Chapitre 15

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Marie allait le suivre quand Jean l'interpella.

-Marie ! Tu vas où ?

-Avec Louis, il veut me montrer quelque chose, je reviens.

Jean les rejoignit en quelques enjambées.

-C'est quoi ? Voulu-t-il savoir.

Louis se mit à rougir.

-Oh rien... commença le blond.

-Il veut me faire voir la feuille à l'envers. Répéta Marie, toute fière.

L'expression du visage de Jean se métamorphosa.

-Mais t'es stupide ou quoi ?! cria-t-il à Marie.

Il se retourna vers Louis qui s'écartait rapidement :

-Le prochain qui essaye de la toucher je le noie, c'est clair !

-Mais Jean ! Que se passe-t-il ?

-T'as passé trop de temps en dehors du monde. Répondit le jeune homme excédé.

Marie le regarda en plissant les yeux. Elle ne comprenait pas.

-Explique moi...

-Aller voir la feuille à l'envers c'est faire des saletés. Cracha-t-il.

-Des saletés... Ne me dis pas que...

-Si. Y'a des filles qui se sont faites retournées par tous, mais je refuse que tu en fasses partie.

Marie se tut un instant. Heureusement que Jean était intervenu au bon moment.

-Merci.

-Mmm, reste dans un endroit où je peux te voir.

Ils rejoignirent le groupe.

-Alors Jean, on protège sa bourgeoise ? lança Joseph qui revenait tout juste dans l'eau.

-Ferme-là. Elle est pas comme Colette. Elle, elle a une éducation et fera un mariage. Colette va juste se faire engrosser.

Joseph compris qu'il était le premier visé par cette remarque. Colette arriva juste après, le rouge au joues. Le groupe se retourna, gêné vers elle.

-Eh bien ? Vous en faites des têtes ! Que se passe-t-il ?

-Non rien, viens... Lui répondit Louis.

Marie s'apercevait de choses qu'elle n'aurait jamais imaginées. Elle avait passé trop de temps à part. Cet épisode la fit bien réfléchir. Elle avait du mal à se sentir à sa place parmi le groupe d'ami de Jean. Elle ne comprenait pas leur façon de penser, de prendre les choses avec autant de légèreté. Jean devait avoir raison, le fait de ne pas être sortie de l'influence du presbytère pendant dix ans avait peut-être eu un impact. Le reste de l'après-midi passa sans autre incident majeur. Les jeunes hommes semblaient avoir pris au sérieux la menace de Jean. Le soleil commença à décliner, et il fallut penser à rentrer. Ce fut l'occasion pour les deux cousins de pouvoir se parler en tête à tête.

-Merci pour tout à l'heure...

-Compte pas sur moi à chaque fois. Il est temps que tu t'en ailles.

-Je le pense aussi. Je ne suis pas faite pour vivre ici.

Jean fut surpris que sa cousine ne lui oppose aucune résistance.

-Vraiment ? Pourquoi ?

-Je ne suis pas habituée aux mentalités d'ici. Comme tu dis, j'ai été éduquée dans un autre milieu.

-Oh, ils ne sont pas méchants.

-j'imagine oui.

Elle laissa un blanc, puis reprit :

-Il y a des rumeurs à mon sujet, n'est-ce pas ?

Jean se pinça la lèvre.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-On doit dire que je suis la fille d'une femme de mauvaise vie.

-Parfois...

-C'est peut-être vrai, tu sais. Continua Marie. A vrai dire, elle y avait pensé à plusieurs reprises. 

Jamais elle ne connaîtra la vérité, il lui fallait croire son père. Dans tous les cas, elle était née hors mariage. Elle s'était fait une raison. L'identité de sa mère restera secrète à jamais, mais cela n'impactera pas sa vie. Sa mère n'allait faire d'elle sa copie conforme.

-Ça t'a impacté, toi et ta famille, de m'avoir recueilli.

-Je ne veux pas te mentir. Oui, ça nous a impacté. Plusieurs personnes nous regardent de travers.

-C'est aussi pour ça que tu veux que je reparte ?

-Non ! jamais !

Marie leva un sourcil, suspicieuse.

-J'ai toujours été franc avec toi. Crois-moi, ça ne me dérange pas. Tu pourrais être une putin ou une princesse, je t'aimerai qui que tu sois.

-Oulà ! D'accord je te crois. Sourit Marie surprise par l'enthousiasme de son cousin.

-Et puis, continua-t-il, c'est pas parce que ta mère était une putin que tu en deviendras une.

-J'espère bien...

Ils se sourirent. Ils étaient arrivés devant chez eux. Anne avait préparé des lentilles. Un doux fumet émanait du foyer. Les deux jeunes en avaient l'eau à la bouche. Ils s'installèrent, et le repas commença. François fixa soudainement Marie et attendit que le regard de la jeune fille croise le sien.

-Nous avons quelque chose à leur dire, n'est-ce pas ?

Marie hocha la tête et pris la parole :

-Avec Papa, nous allons repartir.

Anne et René se figèrent. Anne avait l'air légèrement paniquée, tandis que René arborait un léger sourire en coin.

-Mais pourquoi ma puce, vous venez juste d'arriver !

-Faut bien qu'elle se fasse épouser notre petite... Lui répondit René qui avait deviné.

Anne se tourna vers Marie, les traits soudains tirés.

-Un garçon d'ici pourrait t'épouser, reste.

-Non, je n'ai aucune valeur ici. Ils me voient comme une bourgeoise naïve qui ne sait rien faire de ses dix doigts.

-Mais ce n'est pas vrai ! Dis-lui Jean que ce n'est pas vrai !

-Maman, nous savons bien que ce n'est pas vrai... En revanche, elle a raison, c'est bien ce que pensent les autres.

Anne soupira bruyamment. Elle regarda tour à tour les occupants de la table d'un œil glacial.

-Ainsi vous voulez tous m'enlever ma fille une seconde fois ! Cria-t-elle en se levant.

-Mais Anne... tenta de la retenir François.

-Lâche-moi ! Tu m'emmènes ta fille, je ne pose pas de questions sur sa mère parce que c'est ta fille, je l'élève comme la mienne, malgré les brimades, je la nourris à mon sein, et toi tu me l'enlèves sans arrêt.

-Ce n'est pas ma fille.

-QUOI !!!

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant