Pendant tout le trajet, Marie avait tordu ses doigts dans tous les sens. Et si elle faisait un faux pas. Et si les gens de la cour reprochaient à Charles d'avoir ramené une paysanne ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Le jeune homme lui prit les mains.
-Arrêtez de vous torturer l'esprit. Je vous jure que tout ira bien. La rassura-t-il une d'une voix calme.
-Mais...
Il posa son index sur les lèvres de la jeune femme.
-Vous êtes parfaite.
Il retira son doigt et l'embrassa.
Enfin, ils arrivèrent à Blois et descendirent de la calèche. Le château était d'architecture classique. Sur son fronton, on apercevait les armes de France. Charles offrit son bras à Marie, elle prit une grande inspiration et ils entrèrent.
Tout émerveillait Marie. Les murs étaient tous richement décorés de tableaux, sculptures, colonnes qui montaient jusqu'au plafond. Celui-ci aussi était peint. Marie resta un moment la tête en l'air pour contempler les anges du plafond.
-C'est magnifique... Souffla-t-elle admirative.
-On voit que vous n'êtes pas habituée. Sourit Charles.
Il désigna discrètement un couple à Marie.
-Là-bas, c'est Mme Prévost et son mari, le seigneur de La Vallière. Je connaissais son ancien mari lorsqu'il était conseiller au parlement de Paris.
Il lui présenta quelques couples puis un homme entra et tout le monde se tut.
-C'est Gaston d'Orléans. Chuchota Charles à l'oreille de la jeune fille.
Elle n'en revenait pas. Elle voyait le frère du roi de ses propres yeux !
C'était un homme d'une trentaine d'années, brun aux yeux noirs. Il portait un costume dans les tons jaunes et une large collerette en dentelle. Il souriait et avait l'air d'être un bon vivant. Il prononça quelques mots que Marie ne distingua pas, et invita sa femme à danser.
-M'accorderez-vous cette première danse ? demanda alors Charles à Marie.
-M. Milot, ce serait un plaisir !
Elle déposa alors sa main dans la sienne, et il passa son bras derrière sa taille. Les deux amoureux se sourirent et s'élancèrent parmi les danseurs. Pour Marie, cette soirée était un rêve, elle flottait parmi les anges.
-Vous êtes heureuse...
-Oh oui !
-Cela se voit.
A la fin de la musique, il lui offrit d'aller chercher à boire. Tandis qu'elle attendait, une jeune femme vint la voir et la salua.
-Je ne vous connais pas, qui êtes-vous ?
-Marie Favigny, enchantée. Dit-elle avec une légère révérence.
La femme eut un haussement de sourcil.
-C'est la première fois que vous venez ici ? demanda-t-elle d'un ton hautain.
Marie sentait déjà qu'elle devait éviter cette femme.
-En effet. Avoua-t-elle.
-Et comment connaissez-vous M. Milot ?
-Je suis sa fiancée.
L'autre eut une mine de dégout. Elle retroussa ses jupes.
-Uhhh ! laissa-t-elle échapper en partant.
-Moi aussi, j'ai été ravie de faire votre connaissance !
Marie se força à desserrer ses points. Cette idiote l'avait frustré. Cela se voyait tant que ça qu'elle était nouvelle ici? Elle tourna la tête et vit Charles. Il avait assisté à toute la scène et cachait mal un léger sourire.
-Ne vous en faites pas, dit-il en revenant vers Marie, on ne peut pas s'entendre avec tout le monde ici.
-Pourquoi souriez-vous ?
-Parce que vous découvrez les mauvais côtés des femmes nobles, et je dois avouer que vous vous en sortez très bien.
-Ah ?
Elle porta à ses lèvres la coupe de champagne que venait de lui apporter le jeune homme.
-En revanche ma colombe, je suis désolé...
-De quoi ? demanda Marie soudainement anxieuse.
-Le Grand Monsieur a demandé à me parler sur le champ. Je dois donc vous laisser quelques temps.
-Ici ? demanda Marie paniquée. Elle voyait les regards des autres femmes la dévorer.
-N'ayez pas peur.
A peine Charles fut-il parti que l'une des femmes s'avança vers elle.
-Vous n'êtes pas riche, alors qu'avez-vous pour lui plaire ?
-Une tête. Je suis moins cruche que certaines.
La femme se pinça les lèvres. Peut-être se retenait-elle de la gifler.
-Vous devriez faire attention, on n'est pas dans votre campagne ici. La menaça-t-elle.
-Oh, ne vous inquiétez pas pour moi, à la campagne aussi il y a des vipères.
Marie ne comprenait pas pourquoi on attaquait son couple. La femme que Charles lui avait présentée s'avança alors vers elle. Elle avait une dizaine d'années de plus que Marie.
Marie se mit sur la défensive.
-Bonjour, je suis Françoise Provost.
-Bonjour, Marie Favigny.
-N'ayez pas peur. Je suis ici en amie. Je connais M. Milot, votre fiancé à ce que l'on dit.
-Oui, c'est cela.
-Votre visage me dit quelque chose, est-il possible que nous nous soyons déjà rencontré ?
-Je ne pense pas, je n'ai jamais fréquenté ce milieu...
Marie regarda rapidement autour d'elle.
-Pourquoi m'en veulent-elles toutes ?
-Oh, laissez tomber, elles sont jalouses qu'une fille modeste finisse par épouser le mousquetaire le plus beau de cette cour. Faites quand même attention, certaines sont tellement avides de pouvoir qu'elles sont prêtes à tout.
-C'est bien ce dont j'ai l'impression. C'est pire qu'une basse-cour ici !
Françoise Provost laissa échapper un petit rire.
-J'aime beaucoup votre franc parler. Et la manière dont vous avez mis en boîte Madame de Rungis.
-Merci. Sourit Marie.
Mme Provost avait l'air d'être une femme bien.
-Connaissez-vous bien M.Milot ? demanda alors Marie, désireuse d'en savoir plus sur son futur époux.
-Pas grand-chose. Mon défunt mari Pierre Benard qui était conseiller au parlement de Paris s'entendait très bien avec lui. Mais voyez, je ne l'aurais jamais cru capable de s'attacher à une jeune femme comme vous.
-Ah, pourquoi ?
-Je le voyais plutôt comme un cœur solitaire. Mais, à ce que je vois, vous avez été capable de le conquérir.
Les deux femmes se sourirent. Elles parlèrent toutes les deux un moment jusqu'à ce que Charles revint. Il salua poliment Madame Provost, et se tourna vers Marie.
-Monsieur souhaiterai vous rencontrer.
-Monsieur ? Le grand Monsieur ? Gaston d'Orléans, le frère du roi ? Moi ?
Françoise Provost sourit, attendrie.
-Oui ma chère, dépêchez-vous.
Pour le coup, les autres femmes allaient avoir de quoi être jalouses.
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Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...