Chapitre 24

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Marie était sidérée. Charles lui avait menti depuis le début. Non seulement il avait trempé dans une odieuse conspiration, mais en plus, il s'était servi d'elle.

Jean écopa d'un brutal coup de genoux dans les côtes qui lui coupa la respiration, il se recroquevilla sur lui même. Charles en profita pour se relever, lui remettre un coup de pied, et plaquer Marie contre le mur. Il la tenait sous la gorge, la soulevant presque de terre. La pauvre suffoquait.

-Toi tu vas rester avec moi. Même si je dois t'épouser.

Sur ce, il écrasa ses lèvres contre les siennes.

-Qui voudra d'une fille sans le sous, laide comme toi après avoir reçu quelques projections d'acide...

-Non... paniqua-t-elle, le souffle venant à lui manquer. Elle le vit sortir une fiole de sa ceinture. Les larmes coulèrent le long de sa joue.

-Charles... Je... Je veux bien rester...

-Mais c'est trop tard, idio...

Il se figea, la main tenant le flacon restant en l'air. Il ouvrit de grands yeux. Les pieds de Marie retrouvèrent le sol. Les lèvres de Charles se séparèrent, laissant passer un filet de sang. Il eut un hoquet et s'écroula, dévoilant Jean avec le sabre plein de sang. Le regard de Marie voyagea de la tête de Jean, au sabre, au cadavre gisant sur le sol. Elle ne résista pas à l'émotion. Elle sentit des vagues de sueur et de chaleur lui monter à la tête. Son cœur dansait une polka démoniaque. Elle se sentit devenir moite et molle. Un voile noir lui couvrit les yeux, et elle s'étendit sur le sol.

-Marie ! S'écria Jean.

Il courut sur le corps sans connaissance de Marie, dégagea ses cheveux de sa figure. Après s'être assuré qu'elle respirait, il la prit dans ses bras, et descendit les escaliers. Pour ne pas avoir à traverser la salle de bal, il passa par une fenêtre. Il la conduisit jusqu'à la calèche, et la déposa délicatement sur la banquette. Il ordonna au cocher de les ramener chez eux le plus vite possible. Celui-ci, sans poser de question lança les chevaux au galop. Jean maintenait la tête de Marie sur ses genoux. Que ce serait-il passé s'il n'avait pas été là ? Il préférait ne pas y penser. A présent, Marie était hors de danger, et c'était tout ce qui comptait. Il lui donna de petites tapes sur les joues, et bientôt elle commença à reprendre connaissance. Des larmes coulèrent le long de ses joues.

-N'y pense plus, c'est fini. Lui chuchota Jean.

Marie ferma les yeux et le flot de larmes redoubla. La voir dans cet état était une véritable torture pour le jeune homme. Elle avait les traits crispés par la douleur, le visage inondé. Ses lèvres tremblaient en silence.

Lorsqu'ils arrivèrent, Jean la porta jusqu'à sa chambre d'hôtel. François leur ouvrit, catastrophé.

-Jean ! Que lui est-il arrivé ! Elle n'a rien ?

-Ne t'inquiète pas, elle est juste choquée. Répondit-il en l'allongeant sur le lit. En revanche, je ne peux pas en dire autant de ce garçon. Ajouta-t-il en tendant le sabre ensanglanté à François.

-Que... Que s'est-il passé ?

Jean lui fit signe de s'asseoir et lui raconta toute l'histoire à voix basse, pour ne pas gêner Marie.

François dépité enfoui sa tête dans ses mains.

-C'est moi qui l'ai poussé dans les bras de cette crapule ! déplora-t-il.

-Ne t'en veux pas, c'est moi qui ai insisté pour qu'elle se trouve un mari.

Les deux hommes se regardèrent en silence. Puis ils se tournèrent vers Marie qui venait de s'assoir sur le lit, les yeux hagards.

-Ça va ? lui demanda François.

Marie ne lui répondit pas et se contenta de cacher son visage avec ses mains, le corps secoué de sanglots.

François alla l'embrasser et sortit de la pièce. Il devait prévenir son ancien frère d'armes des événements qui venaient d'avoir lieu. Lorsqu'il apprit la nouvelle, M. Minot resta sans voix et s'assit sur un tabouret. Il renifla.

-Un crétin de moins sur cette terre, n'est-ce pas ? dit-il à François avant qu'une larme ne s'échappe de ses yeux. Il l'essuya nerveusement.

-C'était mon fils, François ! Comment a-t-il pu mal tourner à ce point ?

François haussa les épaules.

-Ta fille va bien ? s'enquit-il.

-Oui, oui, un peu choquée, c'est tout.

-J'espère que ça lui passera vite. Je suis vraiment désolé de tout ce qui s'est passé.

-Nous le sommes tous, Olivier.

Les deux hommes restèrent un petit moment à discuter, puis François lui fit ses adieux. Après tout ce qu'ils avaient vécu, il avait besoin de retourner à Castans, parmi les siens.

Le lendemain, ils trouvèrent un commerçant qui allait dans la même direction qu'eux, et qui acceptait de les prendre avec lui.

Le voyage se fit dans un silence de mort, malgré quelques tentatives de François et Jean pour détendre l'atmosphère. Marie restait livide, les yeux fixes. Elle ne comprenait pas pourquoi le sort s'acharnait contre elle. Abandonnée à la naissance, elle avait perdu le père Bujol qui l'avait élevé puis avait été maltraitée par le père Renonceau, et enfin venait d'être utilisée, trompée et menacée par le garçon qu'elle aimait. A chaque fois qu'elle s'attachait à quelqu'un, la vie le lui faisait payer. Allait-elle aussi perdre François et Jean ? ou Anne et René ? Jamais elle ne pourrait survivre à leur perte. Rien que cette pensée lui tordit le ventre de douleur. Les larmes se remirent à couler sans qu'elle ne puisse rien y faire, et Jean et François ne surent pas quoi faire pour la réconforter. Ils ne comprenaient pas pourquoi Marie, si forte d'habitude, était aussi perturbée par cet épisode.

C'est complètement impuissants face aux crises de Marie qu'ils arrivèrent à Castans. Anne et André se doutèrent que quelque chose n'allait pas quand ils aperçurent François et Jean en train de prêter leurs bras à Marie pour l'aider à marcher. Ils coururent les rejoindre et les aidèrent à rentrer à la maison. Marie n'arrivant pas à rester avec eux sans pleurer, elle préféra aller se coucher directement. Jean et François informèrent rapidement Anne et René de ce qui venait de se passer.

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant