Chapitre 26

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La nuit tombait et le feu fut allumé. Les yeux de Marie restaient obnubilés par les étincelles qui sautaient de tous côtés. Les couples de danseurs se formaient et entouraient peu à peu le fagot enflammé. La musique s'éleva dans l'air frais de la nuit, accompagnant la mélodie des grillons.

-Tu viens ?

-Non, vas-y, je te regarde...

Jean pencha la tête sur le côté en haussant les sourcils.

-Sérieusement ?

Sans attendre la réponse de Marie, il glissa un bras sur sa taille et l'entraîna parmi les danseurs.

-Jean ! Tu es terrible !

-Sinon, tu ne serais jamais venue me rejoindre. Il fallait bien que je te pousse un peu. Ose me dire que tu n'aimes pas danser.

-Je n'ai... Bon d'accord, tu as gagné.

Jean arbora un magnifique sourire. Il avait remporté cette bataille.

Petit à petit, les danses cessèrent. Les couples se tenaient les deux mains, et après avoir pris un peu d'élan enjambaient une gerbe enflammée.

-Tu veux essayer aussi ?

-Pourquoi pas, de toute façon si je dis non tu vas quand même me le faire faire.

-C'est bien, tu comprends vite. Répondit-il avec un clin d'œil. Ils se prirent les mains et se placèrent à la suite des autres. Ils coururent sur quelques mètres et sautèrent.

-C'est bon, nous pouvons rentrer maintenant.

-Déjà ? Mais tu vas pas te coucher avec les poules !

-Mais j'ai froid.

Alors, Jean se rapprocha et l'entoura de ses bras. Il posa sa tête sur l'épaule de la jeune fille.

-C'est pas grave, je vais te réchauffer.

Marie ferma les yeux. La chaleur de Jean l'apaisait. Elle pencha un peu sa tête en arrière pour être plus en contact avec Jean. Heureusement qu'il était là. Personne ne pouvait lui remonter le moral mieux que lui. Pourtant il n'était rien par rapport à elle. Ce n'était même pas son cousin.

-Oh, t'endors pas quand même ! la piqua Jean en la sortant de ses pensées.

-Mais ! J'étais bien !

-Oui j'ai cru voir ça. Sourit-il. Tu étais prête à partir au pays des rêves.

-Pfff !

Pour couper court à la conversation, Jean attrapa Marie par la main et la conduisit près de l'un des feux. Il posa sa deuxième main sur sa taille, et entama quelques pas de danse. Marie suivit et ils se remirent à danser. Ils furent tellement captivés par l'ambiance de la fête qu'ils ne virent pas l'heure passer. L'aube commençait à se lever quand l'idée de rentrer leur traversa l'esprit.

-T'as vu, toi qui voulais partir tôt, on s'est pas amusés ?

-Si, c'était pas mal.

-Pas mal ? Seulement pas mal ?

-Bon d'accord, c'était génial !

Ils se sourirent.

-On fait une course jusqu'à la maison ?

Marie soupira, jamais elle n'allait réussir à le rattraper.

-Je te laisse un quart d'heure d'avance.

-Eh ! Je suis pas si lente, n'exagère pas !

Sur ce, elle retroussa ses jupes et détala en direction de chez eux.

-Tricheuse ! Lui cria Jean avant de partir à sa suite.

Il la rattrapa au bout du chemin, lui prit les épaules, et ils basculèrent sur le bas-côté.

-On part en même temps. Dit-il en lui donnant un coup avec le nez.

-Pardonnez-moi, Monsieur... lui répondit-elle avec un sourire taquin.

Ils se regardèrent dans les yeux, essayant de lire dans le regard de l'autre.

-Qu'est-ce que tu regardes ? demanda Marie qui le savait pertinemment.

-Toi.

-Et qu'est-ce que tu vois ?

-Rien, il fait encore trop nuit.

-Ce que tu peux être bête ! Rit-elle.

Jean l'embrassa sur la joue et se coucha à côté d'elle.

-Je suis content que tu ne sois plus triste.

-Moi aussi, ça fait du bien de rire un peu.

-Tu vas essayer de te retrouver un mari ?

Marie avala sa salive. Elle ne pensait pas qu'il allait reposer la question si tôt. Surtout après ce qu'elle avait vécu.

-Je n'en ai pas tellement envie, mais il le faudra bien.

-Comment ça ?

-Bah je ne veux pas être un poids pour vous.

-Mais pourquoi y vas-tu à reculons ?

-Disons que Charles Minot ne m'a pas laissé un très bon souvenir.

Ils regardèrent les étoiles qui peu à peu disparaissaient dans le rosé du ciel d'été.

-Pourquoi tu ne cherches pas quelqu'un en qui tu as confiance ?

-Parce que je ne connais personne. Pour les bourgeois je suis une paysanne, et pour vous je suis une bourgeoise empotée et niaise.

-Pas pour moi.

-Peut-être, mais pour les autres.

Jean se releva, et partit. Marie fronça les sourcils, quelle mouche l'avait donc piqué pour qu'il parte ainsi ?

-Jean ! Appela-t-elle.

Mais il ne se retourna pas et continua sa route. Ils arrivèrent chez eux sans que Jean n'ait ouvert la bouche. Marie ne comprenait pas ce changement subit d'habitude. Une idée traversa son esprit. Non ! il n'allait quand même pas redevenir le Jean ingrat qui l'avait accueilli l'année passée. Ils ne montèrent pas dans le lit pour ne pas déranger les parents qui dormaient encore. Au lieu de cela, ils croisèrent les bras sur la tables et firent une petite sieste.

-Eh bien, c'est une heure pour rentrer ça ?

Marie ouvrit difficilement un œil puis l'autre. Anne avait l'air plus remontée que jamais.

-Tu te rends compte ! On s'inquiétait !

-Bah vous aviez qu'à venir nous trouver. Répondit Jean sur un ton égal.

-Jean ! Tu me parles autrement ! Quand tu m'as dit que tu sortais avec ta cousine, je ne pensais pas que tu rentrerais à cette heure-là !

-Tu n'avais qu'à me le dire.

-File travailler !

Puis elle se tourna vers Marie :

-Toi ne me dis pas que tu es fatiguée, parce que quand on danse toute la nuit, on est pas fatiguée !

-Mais...

-Je veux te voir aux champs, au travail comme tout le monde. Et arrête de gémir toute la journée, parce que des tragédies, on en a tous vécu !

-Anne laisse les... intervint François au grand soulagement des jeunes.

-Non, il faut leur apprendre la vraie vie.

-On l'apprend tous en grandissant, ils ont bien le temps pour ça, coupa René.

Marie et Jean restèrent bouche-bée. Jamais ils n'auraient cru avoir son soutien. Ils n'attendirent pas la réponse d'Anne et sortirent travailler. Marie était guérie. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant