Marie se présenta devant le Grand Monsieur. Celui-ci, toujours le sourire aux lèvres la salua.
-Marie Favigny, c'est bien cela ?
-Oui, Monsieur. Répondit-elle impressionnée.
-M. Milot m'a rapidement parlé de vous. D'où venez-vous ?
-De Castans, c'est un petit village dans le centre de la France.
-Hmmm, et vos parents ? Sont-ils connus ?
Marie songea deux secondes au scandale qu'elle pourrait créer en révélant sa véritable ascendance.
-Mon père est soldat, François Favigny. Je n'ai jamais connu ma mère, elle est morte à ma naissance.
-Donc c'est la première fois que vous entrez dans ce milieu.
Marie acquiesça.
Gaston d'Orléans fit un léger signe à Charles comme pour confirmer quelque chose.
-Ce fut un plaisir de faire votre connaissance. Dit-il.
-Moi-de même, Monsieur.
Elle effectua une révérence pour le saluer et recula, attendant que Charles la suive. Gaston d'Orléans s'approcha du jeune homme.
-Vous avez eu de la chance. Souffla-t-il. Je vous en remercie.
Charles hocha la tête, et alla rejoindre Marie.
-Que vous disait-il ? demanda Marie intriguée.
-Que j'avais eu de la chance de tomber sur une fille comme vous.
-Vraiment ?
-Est-ce que je mentirais à ma petite colombe ?
Marie sourit.
Elle passa le reste de la soirée à danser avec Charles et à discuter avec Mme Provost. Les deux femmes se promirent de s'écrire lorsqu'elles seraient séparées. Quand elle se sentit fatiguée, Charles l'accompagna à l'hôtel le plus proche, lui souhaita une bonne nuit et reparti. Marie exténuée par cette longue et palpitante soirée s'endormi aussitôt. Ils retournèrent chez Charles le surlendemain. François les attendait avec impatience. Il pressa Marie de questions, et celle-ci ne se fit pas prier pour y répondre. Elle lui décrivit les bâtiments, le luxe, les robes, les personnes qu'elle y avait vu.
-Pourquoi Gaston d'Orléans a-t-il demandé à te voir?
-Je ne sais pas. Il m'a demandé qui étaient mes parents.
-Et ? Tu n'as pas commis d'imprudence ?!
-Non, ne t'inquiètes pas, j'ai donné la réponse officielle, comme quoi tu étais mon père et que ma mère était morte en couches.
Elle lui raconta comment elle avait répondu aux femmes de la cour, ce qui fit sourire François. Sa fille mêlait son franc parlé du peuple, avec l'esprit d'une femme instruite. Il était fier de ce qu'elle était devenue. Il avait à présent la certitude qu'elle serait heureuse et choyée le reste de sa vie.
Le lendemain, Charles passa les voir et leur appris qu'il repartait à la cour pour son travail. Etre mousquetaire du roi lui demandait beaucoup de temps. Durant son absence, Marie tuait le temps à visiter les alentours avec François. Elle pensait sans cesse au jeune homme. Elle ne pouvait plus se passer de lui. Elle écrivit à Mme Provost, comme elle avait promis, et reçut une lettre de cette dernière. Les deux femmes étaient faites pour s'entendre. Charles rentra à la fin de la semaine le temps d'un repas, et annonça qu'il devait repartir. Marie était dépitée. Alors qu'ils se levaient à la fin du repas et que les deux pères discutaient en sortant, Charles l'attrapa par le bras et la tira dans un coin de la pièce. Marie poussa un petit cri, surprise.
-Vous me manquez tant, ma chère colombe ! Lui souffla-t-il en l'embrassant passionnément.
Marie répondit immédiatement au baiser.
-Vous aussi ! dit-elle quand leurs bouches se séparèrent enfin.
-J'aimerai tant rester avec vous... se désola-t-il. Vous allez finir par vous lasser de m'attendre.
-M. Milot ! Vous ne le pensez pas !
Le jeune homme sourit.
-Vous êtes merveilleuse !
Il l'embrassa une seconde fois, puis ils se décollèrent et allèrent rejoindre les deux hommes qui discutaient sur le perron. Leur absence n'avait pas été très longue, et les deux pères ne la relevèrent même pas.
Ce fut encore une semaine sans Charles. Il rentra, et reparti encore. Marie souffrait de ces absences répétées, mais n'osait s'en plaindre à Charles, il l'avait prévenu qu'il s'absenterait, et elle avait juré que cela ne lui posait pas de problème. De toute façon, elle ne pouvait pas lui demander de choisir entre elle et son poste de mousquetaire.
-Tout va bien ? lui demanda François.
-Oui, oui, je réfléchissais.
Elle craignait de se confier à son père car il pouvait croire qu'elle allait être malheureuse avec Charles. Mais ça n'allait pas être le cas, elle le savait. Il s'agissait seulement d'une période difficile.
Pendant plusieurs mois, leur relation fut ponctuée par les absences hebdomadaires de Charles. Marie attendait que le jeune homme mette fin à la période d'essai et la demande enfin en mariage. Ainsi ils pourraient habiter ensemble et s'installer à côté de St Germain-en-Laye. François sembla comprendre les attentes de Marie car lors d'un déjeuner avec le jeune homme, il aborda le sujet.
-Dis-moi mon garçon, votre « période d'essai » à toi et Marie va-t-elle durer encore longtemps ?
-C'est vrai, renchérit le père de Charles, un jour elle ne pourra plus te donner d'enfants.
-Papa ! s'offusqua Charles.
Puis il se tourna vers François.
-J'espère pouvoir vous demander sa main très bientôt...
-Mais ? continua François.
Marie les écoutait, la boule au ventre. Elle remerciait son père du fond du cœur d'avoir abordé le sujet.
Charles baissa les yeux, penaud.
-J'ai prêté beaucoup d'argent à un ami, je n'ai pas actuellement de quoi offrir à Marie le mariage que je veux pour elle. Mais dès qu'il me remboursera, je vous ferai ma demande.
François réfléchit à l'explication de Charles. Il ne comprenait pas pourquoi il repoussait un mariage par manque d'argent. Cela devait être une coutume chez les personnes haut-placées de faire un mariage grandiose.
-Nous pourrions nous fiancer ? Proposa alors Charles.
Marie retrouva immédiatement le sourire. S'ils étaient fiancés, ils étaient comme à moitié mariés.
François se tourna vers elle pour lui demander son avis. Elle hocha la tête, essayant tant bien que mal de dissimuler le sourire qui montait jusqu'à ses oreilles.
Charles se leva et alla dans la pièce voisine. Il en revint avec une bague.
-C'est la bague de fiançailles, de ma mère. Elle compte beaucoup pour moi. Expliqua-t-il.
VOUS LISEZ
Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...