Chapitre 11

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-Marie, Marie réveille toi.

La jeune fille ouvrit les yeux. Son père lui souriait.

-On arrive.

Le sourire de Marie s'étira sur son visage. Elle se rapprocha rapidement de l'avant du chariot pour admirer le paysage. Les champs s'étendaient à perte de vue, épousant délicatement la courbe des montagnes. La vue était magnifique. Elle prit une grande bouffée d'air frais. Elle voulait emplir ses poumons de cet air qu'elle n'avait pas respiré depuis presque dix ans.

-Papa, c'est magnifique...souffla-t-elle, admirative.

-Tu te souviens d'ici ?

-Pas beaucoup. Avoua-t-elle.

Le véhicule tourna et enfin apparut le toit des chaumières de Castans. Marie trépignait d'impatience. Les minutes passaient lentement et le convoi se rapprochait petit à petit du village. Arrivé suffisamment prêt, il s'arrêta, et les voyageurs en descendirent. Marie prit Flocon dans ses bras. Le pauvre félin n'avait pas l'air d'avoir apprécié le chahut du voyage. François la guida jusqu'à la ferme de sa sœur. Anne, René et Jean étaient tous les trois dans la cours. Marie laissa Flocon descendre de ses bras, émue aux larmes. Ils lui avaient tellement manqué ! Ce fut Jean qui la vit en premier.

-'Man ! Y'a quelqu'un !

Anne se retourna, fronçant les sourcils pour mieux distinguer les étrangers qui arrivaient. Elle avait vieilli. Ses cheveux étaient gris et des rides marquaient son front. On devinait qu'elle avait passé sa vie à travailler. Anne ne reconnut pas Marie mais compris de qui il s'agissait dès qu'elle vit la silhouette de son frère. Elle retroussa sa robe et couru les embrasser.

-François ! Marie ! Pleura-t-elle. Cela fait si longtemps !

Marie serra dans ses bras cette femme qui avait été sa mère de substitution quelques temps. René arriva bientôt et administra une franche accolade à son beau-frère.

-Bienvenue au pays !

Anne était hystérique de revoir son frère et sa nièce. Elle les pressait de questions. Elle trouva la petite maigrie et pâlotte, mais bien élevée et aimable. François lui expliqua qu'il avait été malade, ce qui expliquait pourquoi il avait mis tant de temps à revenir. René balaya tout cela d'un geste de la main.

-C'est le passé. Expliqua-t-il. Ce qui compte c'est que vous soyez là maintenant.

-Combien de temps restes-tu ? demanda Anne à son frère.

-Autant que je le veux. J'ai fini mon service.

Anne poussa un cri de joie et embrassa son frère.

-Ne restons pas là, rentrons boire un coup. Proposa René pour déplacer le courant de gaieté à l'intérieur.

Marie était ravie d'avoir revu son oncle et sa tante. Mais Jean n'était pas venu la saluer. Elle l'avait vu aller vers la grange. Les adultes entrèrent dans la maison, et Marie leur faussa compagnie pour aller retrouver son cousin.

Elle poussa doucement la porte de la grange.

-Jean ?

-Mmmm ?

Elle entra dans la grange. Jean trayait la vache.

-Tu ne viens pas me saluer ?

Il se releva. Il avait terriblement grandi, en dix ans. Il était brun, seuls ses yeux verts étaient restés les mêmes. Il la fixa.

-Tu es une étrangère pour moi.

Ces mots eurent l'effet d'une bombe pour Marie. Elle avait tant espéré ces retrouvailles, les avait fantasmées même. La froideur de son cousin avait l'effet d'une lame de poignard.

-Tu... Tu n'es pas content de me revoir ?

-Non.

Marie retenait péniblement ses larmes.

-Tu me manquais tellement !

-A moi aussi au début. Et puis t'es jamais revenue. Alors j'ai appris à vivre sans toi.

-Mais je t'ai envoyé des lettres...

-Pour me faire ressentir que tu étais éduqué et moi non ?! Tu as grandi comme une bourgeoise, tu peux pas comprendre. Pour toi tout tombe du ciel.

-Mais Jean...

-Pars.

-Mais...

-Pars !

Son ton était sans appel. Marie recula et referma doucement la porte. Elle laissa alors échapper tout son désespoir, et pleura à chaudes larmes, appuyée contre la porte de la grange. Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait, Jean l'avait terriblement déçu. Elle lui en voulait plus que tout, mais l'aimait encore plus. Dans un coin de sa tête, elle pensait que ses pleurs allaient attendrir son cousin qui allait se rendre compte de sa méprise, mais celui-ci ne daigna pas aller la rejoindre. Elle savait pourtant qu'il l'entendait. Sa colère grandit à l'égard du jeune homme. Elle serra les poings. Elle avait tant rêvé ses retrouvailles. Jamais elle ne pourrait lui pardonner de l'avoir rejetée. Marie se surprit soudainement à penser qu'au contraire de faire réfléchir son cousin, ses pleurs pouvait lui procurer le plaisir de faire pleurer une « bourgeoise » comme il l'appelait, elle fit tout son possible pour se calmer. Elle prit de grandes inspirations, et au bout de quelques essais, les larmes se calmèrent. Elle essuya ses yeux et alla se rincer la figure avec l'eau du seau qui était resté sur la margelle du puit.

Elle resta quelques instants dans la cours pour que ses yeux reprennent une couleur normale. Elle ne voulait pas que François, Anne ou René s'aperçoivent qu'elle avait pleuré. Elle trouva à l'arrière de la maison une truie et trois porcelets. Elle s'assit sur les marches en pierre et les caressa d'un air distrait. L'un des petits la regarda en penchant la tête sur le côté. Marie attendrie, esquissa un sourire. Elle inspira profondément et prit la décision de rentrer rejoindre les adultes à l'intérieur. Elle poussa timidement la porte d'entrée. Elle fut accueillie par le magnifique sourire de sa tante qui lui tira une chaise.

-Alors ma puce, raconte-nous tout.

Marie sourit.

-Dix ans en dix minutes, ça va être compliqué...

René émit une sorte de petit gloussement. Cela rappela à Marie ses premières années d'enfance. Comment aurait été sa vie si elle était restée là ? Quelle Marie serait-elle à ce jour ?

-Mais tu as été heureuse ? reprit Anne.

-Oh oui, bien sûr, l'abbé Bujol m'a fait passer de très belles années. Mais il est décédé et a été remplacé par un prêtre affreux. Je vous raconterai ça plus tard.

-Ce ne sera pas le temps qui va manquer maintenant que nous sommes tous réuni. Ajouta François.

A ce moment, la porte s'ouvrit, et Jean entra.

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant