Plusieurs mois passèrent. Marie ne portait à présent qu'une seule robe en toile grossière, tous les jours, la même. Le père Renonceau ne la laissait pas porter autre chose. Elle avait plusieurs fois tenté de fuguer, mais à chaque fois, le père Renonceau l'avait rattrapée. Il avait les villageois de son côté, et ils surveillaient la jeune fille constamment. Marie savait que le père Renonceau ne lui faisait aucunement confiance. Quand il n'avait pas besoin d'elle, en général, il la tenait enfermée dans sa chambre. Au fil du temps, Marie avait mis au point un système de poulie pour faire descendre, dans un seau, de la nourriture à Flocon qui venait souvent devant sa fenêtre, comme pour la saluer. Elle cachait dans ce seau les livres qu'elle arrivait à trouver. Ainsi quand le père Renonceau inspectait sa chambre, pour vérifier qu'elle ne cachait pas de grigris païens, il ne trouvait pas les livres.
Ce jour là encore, elle était enfermée quand une voix dont elle n'osait même plus rêver se fit entendre au rez-de-chaussée.
-Mon père ? Quelqu'un est là ?
Marie aurait pu reconnaitre cette voix entre mille. Les larmes lui vinrent aux yeux.
-Bonjour mon brave, puis-je vous aider ? demanda le père Renonceau.
-Le... L'abbé Bujol n'est pas là ?
-Il nous a quitté, il y a bien un an.
-Oh... Et ma fille ?
-Votre fille ?
-Une adorable petite fille. Elle doit avoir une quinzaine d'années. Elle n'est pas là ? s'inquiéta François.
-Non, je suis désolé, je n'ai pas vu d'adorable petite fille, comme vous dites, depuis mon arrivée ici.
-Savez-vous où elle est ?
-Je ne peux pas vous aider mon brave.
A l'étage, Marie était sidérée. Pourquoi le père Renonceau mentait-il de la sorte ?
-Bon très bien, désolé de vous avoir dérangé mon père. Je vais tenter de la retrouver.
Marie se révoltait. Non ! Il ne pouvait pas la laisser là ! Elle tambourina contre la porte de sa chambre.
-Papa ! Papa ! Je suis là ! A l'aide !
Mais rien n'y fit. François ne l'entendit pas et sortit du presbytère. Marie suffoquait. Elle ne pouvait pas passer à ça d'être sauvée !
Elle courut à sa fenêtre qu'elle ouvrit.
-Papa ! Papa ! Je suis là.
Mais François avançait vite, et s'éloignait rapidement. Marie commençait à perdre espoir quand une petite boule blanche apparut sur la route de François.
-Eh bien, Flocon ! Tu es le seul qui soit resté ici. Regretta François en caressant le chat. Il se demandait pourquoi Marie en partant n'avait pas emmené Flocon. Plus jeune, elle y était très attachée. François décida de passer un peu de temps avec le félin pour réfléchir. Quelle piste allait-il suivre ? Sans qu'il s'en aperçoive, Flocon s'était rapproché du presbytère. Un son attira son oreille. Il se tendit, à l'affut.
-Papa !
Il n'avait pas rêvé ? Non, ce n'était pas possible. Il se mit à courir vers la maison. A présent, il entendait Marie L'appeler. Il ouvrit la porte avec fracas. Le père Renonceau accourut. François l'attrapa par le col.
-Où – est – ma – fille ? grogna-t-il ?
-Voyons, voyons, calmez-vous.
-Je n'aime pas me répéter !
Le prêtre restait livide sans voix. François le souleva de terre en le tenant par le col de sa soutane.
-En haut Papa, en haut ! Entendit-il d'une toute petite voix.
Il lâcha l'homme d'église et escalada les escalier quatre à quatre. Il se laissa guider par la voix, et enfonça la porte de la chambre. Marie s'élança dans ses bras.
-Papa !
François serra Marie contre lui et lui embrassa le haut de la tête.
-Oh ma petite Marie... Que t'est-t-il arrivé ?
-C'était affreux Papa, sors moi de là !
-Ne t'inquiète pas, je t'emmène avec moi ! répondit-il les larmes aux yeux.
Jamais il n'avait vu sa fille dans un état pareil, sale, amaigrie, les cheveux en pagaille, les yeux cernés.
-Fais tes affaires et nous partons !
-Je t'aime Papa ! répondit-elle tout sourire. C'était pour elle la fin de l'enfer, des remarques désobligeantes, et des privations.
-Vous ne pouvez pas l'emmener. Intervint alors le père Renonceau. Sa voix posée glaça le sang de Marie.
-Et pourquoi cela ?
-Parce que le père Bujol m'a confié sa garde, et elle est destinée à devenir bonne sœur.
-Et vous vous êtes destinés à devenir le roi des cons... C'est ma fille. J'en fait ce que je veux, alors je vous prierai de ne pas vous mettre en travers de mon chemin.
Le prêtre semblait estomaqué, tandis que Marie se retenait de rire. Elle admirait le courage de son père. Pour une fois que quelqu'un tenait tête à cet homme.
-Monsieur, je crois que vous oubliez à qui vous parlez...
-Je crois justement avoir deviné votre vraie nature.
Il se tourna vers Marie.
-Tu es prête ?
La jeune fille hocha la tête. A vrai dire, elle n'avait pas beaucoup d'affaires à emporter.
-Bon, on y va.
Il passa devant le père Renonceau.
-Et au plaisir de ne jamais vous revoir.
-Le seigneur vous punira de vos paroles !
François ne prit même pas la peine de lui répondre, et sorti en tenant Marie par la main.
A peine dehors, il s'arrêta et Marie le serra dans ses bras.
-Je ne pensais plus que tu allais venir ! Eclata-t-elle en sanglot. Pour une fois, elle pleurait de soulagement.
-C'est fini ma petite, ne t'inquiète pas. Je ne t'aurais jamais abandonné. Il caressa ses cheveux châtains. Il s'était attaché à la petite comme à sa propre fille. Il s'en voulait de l'avoir laissée aux mains de cet homme. S'il était revenu plus tôt, elle aurait sans doute moins souffert.
-Où va-t-on aller ?
-Que dirais-tu de retourner à Castans chez ta tante ?
Marie n'en croyait pas ses oreilles. Décidément ce jour était le plus beau de sa vie. Non seulement elle sortait de l'emprise de son bourreau mais en plus elle allait revoir sa famille.
Elle resserra son étreinte et François compris à quel point elle était heureuse.
Marie appelle Flocon qui accouru à toute allure. Il n'était pas question de l'abandonner. Le trio se mit en marche. Ils passèrent la nuit dans une auberge. Le lendemain, au réveil, ils surprirent une conversation entre l'aubergiste et l'un de ses fournisseurs. Ce dernier allait dans la direction de Castans. François y vit une formidable occasion. Ce transport allait leur permettre de gagner plusieurs jours de voyage. Il s'arrangea avec l'homme, et quelques heures plus tard, ils étaient sur les routes, à l'arrière du chariot de marchandises.
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Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...