Chapitre 22

1K 92 11
                                    

Marie se montrait déterminée à croire Charles innocent tant qu'elle n'avait pas eu une preuve du contraire. Elle écrivit à Françoise Provost pour lui demander de l'inviter passer quelques jours à la cour, sans néanmoins dévoiler ses véritables intentions. Son amie lui répondit que ce serait une joie pour elle de la revoir le mois suivant. François était un peu réticent à l'idée de laisser partir Marie à la cour du frère du roi.

-Si ce qu'ils disent est vrai, tu seras en territoire ennemi là-bas.

-Tu n'en sais rien. Je peux innocenter Charles, c'est tout ce qui compte !

-Ce qui compte c'est ta sécurité. Et il pourra t'arriver tout et n'importe quoi si tu y vas !

Marie et François se disputaient rarement, mais cette fois, chacun resta bloqué sur sa décision.

C'est lors de l'une de leurs disputes, qu'un jour, ils virent leur porte de chambre s'entrouvrir légèrement. Les deux protagonistes se turent.

-Qui est là ? demanda François.

Il n'y eut pas de réponse. La porte s'ouvrit seulement encore un peu. François recula vers le fond de la pièce pour prendre son sabre qui était posé près du lit.

-Eloigne-toi. Ordonna-t-il à Marie, qui obéit immédiatement.

La porte s'ouvrit alors complètement d'un seul coup.

-Surprise ! s'écria Jean.

-Jean ! Tu nous as fait peur !

-Je voulais être sûr d'ouvrir la bonne chambre.

Le cœur de Marie explosa de joie et elle courut dans les bras de Jean.

-Tu m'as manqué !

-Toi aussi.

Une fois libéré, Jean salua son oncle.

-Qu'est-ce que tu fais là ? lui demanda enfin François.

-Je m'inquiétais pour Marie.

-Comment ça ? demanda l'intéressée.

-Avec ma mère et mon père nous avons été au grand Pardon le mois dernier, et pour l'occasion, les nobles avaient ouvert leurs maisons, et nous pouvions visiter.

-Oui...

-Dans l'une d'elle, je suis tombée face à un tableau d'Anne d'Autriche.

Il se tut, attendant une réaction de la jeune fille. Marie ignorait complètement à quoi ressemblait sa mère. Elle se montra très curieuse.

-Alors, comment est-elle ?

-Ferme les yeux.

Marie obéit. Jean l'attrapa par les épaules et lui fit traverser la pièce.

-Tu peux les ouvrir.

Marie, se retrouvant face au miroir, se tourna vers Jean.

-Qu'est-ce que ça veut dire ?

-Tu es le portrait craché de ta mère. En plus jeune, bien sûr. Mais quiconque connaît ta mère a pu faire le rapprochement...

-Mais Charles l'a déjà vue. Et il est très physionomiste. Pourtant il n'a rien dit...

Marie se tourna vers François. Tout ça lui donnait raison. Charles ne lui disait pas tout.

-Gaston d'Orléans ! s'écria-t-elle. Il la connait forcément ! Le sentiment étrange qu'elle avait eu lors de son entretien avec le frère du roi lui revint en mémoire. Tout cela ne pouvait être un hasard.

Ils mirent rapidement Jean au courant des dernières nouvelles. Celui-ci était d'accord avec François.

-N'y va pas Marie, tu ne sais pas de quoi ces gens-là sont capables.

-Je veux avoir des explications.

-Mais ce n'est pas la peine ! Rentre avec nous, on te trouvera quelqu'un d'autre.

-Mais qu'est-ce que vous ne comprenez pas quand je vous dis que je l'aime ! explosa la jeune fille en claquant la porte.

Elle descendit les escaliers et sorti de l'auberge. Elle avait besoin d'être seule. Elle ne comprenait pas comment tout le monde pouvait incriminer Charles sans avoir de preuve. Le frère du roi avait sans doute conspiré contre le monarque, mais Charles ne devait être qu'un ami à lui, et peut-être n'était-il pas au courant de ses agissements. Peut-être Gaston d'Orléans avait-il manipulé Charles. Ce garçon si doux et prévenant ne pouvait faire partie d'un tel complot. Elle devait découvrir la vérité, innocenter Charles, et peut-être le sauver d'une condamnation à mort.

Elle sentit Jean arriver derrière elle.

-Tu crois en lui à ce point ? demanda-t-il gentiment.

-Oui, je sens que je peux avoir confiance.

-Si tu le crois innocent, je veux bien t'aider.

-C'est vrai ? S'exclama Marie en sautant dans ses bras. Oh Jean tu es formidable !

Il sourit et resserra ses bras autour de la jeune fille.

-Je t'accompagnerai à Blois. Et ce n'est pas négociable. Il faut quelqu'un pour veiller sur toi.

-J'accepte.

-Et puis comme ça tu ne te retrouveras pas sans cavalier.

Voilà qui arrangeait tout. Jean la convint de retourner dans leur chambre. Ils expliquèrent leur idée à François qui accepta le compromis. Il laissait sa fille aller à ce bal, mais il savait que Jean veillerait sur elle. Il fallut cependant trouver de beaux vêtements à Jean. Le père de Charles qui avait été mis dans la confidence leur prêta de l'argent. Il ne croyait pas à l'innocence de son fils, mais voulait connaître la vérité. Marie reçut une autre lettre de son amie qui lui indiquait les derniers détails de cette soirée tant attendue. Elle précisait que Charles serait de la fête, ainsi que Gaston d'Orléans. Marie se sentit vexée de ne pas avoir été invitée par son fiancé, mais elle n'avait pas apprécié plus que ça l'atmosphère au premier bal. Peut-être ne voulait-il pas l'embêter avec toutes ces mondanités.

Enfin, se fut le départ. Marie avait revêtu sa robe du dernier bal, et Jean portait une veste ocre et un bas rouge. François lui avait remis son sabre. Le jeune homme avait arrangé ses cheveux, naturellement abondant. On aurait pu croire qu'il s'agissait d'une belle perruque. Marie le trouva ravissant. Ils montèrent dans la calèche et le voyage se fit sans encombres jusqu'à Blois. Ils avaient prévu de se montrer discrets, de se fondre dans la masse et de seulement laisser traîner leurs oreilles, en surveillant du coin de l'œil les principaux suspects.

Ils furent accueillis par Françoise Prévost qui tenait son petit Jean-François dans les bras.

-Madame Favigny ! Comme je suis heureuse de vous revoir !

Les deux femmes s'embrassèrent.

-Vous devez être Monsieur Dauger ? Marie m'a beaucoup écrit sur vous. Je suis enchantée de faire votre connaissance.

-Je suis tout aussi enchanté, Madame. Fit Jean en s'inclinant maladroitement.

Ce changement de milieu le rendait nerveux. Il avait peur de mal agir et de faire remarquer son côté campagnard.

Françoise remit son bébé à une nourrice, et fit entrer Marie et Jean dans le château.  

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant