François et Marie voyagèrent toute la journée. La petite restait morose. Après tout, peut-être aurait-il mieux fallu qu'elle reste là-bas, chez son oncle et sa tante. Elle en avait mal au cœur. Les secousses dues au cheval n'arrangeaient rien. Bientôt, la météo en rajouta une couche. Ils durent faire plusieurs dizaines de kilomètre sous la pluie. Quand celle-ci devenait trop forte, François était contraint de s'arrêter et de mettre tout le monde à l'abris. Ayant pris du retard, ils s'arrêtèrent dans une auberge pour passer la nuit. Il ne restait plus qu'une chambre, mais cela leur suffisait. Marie était éreintée. Elle n'avait encore jamais voyagé auparavant. Ils reprirent la route le matin. Le soleil faisait briller les gouttes de pluie de la veille. Ils arrivèrent à Paris en fin de matinée. François sentait que le voyage était difficile pour la petite. Il lui proposa d'aller d'abord déposer ses affaires chez l'abbé, et de faire une sieste là-bas.
Marie hocha la tête tout en précisant qu'elle ne voulait pas dormir. François s'engagea dans une petite ruelle qui s'ouvrait sur une cour. Il descendit de cheval, et déposa Marie au sol. Il attrapa ses bagages avant de donner la longe à Marie.
-Va le conduire à l'écurie là-bas. Attache le bien !
-Oui Papa ! Répondit-elle en s'empressant d'exécuter sa demande. Un homme en soutane descendit alors dans la cour. François alla lui serrer la main.
-Je vous ai ramené votre élève. Lui dit-il .
-Très bien mon fils. Vous pouvez me faire confiance, elle sera bien ici.
Le prêtre l'invita ensuite à entrer. La petite arriva à la suite de François. L'abbé s'agenouilla alors face à elle, de façon à être à sa hauteur.
-C'est toi Marie ? demanda-t-il.
La petite hocha la tête.
-Moi je suis l'abbé Bujol. Je vais m'occuper de toi.
Puis il se releva et désigna le presbytère.
-Voici ta nouvelle maison, tu peux la visiter si tu veux. Dit-il avec un sourire.
Marie n'osait pas s'aventurer et resta finalement avec François. Le vieil homme l'intimidait un peu. Ils entrèrent dans la cuisine, et l'abbé leur servit de quoi assouvir leur faim et leur soif.
-Je ne pourrai pas vous payer souvent, par contre... s'excusa François.
L'homme d'église se mit à rire.
-Ne te tracasse pas pour ça ! Je suis vieux, je ne fais pas de dépenses ! Et puis, ça me fera de la compagnie. Elle n'a pas l'air méchante comme petite fille...
Ils parlèrent de choses et d'autres, puis le prêtre proposa de leur montrer les chambres. Ils montèrent à l'étage. L'intérieur était très simple, mais bien entretenu.
-Voici ma chambre pour les hôtes d'un soir. Dit-il en ouvrant une porte. Ce sera la vôtre. Précisa-t-il à François. Je suis désolé, ce n'est pas très luxueux.
La chambre, très simple se composait d'un lit en bois, et d'un coffre, ainsi que d'un petit meuble de toilette.
-Pour ma petite protégée, j'ai préparé une chambre pour elle.
Il ouvrit une porte au bout du couloir. C'était une pièce lumineuse grâce à la grande fenêtre qui donnait sur le jardin. De l'autre côté, se trouvait un lit, dont la tête était gravée. Des agneaux étaient représentés. Marie y fut très sensible et commença à passer ses doigts fins dans les creux de la gravure. Les draps étaient également de meilleur qualité que dans la chambre voisine. Il y avait un grand coffre en châtaigner sur le côté gauche, et un meuble de toilette de l'autre côté.
-J'espère que ta chambre te plaira Marie.
-Oui mon père, merci. Répondit la concernée en rougissant.
-Tu as une poupée ?
-Oui mon père.
Le prêtre lui demanda de le suivre. Il descendit une échelle du plafond. Il monta quelques instants dans le grenier avant de redescendre avec un berceau.
-Tiens, va coucher ta poupée dedans. Je vais dans la cuisine discuter avec ton père. Tu pourras venir nous y rejoindre.
Marie, ravie le remercia. François fut charmé par la gentillesse de l'abbé. Il déposa un baiser sur le front de l'enfant avant de redescendre.
Une fois dans la cuisine, le prêtre prit la parole et demanda à François de lui parler de la mère. François hésita un peu, puis décida de lui dire toute la vérité.
-Mais vous êtes avec moi, le seul au courant. Ne le dites pas à Marie.
-Non bien sûr. Vous avez fait un geste de grande bonté. Peut-être avez-vous sauvé une âme des pêchés dont sont victimes les grands de ce monde.
François remercia encore une fois l'abbé. Il le connaissait depuis de longues années et savait qu'il pouvait lui faire confiance.
Ils passèrent la journée dans la cuisine. Dehors, la pluie ne cessait pas. Marie était redescendue et restait à présent debout près de François, regardant l'homme d'église avec de grands yeux. Il était vieux, les nombreuses rides de son visage le prouvaient. Il avait également des cheveux blancs mi- longs, ondulés, qu'il ne cessait de replacer derrière son oreille, et qui se terminaient par une longue barbe. Enfin, ses yeux noirs débordaient de gentillesse.
Marie pensait à son cousin, son oncle et sa tante. Ils lui manquaient. Elle ne comprenait qu'à mi- mots qu'elle allait devoir rester seule avec l'abbé.
-Où comptez-vous aller à présent ? demanda le vieil homme à François.
-Je remonte vers la capitale. Je trouverai toujours quelque chose à faire, depuis que cela ne va plus entre le Grand Monsieur et le cardinal Richelieu.
-Oui, c'est sûr, mais montrez-vous prudent, ce ne sont que des complots politiques. D'après moi, le cardinal n'a pas aimé Dieu depuis bien longtemps.
-Je le serai mon père.
-Tu repars Papa ?
-Oui ma chérie, mais je reviendrai souvent te voir. Promit-il.
-Pas comme la dernière fois ?
François se mordit les lèvres. Il n'aimait pas que la petite avoue devant l'homme d'église qu'il n'était pas un père exemplaire. Celui-ci le remarqua.
-Allons mon fils, ce n'est pas moi qui vous ferai des reproches, dit-il en riant, je n'ai jamais eu le courage d'avoir des enfants !
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Le masque de fer
Narrativa StoricaSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...