Eustache sorti furieux de sa cachette.
-Je croyais que ma présence devait rester secrète !
-Mais voyons, elle ne vous connait pas !
-Même ! Ce n'est pas une raison ! Nous nous étions mis d'accord !
Louise souffla.
-Bon très bien, ne vous énervez pas pour ça, il n'y a pas mort d'homme...
-Si peut-être, justement ! Si je perds mon travail, la survie du bébé sera compromise !
Louise se mordit la lèvre et baissa la tête.
-Oui, bien sûr, je suis désolée... Pour quand sa naissance est-elle prévue ?
-Février.
Eustache fit volte-face et s'enferma dans sa chambre. Il s'appuya contre la porte et se laissa glisser jusqu'au sol. Pourquoi restait-il avec Louise ? Il se faisait du mal à espérer, tout en sachant qu'il n'avait aucun espoir et mettait en danger le prochain bébé de la famille.
-Eustache, je suis désolée... gémit Louise de l'autre côté de la porte.
-Cela ne sert à rien, le mal est fait, répliqua-t-il.
Il devait quitter Louise et Marie-Anne le plus vite possible. Sa décision était prise. Il se leva et ouvrit la porte. Louise se tenait de l'autre côté et parut surprise de le voir aussi énervé.
-Je pars, déclara-t-il.
-Mais vous ne pouvez pas, c'est la nuit et...
-Je pars.
Il embrassa Marie-Anne sur le front et quitta le pavillon. Louise resta immobile, ne sachant que dire pour le faire rester. Il se rendit à l'auberge la plus proche et demanda une chambre pour la nuit. Il se coucha le cœur encore battant. Le lendemain, il alla travailler. André le Nôtre le trouva bien silencieux et lui en fit la réflexion.
-Ce n'est rien, seulement que j'espère que l'argent que je gagne permettra à ma famille de mieux passer l'hiver.
-Je n'en doute pas, vous êtes un brave garçon. Allez, remettez-vous au travail.
Son patron lui adressa un sourire qu'il lui rendit furtivement. Eustache appréciait vraiment cet homme. Il l'avait pris sous son aile et conseillé. Il s'en voulait de ne pas l'avoir écouté et d'avoir pris des risques inutiles en restant chez Mademoiselle de La Vallière. Il passa la semaine à l'auberge. Le soir il rentrait, demandait une soupe ou un plat de lentille et allait se coucher.
La semaine suivante, Louise vint le voir durant son temps de travail.
-Psst ! l'appela-t-elle de derrière un citronnier.
-Mademoiselle ! fit-il surpris.
Mais son visage se referma presque immédiatement.
-Je ne peux pas vous parler maintenant.
Il détourna la tête vers l'oranger dont il s'occupait et continua son travail.
-Je vous en pries Eustache, revenez... Je me sens si seule !
Eustache haussa les épaules sans même relever la tête vers elle. Elle le considéra quelques minutes en silence. Il sentait son regard décrypter chaque parcelle de peau. Puis, sans bruit, elle retourna chez elle.
Eustache releva alors la tête et la regarda s'éloigner. Elle était belle, et malgré toutes ses objections, il aimait cette jeune femme.
Le soir, seul dans son lit, il se remémorait les soirées qu'ils passaient ensemble lorsqu'il logeait chez elle. Il se retournait sans pouvoir oublier sa douce figure, ses longs cheveux et sa démarche dansante. Les semaines passèrent. Parfois il la voyait passer. Elle avait rejoint la cour, et marchait parfois dans les jardins avec des courtisanes, ou le roi. Il ne pouvait s'empêcher de la regarder furtivement. Ce que l'on racontait à son sujet était vrai. Elle maigrissait, elle qui déjà n'était pas bien grosse, son visage s'allongeait et prenait un teint terne. Il entendait dire que le fait d'être délaissée du roi lui faisait perdre la santé.
Le mois de février arriva. Il reçut une lettre de sa mère. La petite Anne était née. On lui avait donné le nom de sa grand-mère. Eustache était désigné pour être le parrain. Fou de joie, il demanda à Monsieur le Nôtre de lui accorder quelques jours. L'homme accepta et souhaita le meilleure pour le nouveau-né.
Quelques jours plus tard, Eustache arrivait donc à Castans. Son père l'accueillit d'une franche accolade.
-Comment vas-tu ? le voyage s'est bien passé ?
-Oui, où est Maman ?
-Dans la chambre.
Jean accompagna Eustache jusqu'à la chambre conjugale.
-Ma petite Marie, il y a quelqu'un pour toi...
La nouvelle mère leva les yeux, et son visage s'illumina lorsqu'elle vit son fils apparaitre dans l'encadrure de la porte. Elle ouvrit grand les bras et Eustache alla l'embrasser.
Marie releva un pan de la couverture et dévoila un tout petit nouveau-né.
-Voilà ta petite sœur.
Eustache l'embrassa, puis s'assit à côté de sa mère sur le lit et lui raconta ses aventures à la cour, sans révéler qui était Mademoiselle de La Vallière vis-à-vis du roi. Marie et Jean trouvèrent son discours très positif et en étaient ravis. Grâce à l'argent envoyé par Eustache, ils avaient pu acheter autant de nourriture qu'ils le voulaient, et même une nouvelle couverture, plus chaude. Eustache travaillerait encore quelques mois et rentrerait définitivement une fois qu'il aurait gagné suffisamment d'argent.
Le baptême eut lieu le surlendemain. Eustache porta sa petite sœur durant toute la cérémonie. On l'appelait la petite Anne, pour la différencier de sa grand-mère. Celle-ci était d'ailleurs assez mal en point et Eustache savait que c'était sans doute la dernière fois qu'il la voyait. Elle n'avait même pas pu se déplacer pour aller au baptême de sa petite fille. Jean devait passer chaque jour chez elle pour lui apporter de quoi manger. Chacun avait l'impression que depuis la mort de son frère François et de son mari, elle se laissait mourir. Elle ne reconnut pas Eustache lorsqu'il vint la saluer.
Il passa néanmoins de bons moments avec ses parents et ses amis qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs mois.
Eustache se préparait à son retour à Versailles quand il reçut une lettre. Ce fut sa mère qui la lui apporta.
-Que dit-elle ? demanda Eustache.
-Je ne sais pas, je n'ai pas ouvert. C'est ton courrier, pas le mien, je ne suis pas indiscrète... elle marqua une pause et reprit.
-Surtout quand une demoiselle écrit à mon fils, dit-elle en tendant la missive, un sourire au coin des lèvres.
Le cœur d'Eustache fit un bon dans sa poitrine. Il s'empara de la lettre. Elle était de Louise de La Vallière.
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Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...