Les jours suivants, l'état de Marie ne s'arrangea pas. Au contraire les choses empirèrent. Au point que la famille Dauger commença à s'inquiéter sérieusement. Comment pouvait-elle ne pas se relever après ça, alors qu'elle en avait vécu d'autres?
C'était justement ça qui faisait souffrir la jeune fille. Quoi qu'elle fasse dans sa vie, les choses tournaient mal. Était-elle maudite d'avoir été conçue d'une union illégitime ? François lui avait révélé que son père biologique avait été tué plusieurs années auparavant par un fanatique. Marie s'étonnait même que sa mère soit encore en vie et n'ai pas été touchée par un quelconque châtiment divin comme elle ou son père.
Les autres avaient abandonné l'idée de la faire travailler aux champs. Sans cesse fatiguée, elle passait toute la journée à dormir, ou bien se traînait sur une chaise où elle restait à se morfondre. Elle évitait par-dessus tout la compagnie de sa famille. Quand ils rentraient le soir, après leur dure journée de labeur, elle montait dans le lit et fermait les deux panneaux pour ne pas avoir à entendre leurs discussions. Parfois, l'un d'eux venait la voir et essayait de lui faire entendre raison, mais elle restait sans réaction. Elle était un poids pour sa famille, elle le savait, le déplorait mais ne se sentait pas la force de les aider. Tout élan vital semblait avoir quitté son corps.
Un après midi, Jean rentra avant tous les autres. Il trouva Marie dans le lit, comme d'habitude. Elle l'avait entendu arrivé, mais resta immobile. A son grand étonnement, Jean monta dans le lit, l'embrassa sur la tempe et se coucha à côté d'elle. Comme il la voyait toujours sans réaction, une idée germa dans son esprit et il lui pinça doucement la taille. Marie eut un sursaut. Et Flocon qui se reposait lui aussi sur le lit quitta l'endroit, furieux d'avoir été réveillé.
-Laisse-moi !
Mais Jean ne semblait pas être de cet avis. Content d'avoir obtenu un résultat, il continua et se mit à la chatouiller. Elle ne put se retenir longtemps de rire et fut contrainte de riposter. S'ensuivit une véritable bataille de chatouilles entre les deux jeunes gens. Marie avait l'impression que sa cage thoracique n'allait pas supporter tant de rires. C'était la première fois qu'elle riait depuis sa mésaventure. Elle en avait presque oublié la sensation, et à quel point c'était agréable. Enfin, ils s'écroulèrent, à bout de force, sur le lit, la respiration haletante.
-Je savais que tu n'avais pas oublié comment rire. Lâcha Jean dans un souffle.
Marie ne répondit rien. Elle-même était encore surprise de s'être laissée aller à tant de gaieté.
-Tu te sens pas mieux quand tu ne fais pas la tête ? Lui demanda-t-il enfin en s'appuyant sur son coude.
-Si...
Jean sourit et alla frotter son nez contre celui de Marie.
-Bon retour dans le monde des vivants.
Marie lui sourit en retour. Le temps de la désolation devait prendre fin.
Jean sortit du lit et tendit la main à Marie pour l'aider à se lever. Celle-ci réfléchit un instant, puis décida de la saisir, pour le plus grand plaisir du jeune homme.
-Ça fait du bien de te voir enfin debout.
-J'imagine. J'ai déjà l'impression d'être fatiguée.
-Mais non ! Viens, on va préparer le souper.
Sur ce, Jean sorti de la maison et revint quelques instants plus tard, les bras chargés de légumes.
-Tu vas m'aider à tout découper.
Marie ne pouvait refuser.
Ainsi, quand à la fin de la journée, les travailleurs revinrent des champs, ils trouvèrent une Marie sur ses deux jambes et un repas prêt.
Petit à petit, elle reprit des forces, et se senti même prête à sortir à l'extérieur. Elle retrouvait doucement sa mine souriante.
Elle avait trouvé la force d'écrire à son amie Françoise Provost, pour lui donner sa nouvelle adresse, et lui raconter ce qui s'était passé lors de leur dernière rencontre. Celle-ci lui répondit qu'elle avait été épouvantée qu'une chose aussi affreuse ait pu lui arriver. Cinq-Mars, l'un des participants du complot venait d'être arrêté, mais Gaston d'Orléans serait gracié.
Elle relisait encore la réponse de son amie quand Jean entra dans la pièce. Une larme venait de couler le long de sa joue. Pour la lui cacher, elle se tourna face au lit.
-Que ce passe-t-il ? demanda-t-il en étendant un linge.
Marie ne répondit pas, ce qui inquiéta Jean. Il remarqua la lettre de Mme Provost dans la main de la jeune fille. Alors, il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras.
-Arrête d'y penser. Personne ne pouvait y penser. Son propre père n'avait rien remarqué.
Il posa sa tête contre la chevelure châtaine de Marie.
-J'ai de quoi te changer les idées. M'accompagneras-tu ce soir à la fête de Saint jean ?
Comme elle resta muette, il déclara :
-Bien, qui ne dis mot consent. Donc ce soir tu viendras avec moi, que tu le veuilles ou non. En plus, c'est ma fête, donc c'est moi qui décide. Sourit-il taquin.
Elle tourna légèrement la tête vers lui et il l'embrassa sur la joue.
-Allez, viens !
Il lui prit la main, s'empara de la lettre qu'il déposa derrière lui et la tira à l'extérieur. Éblouie par le soleil de juin, elle porta sa main devant ses yeux.
-Ça va te faire penser à autre chose. Suis-moi.
Jean parti à la rencontre de ses parents, suivi par Marie.
-'Man ! cria-t-il quand il l'aperçu. J'accompagne Marie, enfin elle m'accompagne au feu de la Saint Jean !
-D'accord, soyez prudents !
Sur ce, Jean changea de direction et se dirigea vers le bourg où les festivités n'allaient pas tarder à commencer. En effet, des fagots avaient déjà été disposé pour le feu, des tables étaient apprêtées et chacun y déposait quelque chose à grignoter. Les villageois arrivaient de tous les côtés.
-Ça va être fantastique ! S'enthousiasma Jean en se frottant les mains.
Marie restait un peu plus réservée. Elle n'avait pas franchement envie de voir du monde.
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Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...