Chapitre 33

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Eustache avala sa salive. Qu'elle ironie que ce soit elle qui lui pose la question ! Bien sûr qu'il savait ce qu'était l'amour ! Il ne faisait que brûler un peu plus chaque jour dans son cœur depuis qu'il l'avait rencontré.

-Oui, je sais ce que c'est... soupira-t-il.

Louise s'immobilisa, comme surprise.

-Une dame occupe-t-elle votre esprit ?

Eustache avoua que oui sans donner plus de détail.

-Est-ce une jeune fille de votre village ? essaya de deviner Louise.

-Je préfère ne pas vous en parler.

-Même à moi ?

-Oui.

Louise insista encore pour avoir plus d'informations sur celle qui occupait les pensées de son ami, mais Eustache se montra muet comme une carpe.

-C'est un amour sans avenir, cela ne sert à rien d'en parler, avait-il seulement dit avant de se retirer dans une chambre que Louise avait laissé à sa disposition.

Louise fut surprise de sa réaction. Elle n'avait jamais envisagé que son ami ait le cœur prit. Elle se creusa la tête pour imaginer la muse de son amie. Comment était-elle ? Etait-elle plus belle qu'elle ? Plus intelligente ? Avait-elle plus de conversation ? Une violente douleur l'arrêta dans ses pensées.

-Eustache ! appela-t-elle.

Le jeune homme ressorti la tête de sa chambre et trouva Louise l'air paniqué, une main sous son ventre. Elle le regarda droit dans les yeux et il comprit.

-Je vais chercher quelqu'un, dit-il précipitamment, ne bougez pas d'ici.

Louise gémit, et s'appuyant sur les meubles, parvint à atteindre son lit. Eustache courut le plus vite possible au pavillon voisin, toqua, et avant même d'obtenir une réponse, il entra.

-Bonsoir, fit-il en reprenant son souffle, y'a-t-il une femme qui sache faire accoucher ?

Les quelques gentilshommes qui se trouvaient dans la pièce haussèrent un sourcil.

-C'est Mademoiselle de La Vallière ! tenta d'expliquer Eustache.

-Oh ! L'ancienne catin du roi ! pouffa l'un deux.

Les autres s'esclaffèrent, sauf un qui le dévisageait.

-Qui es-tu, toi ?

-Eustache Dauger, employé aux jardins.

L'homme plissa les yeux puis déclara :

-Non désolé, il n'y a personne pour toi ici.

Eustache reparti, dépité. Qui pourrait accepter d'aider Louise ? Il pensa soudain à ses amis, Monsieur et Madame de Lisière. Il devait les trouver le plus rapidement possible. Le couple était sûrement à Versailles. Sans perdre une minute, il courut à l'écurie détacher l'un des chevaux qui l'avaient conduit à Vincennes et le monta à crue. Il savait avoir encore un peu de temps, mais il ne devait pas en perdre. Il lui fallait une petite heure pour rejoindre le château. Il coupa à travers champs et arriva à Versailles par les jardins. Heureusement, son travail lui permettait d'en connaitre tous les raccourcis. Il arriva à la porte, mais deux gardes lui barrèrent la porte.

-C'est urgent ! les pressa Eustache.

-Urgent pour un paysan, au château ?

Eustache comprit qu'il ne parviendrait pas à passer comme ça. Il inspira et tenta de prendre l'air le plus sérieux possible. Il devait se faire passer pour son oncle, le roi soleil.

-Pauvres crétins ! Avez-vous seulement regardé à qui vous vous adressez ? Je ne savais pas que les Bourbons étaient des paysans. En revanche, vos familles risquent de chuter si vous ne me laissez pas passer.

Les gardes s'immobilisèrent et observèrent Eustache, l'air à la fois inquiet et suspicieux. Eustache craignit que sa ressemblance avec le souverain ne soit pas aussi grande que Louise le disait.

-Bon, je n'ai ni ma perruque, ni mes talonnettes, ni mon maquillage... Est-ce interdit pour un roi de se promener incognito ?

Les gardes balbutièrent quelques syllabes désarticulées, ne sachant que croire. Eustache profita de cet instant d'hésitation pour entrer dans le château.

-Pauvres sots ! Barrer la route à votre roi ! s'exclama-t-il pour parfaire son imitation avant de repartir en courant. Il devait trouver Madame de Lisière. Elle seule pouvait aider mademoiselle de la Vallière. Il demanda deux ou trois fois son chemin à des valets. Versailles était un vrai dédale de couloirs. Il apercevait dans sa vision périphérique que les endroits qu'il traversait étaient somptueux, mais il n'avait pas le temps de s'arrêter pour contempler quoi que ce soit. Louise était en train d'accoucher. Enfin il vit la jeune femme blonde qu'il cherchait. Dans un salon emplit d'autres dames. Il se demanda comment il allait pouvoir demander à Madame de Lisière de venir sans trop se faire remarquer. Finalement, il décida que la simplicité était encore le mieux. Il frappa à la porte. Toutes les femmes du salon se retournèrent vers lui. Le rouge lui monta aux joues. Et si elle ne le reconnaissait pas ? Heureusement, les traits de Françoise Hélène de Lisière se détendirent. Elle l'avait reconnu. Elle vint à sa rencontre, alors que les chuchotis se faisaient de plus en plus nombreux.

-Monsieur ? Que me vaut cette visite ?

-Madame, euh, bonsoir, Mademoiselle de La Vallière accouche et elle a besoin d'aide.

Les yeux de la jeune femme s'agrandirent.

-Avec qui est-elle ?

-Euh personne, elle est seule... A Vincennes.

-A Vincennes ? Bon. Elle eut une légère moue, comprenant sans doute ce qu'Eustache attendait d'elle.

Finalement, elle se retourna, attrapa rapidement un manteau et le suivit.

-Je reviens, dit-elle aux autres femmes qui se mirent à rire bêtement. Elle ne précisa pas la raison de son départ.

Elle accéléra le pas pour rejoindre Eustache qui se précipitait déjà vers la sortie.

-Monsieur ! Vous avez laissé cette pauvre femme seule en train d'accoucher ? Savez-vous qu'il nous faudra plus d'une heure pour rejoindre ses appartements à Vincennes ?

-Je sais... haleta-t-il, c'est pour ça que je me dépêche. Vous avez un cheval ?

-Il faut que je demande à un palefrenier de le préparer.

-Non, venez !

Eustache la conduisit jusqu'à l'oranger où il avait attaché son cheval et l'aida à monter dessus.

-Ce n'est pas confortable pour une dame comme vous mais, je vous en supplie, faites ça pour votre amie.

Il regarda madame de Lisière dans les yeux, espérant qu'elle ne refuse pas.

-Bon, j'ai l'air d'une paysanne, cela est tout à fait indécent, mais ai-je le choix ?

Sur ce, elle donna un coup de talon et le cheval s'élança à l'extérieur des jardins royaux. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant