne ne remarquât leur arrivée. Jean ouvrait d'aussi grands yeux qu'elle à son premier bal. Il avait l'impression d'entrer dans un autre monde. Tout lui paraissait grandiose et démesuré. Alors que Marie cherchait déjà des yeux son fiancé, il restait immobile, la bouche entrouverte d'admiration. Il se tourna ensuite vers la jeune fille, tremblante d'excitation. Pris d'un élan chevaleresque, il s'inclina.

-Oh belle demoiselle, acceptez-vous d'être ma cavalière pour cette danse ?

Surprise et amusée par le geste de Jean, Marie accepta immédiatement, et ils s'élancèrent parmi les danseurs. N'ayant pas l'habitude des valses, ils commirent quelques faux pas, mais personne ne s'en aperçu. Les deux jeunes gens souriaient, profitant de ce moment surréaliste pour deux paysans. Soudain, le visage de Marie se figea. Elle venait de repérer Charles valsant au bras d'une femme.

-Arrête de le fixer, tu vas nous faire remarquer. Lui conseilla Jean qui avait deviné les pensées de Marie. Finissons cette danse. Nous irons le retrouver discrètement après.

La jeune fille acquiesça et se força à garder les yeux dans ceux de Jean.

-Tu connais la dame ? demanda Jean.

-Je crois que c'est l'une de celles avec qui je n'ai pas été très aimable. Mais impossible d'en être sûre. Elles sont tellement maquillées qu'elles se ressemblent toutes.

-C'est pas faux. Confirma Jean en regardant autour de lui.

Enfin la danse prit fin. Il fallait aller voir Charles. Mais plus aucune trace de lui !

-Il était là il y a deux minutes ! se plaignit Marie.

Au bout de quelques minutes de recherches, les deux jeunes sortirent de la masse des danseurs pour prendre du recul. Françoise Provost les repéra et vint les voir.

-Je vous cherchais, j'ai vu votre fiancé partir par là. Dit-elle en désignant un couloir en retrait.

-Merci !

Marie attrapa la main de Jean et s'élança à la suite de son fiancé. Elle sentait qu'elle devait le retrouver le plus vite possible. Ils se retrouvèrent dans un couloir aux murs couverts de tapisseries. Le corridor tournait vers la gauche et terminait aux pieds d'un escalier.

-Tu penses qu'il est à l'étage ?

Jean haussa les épaules.

-On peut toujours aller voir.

Ils montèrent à l'étage. Marie se repéra alors. C'était le couloir dans lequel se trouvait le bureau de Gaston d'Orléans.

Elle indiqua la porte à Jean. Tous deux s'en approchèrent. C'est alors que le grand Monsieur sorti de son bureau. Marie et lui se regardèrent dans les yeux.

-Que faites-vous là ? s'étonna-t-il.

-Je... heu...

Elle ne pouvait pas lui avouer qu'elle menait l'enquête sur sa conspiration contre le souverain en place.

-Je cherche mon fiancé.

-Il n'est pas là.

Comme Marie ne bougeait pas, il reprit :

-Et veuillez rester en bas, avec tout le monde. Les étages sont privés.

Marie comprenait. Il y avait des choses à l'étage qu'elle ne devait pas voir.

-D'accord, j'y retourne.

Gaston d'Orléans retourna dans son bureau, mais Marie ne redescendit pas.

-Je suis sûre qu'il est quelque part par là. Chuchota-t-elle à Jean.

Ils entreprirent de coller leur oreille à chaque porte. Ainsi, ils progressèrent dans la galerie sur la pointe des pieds, écoutant à toutes les portes. Soudain, Jean fit signe à Marie de le rejoindre.

-Mais je vous aime !

-Allons Madame, vous savez bien que je vais me marier...

-Mais pourquoi elle, qu'a-t-elle de plus que moi ?

-De plus que vous toutes ? Elle est magnifique, magique...

Marie décolla son oreille, un magnifique sourire aux lèvres. Elle était si fière de ne pas avoir douté de l'amour de Charles.

-Je n'arriverai donc jamais à sa hauteur ?

-Cela dépend...

-Comment cela ?

-Je ne suis pas encore marié... Peut-être pourrez-vous me faire changer d'avis si vous m'accordez quelques faveurs.

Le cœur de Marie manqua un battement. Passant du rouge au blanc, elle se sentait défaillir.

-Marie, ça va ? s'inquiéta Jean.

Elle fit signe que non en explosant en sanglots. Sans réfléchir, elle ouvrit la porte à la volée.

-Charles ! Je vous déteste ! Hurla-t-elle !

Son fiancé s'apprêtait à recevoir un baiser de sa cavalière.

-Marie ! s'exclama le concerné paniqué.

-Vous n'êtes qu'un... qu'un ingrat ! Je vous faisais confiance !

Il la regardait sans réagir. Comme si son cerveau n'arrivait à définir la priorité entre embrasser la femme qu'il tenait dans ses bras, ou se trouver des excuses.

-Je rentre chez moi. Déclara Marie. Vous ne me reverrez plus jamais.

A ces mots, Charles bondit sur elle, et lui attrapa le poignet.

-Ah non, par contre, tu restes.

-Lâche moi !

-Lâche la. Répéta Jean en entrant dans la pièce. Tandis que l'autre femme prenait la fuite.

-T'es qui toi ?

-Quelqu'un qui tient plus à elle que toi.

Charles le jaugea de haut en bas.

-Contrairement à ce que dit votre ami, je tiens beaucoup à vous ma chère.

-Je n'en ai pas l'impression.

-Je tiens à vous car vous êtes mon assurance vie.

-Lâchez moi !

-Vous resterez avec moi, que ce soit de gré ou de force. Cria-t-il en la secouant.

Jean n'y tenant plus lui administra un formidable coup de poing, lui faisant lâcher Marie.

-Maraud ! lâcha Charles en se massant la mâchoire.

-Tu crois que je n'ai jamais remarqué ta ressemblance avec la reine ? Magotte ! Que j'allais épouser une pauvre fille banale comme toi ! Il eut un rire nerveux et poursuivit.

-Dès que je t'ai vu j'ai compris que je pouvais me servir de toi pour faire chanter la reine. Si on découvre qu'elle a un enfant caché elle sera congédiée. Et avec toi, le doute n'est pas permis. Gaston d'Orléans l'a compris aussi. Ainsi dans notre conspiration, nous avions le soutien assuré de l'espagnole.

-Vous êtes un monstre !

-En plus, vous avez rendu toutes les femmes jalouses, et une femme jalouse est prête à n'importe quoi pour se faire aimer. Grâce à vous, j'ai passé de magnifiques moments...

Il n'eut pas le temps d'en dire plus, Jean s'était jeté sur lui. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant