François ouvrit de grands yeux. Il ne s'attendait visiblement pas à ça.
-Comment ça ? Tu es sûre ?
-Oui, j'en suis sûre. Je veux me marier, et le plus vite possible. Répondit-elle surexcitée.
-Avec qui ?
-Je sais pas.
François la dévisagea.
-Tu veux te marier mais tu ne sais pas avec qui...
Marie hocha la tête. En effet, en y réfléchissant, sa requête pouvait sembler surprenante. François soupira.
-Bon écoute, je suis fatigué. On en reparle plus tard. Il posa sa main sur l'épaule de Marie, et ils rentrèrent tous les deux.
Marie, soulagée d'un grand poids, retira sa robe et se glissa dans le lit, bientôt imitée par François.
Jean se retourna vers elle. Il connaissait l'objet de sa discussion avec François.
-Tu me détestes ? chuchota-t-il.
Marie repensa avec amertume à l'accueil de Jean, et au fait qu'il précipite son départ, mais quelque chose dans son cœur comprenait sa démarche.
-A moitié.
-Alors j'ai à moitié réussi.
-Pourquoi veux-tu que je te déteste ?
-J'ai à moitié réussi parce qu'une partie de toi ne me déteste pas.
Marie ne s'attendait pas à ces paroles, et ne sut que répondre. Jean n'avait finalement peut-être pas un si mauvais fond.
-Bonne nuit. Lui chuchota-t-il.
-Bonne nuit. Lui répondit Marie, surprise par le changement d'attitude de son cousin.
De son côté, François était en proie à de grandes interrogations. Il n'avait pas grand-chose pour doter Marie. Son maigre salaire de soldat ne lui permettait pas des folies, et un mariage en était une. Mais cela devait bien finir par arriver. Il pensa ensuite aux prétendants qu'il pourrait lui trouver. Le sang de Marie était noble, mais il n'espérait même pas que son mari le soit aussi. Il n'y avait aucun moyen de la faire connaître dans ce milieu sans révéler sa véritable identité, ce qui lui attirerait plus de préjudices qu'autres choses. Il lui restait la possibilité de la faire épouser un homme du village, mais il les connaissait peu. Pour les paysans, lui et Marie étaient des étrangers. Enfin, il eut la solution. Certains de ses camarades devaient avoir des fils. Il devait se renseigner, et leur présenter Marie. Après ces longues réflexions, il put s'endormir en paix.
Le lendemain, toute la famille Dauger se rendit à la messe dominicale. Sur le chemin, François réussit à s'isoler rapidement avec Marie.
-Par rapport à hier soir, j'ai réfléchit... commença-t-il.
La jeune fille se tourna vers lui, affichant un grand sourire. Décidément, il ne l'avait pas vu grandir. Ce nourrisson qu'il avait recueilli à la fin d'un hiver était devenu une belle jeune fille brune aux yeux noisette. Elle avait une petite bouche fine, et un nez assez long.
-Je pense que le fils d'un des hommes de ma garnison serait bien pour toi.
-Tu le connais ?
-Pas vraiment, mais on pourrait le rencontrer et voir s'il convient.
-Oh Papa, je t'aime ! Ce serait magnifique !
François esquissa un léger sourire, un peu gêné. Il ne comprenait pas pourquoi d'un coup Marie voulait absolument se marier. Ils venaient à peine de rentrer qu'il sentait le départ arriver. Il aurait tant aimé passer plus de temps avec sa sœur.
Marie accéléra le pas et rattrapa Jean. D'un sourire, elle lui fit comprendre que tout était arrangé. Il lui sourit en retour. Marie eut chaud au cœur. Enfin elle retrouvait son cousin comme elle avait toujours voulu le retrouver. A la messe, elle suivit sa tante aux premiers rangs. Les hommes restèrent plus dans le fond de l'église. De loin, elle aperçut les jeunes qu'elle avait rencontré aux champs. Colette était sur la rangée de droite et semblait ne pas l'avoir vu. L'office se termina assez rapidement. Alors qu'elle sortait, Marie fut rejointe par Jean.
-Tu viens avec nous ? Lui proposa-t-il. On va passer un peu de temps avec les autres du village.
Marie se retourna vers François pour avoir son approbation. Celui-ci hocha la tête.
-Je te suis. Répondit-elle en souriant.
Les jeunes quittèrent le village et s'arrêtèrent sous un arbre, près d'un cours d'eau. Une jeune fille apporta une miche de pain noir, un garçon quelques fruits, et ils partagèrent ce repas. Ils restèrent un peu assis, profitant de la douce chaleur de ce beau début d'après-midi. Les oiseaux chantaient accompagnés par les grillons et le doux mouvement de l'herbe ondulante. Marie se serait cru au paradis. Jean posa la tête contre son genou et ferma les yeux. Ils étaient si bien...
-Un colin-maillard, ça vous dit ? Proposa Colette.
Le reste du groupe se releva, enthousiaste. Joseph fut le premier à se faire bander les yeux. Ils entourèrent le pauvre aveugle et celui-ci partit tâtonnant à leur recherche. Il tomba sur Colette, tâta son corps, ses épaules, pinça ses joues, puis souriant, descendit ses mains sur la poitrine de la jeune fille. Avant que quiconque n'est pu réagir, le garçon embrassa la gorge de Colette.
-Y'en a qu'une avec ces tétines. dit-il en riant et retirant son masque. Colette, c'est à toi !
Marie risqua un œil vers son cousin qui riait avec tous les autres.
-Ça ne vous gêne pas ? lui demanda-t-elle discrètement.
-Non, c'est marrant. Et puis il n'a rien fait de mal, et ça la fait rire aussi. T'inquiètes pas qu'elle aime ça.
Marie haussa les épaules, si c'était les mœurs du pays, elle n'y pouvait rien. Le bandeau circula et après de longs éclats de rire, ils décidèrent d'aller se baigner. Ils retirèrent leurs vêtements du dessus pour ne rester qu'en chemise. Ils entrèrent dans l'eau en s'éclaboussant. Louis, un garçon aux boucles blondes se rapprocha de Marie en l'éclaboussant. Il avait l'air plutôt sympathique.
-T'es nouvelle ici, toi ?
-Oui, je suis la cousine de Jean.
-Tu ne connais pas beaucoup de choses ici alors. Lui sourit-il.
-Non, en effet... mais j'espère devenir l'une des vôtres très rapidement.
-Tu t'y feras vite.
Ils se regardèrent. Marie était ravie que les paysans viennent enfin lui parler sans voir en elle la « bourgeoise étrangère ».
-Faut absolument que tu vois un truc ! s'écria subitement Louis en repoussant une de ses mèches dégoulinantes de son front.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda Marie curieuse.
-La feuille à l'envers.
-C'est quoi ?
-Un truc génial ! Viens, tu ne regretteras pas ! Lui promit-il.
-C'est pas loin ? demanda Marie soucieuse de quitter le groupe. Elle remarqua d'ailleurs l'absence de Colette.
-Non, non, c'est juste là derrière, vient ! Ill'invita d'un mouvement de la tête.
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Le masque de fer
Fiction HistoriqueSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...