Chapitre 28

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Les mois passèrent, Marie et Jean ne regrettaient en rien leur décision. Ils avaient confiance l'un en l'autre et s'aimaient à la folie. Peu à peu, leurs parents se doutèrent de quelque chose. Ce fut François qui brisa la glace le premier, un soir alors qu'il se trouvait seul avec sa fille.

-Tu ne me demandes plus de te marier...

Marie se pinça les lèvres.

-C'est parce que tu as déjà trouvé, n'est-ce pas ?

Elle hocha la tête. Elle lui en était plus que reconnaissante d'aborder le sujet. Elle n'aurait jamais osé le faire.

-Ça fait quelques semaines que je m'en doute. Avoua-t-il. C'est un brave garçon.

-Alors tu veux bien ?

-Avec le peu de dot que tu as, on ne va pas faire les difficiles. Il n'a pas autant d'argent que Charles, ce ne sera pas facile tous les jours, mais vous serez heureux.

-Merci Papa ! s'écria-t-elle.

Elle se haussa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue.

-Il faudra prévenir Anne et René ! ajouta-t-il alors que la jeune fille courait déjà rejoindre son amoureux. Elle le trouva derrière la grange.

-Jean ! Papa est au courant ! annonça-t-elle.

-Et ? Qu'a-t-il dit ?

-Il est d'accord !

Jean prit Marie dans les bras et l'embrassa sur la joue. Ils étaient ravis.

-Plus que mes parents à prévenir.

-Quand penses-tu le faire ?

Le jeune homme haussa les épaules.

-Je verrai. Tiens, prends une fourche, on a du travail.

La brune sourit et s'empara de l'outil. Ils s'en allèrent tous les deux aux champs et travaillèrent toute la journée.

Le soir, ils rentrèrent épuisés, mais souriants. Ils avaient hâte de pouvoir se reposer. Le repas préparé par Anne leur chatouillait les narines. Lorsque tout le monde fut assis autour de la table, Jean jugea le moment opportun.

-Papa, Maman, je vais me marier.

-Quoi ? Tu t'y mets toi aussi ! s'exclama Anne.

-Avec qui ? demanda René, on ne te voit pas discuter avec beaucoup de jeunes filles.

-Est-ce une fille bien ? Reprit sa mère.

Alors Jean se leva et se tourna vers François.

-Mon cher oncle, m'accorderez-vous la main de votre fille ? demanda-t-il en s'inclinant légèrement.

-Bien sûr Jean, pas besoin de toute cette mise en scène.

-Ce n'est pas comme cela que l'on demande la main d'une princesse ? Sourit-il.

René avait l'air heureux et Anne restait la bouche ouverte, sans être sûre de bien comprendre.

-Vous... Vous deux... Vous...

-Oui Maman, tous les deux. Comme ça on restera tous à Castans et tu pourras nous disputer dès que tu voudras.

-Que pouvait-on espérer de plus? Conclu René en se levant. Je vais aller embrasser ma future belle-fille.

-Ça me fait plaisir que vous aillez pris cette décision. Souffla-t-il à Marie en lui faisant la bise.

Elle le remercia, ravie, et alla prendre Anne dans ses bras.

Ils se fiancèrent le soir même. Ce que les deux amoureux craignaient était de l'annoncer au voisinage. Ils attendirent un peu, le temps d'être prêts, et l'expliquèrent très simplement aux autres, lors de la dernière journée de vendanges. A leur grande surprise, tout le monde les félicita chaudement. Mais ils déchantèrent rapidement en se rendant compte que le village parlait derrière leur dos.

-Je vais aller leur dire de nous le dire en face ! s'énervait Jean.

Marie l'attrapa par le bras.

-Arrête, ça ne sert à rien.

-Quoi ! Tu vas les laisser parler sur nous !

-Si tu y vas, ils vont voir que ça t'atteint, et ils vont continuer. Laisse couler, ils vont oublier.

-Mais j'ai un honneur à tenir !

-Crois moi, il y a des choses beaucoup plus graves qui arrivent et personne ne se bat pour ça.

-Mais...

-Oublie. Lui répéta-t-elle en lui déposant sur les lèvres. Je ne tiens pas à ce que ça finisse mal.

Jean eu du mal à accepter le point de vue de Marie, et revint plusieurs fois sur le sujet. Heureusement, au fur et à mesure des mois, les bavardages s'apaisèrent et Jean n'eut plus de raisons de vouloir chercher querelles. Jean débuta la construction de leur future habitation, non loin de celle de ses parents. Il construisit une petite maisonnette en pierres légères liées par du torchis. Il souhaitait pouvoir offrir à Marie une habitation pour leur mariage. Ce dernier fut célébré en août 1645. Marie rayonnait dans sa robe prune qu'elle avait cousu pour l'occasion. La cérémonie fut très simple. Tout le village était invité. Marie avait également invité son amie Françoise Prévost, mais celle-ci déclina l'invitation. Elle avait accouché d'une petite Louise, un an plus tôt, et la nature fragile de la petite l'empêchait de se déplacer.

Les deux tourtereaux rentrèrent chez eux accompagnés de toute la noce qui criait. Enfin Jean ferma la porte à double tour, et les deux jeunes mariés s'embrassèrent passionnément. Jean prit Marie dans ses bras et, la soulevant de terre, il la fit tournoyer autour de lui. Ils avaient conscience d'être des privilégiés. Épouser quelqu'un que l'on aimait était très rare. De plus, dans leur cas, les deux familles étaient consentantes. Ils décidèrent d'attendre un peu pour avoir des enfants, car le temps n'était pas très bon, et la récolte serait sans doute mauvaise. Or, Marie ne devait manquer de rien si elle tombait enceinte. Cela ne la gênait pas d'attendre, elle avait seulement 19 ans.

Elle tomba enceinte en 1647. La récolte était bonne, elle allait pouvoir le nourrir correctement. Pendant toute sa grossesse, Jean fut aux petits soins pour elle. Il avait déjà vécu la perte de nombreux enfants de ses parents, et ne voulait en aucun cas revivre la même chose. Anne passait souvent la voir et lui donnait des conseils qu'elle-même tenait de sa mère qui les tenait de sa propre mère.

Elle accoucha enfin en mai 1648 d'un beau petit garçon. Jean était le plus fier des papas. Dès qu'il le put, il entra dans la chambre embrasser Marie. Il prit leur fils dans les bras. Ils avaient choisi de l'appeler Eustache. Jean sourit au nouveau-né.

-Bienvenue parmi nous, mon petit Eustache Dauger. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant