Chapitre 40

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Les mois s'écoulèrent paisiblement. Eustache passait son temps avec sa bien-aimée qui partageait son temps entre lui et la cour. Le roi se montrait de plus en plus distant avec Louise, et semblait même chercher à ne plus l'avoir à ses côtés. Comme l'avait pressenti la jeune femme, Françoise Athénaïs de Rochechouart, la marquise de Montespan, l'avait remplacée dans le cœur du roi. Bien qu'Eustache voyait cette séparation du meilleur œil qui soit, Louise se trouva peinée de ce qu'elle vivait comme un abandon. Elle trouvait pourtant le roi si doux et attentionné avec Marie Anne. Un après-midi, pendant l'une de ses promenades, il demanda à Louise de venir à ses côtés.

-Je ne veux pas que vous soyez triste ma chère. Vous savez que j'ai encore de l'affection pour vous.

Louise se contenta de pincer les lèvres et de dévier le regard.

-J'ai vu comment vous me regardiez, et comment vous regardiez la marquise.

-Vous ne me reviendrez pas, de toute façon, il est temps que je laisse ma place... trouva-t-elle le courage de dire.

Le roi ne la contredit pas. Ses paroles l'avaient soulagé.

-Je reconnaitrai Marie-Anne, lui promit-il.

Une larme glissa sur la joue de Louise. Il la regarda couler sans prononcer une parole de plus. Ils arrivèrent au bout de l'allée.

-C'est donc la fin... souffla-t-elle.

-Sachez que je vous ai beaucoup aimé.

Elle renifla, incapable de cacher son chagrin.

-Je vais vous faire duchesse de La Vallière et de Vaujours.

-Ce ne sont pas les titres que je recherche...

-Je le sais bien ma chère. Mais laissez-moi vous les offrir, en souvenir du bon vieux temps.

-Qui est révolu, conclu Louise.

Le roi hocha la tête.

Le cœur de la jeune femme se gonfla de tristesse. Elle se força à penser à Eustache. Au moins ils allaient pouvoir se consacrer pleinement l'un à l'autre. Elle quitta le roi dès la fin de la promenade et rejoignit ses appartements où Eustache l'attendait.

Il fut ravi de la nouvelle, mais déçu que Louise le soit nettement moins. Ils se disputèrent. Eustache était jaloux de l'amour qu'elle portait toujours au roi, et Louise était bien trop triste pour réfléchir.

-Parce que vous auriez été prête à subir les humiliations de cette Montespan rien que pour lui plaire ?

-Taisez-vous ! Vous ne pouvez pas comprendre !

-Auriez-vous fait cela pour moi ? Non, parce que ce que vous aimez, c'est être aimée par tout le monde. Un paysan comme moi ne vous suffit pas !

Elle s'enferma, comme à chaque fois qu'ils se disputaient. Plus jamais ils ne reparlèrent de cette après-midi-là.

Ils restèrent tous les deux à profiter de Versailles et de ses alentours. Ils passaient de longues après-midi à se promener en forêt, loin des regards. Quelques fois, la duchesse de la Vallière recevait de la visite. Eustache patientait donc dans la pièce voisine. Personne ne devait connaître son existence. Parfois le roi venait en personne pour voir Marie-Anne. Eustache qui écoutait à la porte devait reconnaître qu'il se comportait en père exemplaire, et la petite fille l'aimait beaucoup. Il échangeait très peu avec Louise, ce qui rassurait le jeune homme.

Le temps passa. Un matin de l'année 1669, Eustache trouva Louise dans la salle-à-manger, un sourire jusqu'aux lèvres. Eustache alla l'embrasser en lui demandant la raison de cette mine si enjouée.

-Marie-Anne aura bientôt un petit frère... lui souffla la jeune femme.

Eustache senti une boule de joie monter en lui, et exploser dans son cœur. Il serra Louise dans ses bras.

-Formidable ! C'est merveilleux !

Ils s'embrassèrent un long moment.

-Depuis quand le sais-tu ?

-Je m'en doutes depuis un petit moment déjà, mais je voulais attendre d'être sûre avant de te l'annoncer.

-Oh comme je t'aime !

-Moi aussi ! répondit-elle en l'embrassant.

Le couple se préparait à vivre leurs plus belles années.

Le ventre de la jeune femme ne tarda pas à s'arrondir mais elle se débrouillait toujours pour le dissimuler lorsqu'elle voyait du monde. Ils avaient décidé que cet enfant resterait leur secret, et Eustache avait de plus en plus d'espoir de quitter la capitale. Pour l'instant, la jeune femme devait annoncer au reste de la cour qu'elle allait devoir se retirer pour un motif qu'elle inventerait. Elle voulait profiter de la venue du roi à ses appartements pour le lui dire.

Cependant, lorsque celui-ci vînt, il ne s'occupa pas de Marie-Anne comme à son habitude. Il fixa son ancienne maîtresse dans les yeux.

-Qui est-ce ? demanda-t-il.

-Qui cela ? s'étonna Louise.

-Celui qui veut me remplacer ! hurla-t-il hors de lui.

-Sire, calmez-vous ! Personne ne veut vous remplacer ! paniqua la jeune femme. Elle se leva et se dirigea vers le roi pour le calmer.

-Et ça ? demanda le roi en pointant son doigt vers le ventre de la jeune femme, qu'il venait de découvrir.

Louise se mordit la lèvre.

-Qui est-ce ? cria-t-il fou de rage en empoignant la jeune femme par les épaules. Et vous, vous me trahissez ! Vous aidez un traître ! Vous voulez ma mort !

-Louis, non ! Je vous aime !

-Oui mais plus moi. Vous avez donc eu envie d'un autre roi !

-Vous savez très bien que votre condition ne m'a jamais intéressée ! Au contraire même !

De l'autre côté du mur, Eustache comprenait que leur idylle avait été découverte et que cela n'allait pas plaire au roi. Il fallait absolument qu'ils partent rapidement avec Louise vers Castans. Le lendemain si cela était possible.

-Gardes ! Fouillez ses appartements ! Ordonna le roi en hurlant.

A peine l'ordre fut-il donné qu'une dizaine de soldats apparurent devant le pavillon, entrèrent sans ménagement et s'infiltrèrent dans toutes les pièces. Eustache eut juste le temps d'enjamber la fenêtre, mais il était déjà trop tard. Trois soldats le rattrapèrent et le ramenèrent devant Louise et le roi. Ils le forcèrent à s'agenouiller en le tenant par les cheveux.

Louise paniquée pleurait toutes les larmes de son corps et priait le roi pour sa clémence.

-Qu'on lui coupe la tête !

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant