Eustache souffla. Leur histoire venait à peine de commencer que ça n'allait pas. Était-ce elle qui était compliquée ou lui ? Peut-être était-il trop exigeant, et qu'être aimé par une femme aussi belle devait lui suffire. Il toqua à la porte de la jeune femme.
-Louise...
Il colla l'oreille à la porte et attendit une réponse. Bientôt, il entendit un léger murmure.
-Mmm ?
-Peut-être pouvons-nous déjà profiter de nous aimer tous les deux sans réfléchir à demain ?
Un silence s'installa tandis que la pression montait crescendo pour Eustache. Enfin, au bout de ce qui lui avait paru une éternité, Mademoiselle de la Vallière ouvrit sa porte. Elle releva ses yeux rougis par les larmes.
-Vous avez raison je pense. C'est la meilleure chose à faire.
Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un léger baiser sur la joue du jeune homme. Il l'enserra dans ses bras et ils restèrent un moment ainsi. Jusqu'à ce que l'on toque à la porte.
-Je me cache ? demanda Eustache.
Louise hocha frénétiquement la tête, et attendit qu'Eustache ait regagné la chambre pour ouvrir à leur invitée qui s'avéra être la duchesse de Chevreuse.
-Madame la Duchesse ?
-Bonjour mon bijou, comment allez-vous ?
-Bien, bien...
-Vous aviez l'air malade ces dernières semaines, mais je vois que vous reprenez des couleurs.
Louise allait répondre mais la vieille duchesse l'interrompit.
-Mais mon trésor, vous avez pleuré ?
-Oh, non ce n'est rien ! s'exclama Louise en s'essuyant rapidement les yeux d'un revers de manche. Elle sourit à la duchesse de Chevreuse.
-Est-ce un chagrin d'amour ? Votre ami M. Dauger vous manque-t-il peut-être ? supposa la vieille femme avec un sourire entendu.
-Je... heu, non... bafouilla la jeune femme.
-Après tout, le roi ne s'intéresse plus à vous. Vous pourriez avoir envie de le remplacer vous aussi.
-Non !
Les deux femmes s'observèrent.
-Croyez-moi, je sais reconnaître une jeune femme en mal d'amour. Après tout, c'est compréhensible, puisque vous vous retrouvez seule maintenant, sans le roi, et la cour n'a que faire de vous. Comme ce doit être triste... soupira-t-elle faussement désolée.
-Merci, mais je vais très bien.
-Tututut ! l'interrompit-elle en levant son index. Je sais comment vous aider !
-Comment ? demanda Louise curieuse.
-Je peux envoyer quelqu'un le chercher, si vous me dites où il habite.
-Oh, non, vraiment ce n'est pas la peine !
-Si si, dites-moi mon bijou. Vous voir souffrir ainsi me fait mal au cœur. Voyez comme vous êtes amincie, vous avez le visage long, le teint gris, vous boitez encore plus qu'avant, non vraiment, ça ne va pas !
Louise avait beau refuser l'aide de la vieille duchesse, celle-ci insistait pour connaître l'adresse d'Eustache.
-En vérité, je ne sais pas où il habite, menti Louise.
La duchesse de Chevreuse la regarda dans les yeux comme si elle cherchait à s'assurer que Louise lui disait bien la vérité.
-Comment vous a-t-il été recommandé alors ? Vous vous êtes bien envoyés des lettres ?
-Ah... euh, je les ai détruites. Après tout, comme il est parti, il n'est pas nécessaire que je les garde.
La vieille femme eut un rictus.
-Vous ne m'aurez pas aussi facilement jeune fille.
Elle tourna les talons et sorti du pavillon.
Eustache réapparu alors.
-Que me veut-elle ?
-Je l'ignore... Elle s'est montrée particulièrement tenace pour vouloir vous retrouver.
-Pourtant je me doute bien que ce n'est pas votre bonheur qui l'intéresse. Que cherche-t-elle ?
-Eustache, est-ce vrai que je suis moins belle qu'avant ?
-Peu importe, son comportement m'intrigue, fit Eustache pensif.
-Oh non ! Voilà que je deviens laide !
Le jeune homme ouvrit de grands yeux.
-Mais pas du tout ! N'écoutez pas ce que dit cette sorcière !
-Mais vous avez dit vous-même que...
-Je n'ai rien dit du tout, je réfléchissais. Franchement, pour moi vous êtes la femme la plus belle du royaume. Vous crois vraiment qu'une vieille peau comme elle peut se permettre de vous faire des critiques à ce niveau-là ? Elle est jalouse, c'est tout.
-Il paraît qu'elle était très attirante jeune...
-Oui jeune peut-être, quand elle était avec Jules César et Néron. Franchement, elle est d'une autre époque !
-C'était une amie de la mère de Louis.
-C'est bien ce que je dis, d'une autre époque.
-Il parait qu'elle trainait dans tous les mauvais coups.
Eustache se figea.
-Louise, savez-vous si elle a déjà participé à une conspiration contre le roi ?
-Contre Louis ? Non, elle est bien trop vieille !
-Mais son père ?
La jeune femme fronça les sourcils.
-Je crois me souvenir d'une histoire comme cela, en effet... Ah si ! Elle s'était même réfugiée chez le duc de Lorraine ! C'était plutôt contre le cardinal Richelieu que contre le roi. C'était dans les années 40 je crois. Un peu avant ma naissance.
-Le frère du roi avait participé aussi, non ?
-Gaston d'Orléans ? Oui, il me semble bien. Mais il a été gracié. Il a eu de la chance, car Cinq-Mars et de Thou ont été exécutés, et il parait qu'ils n'ont pas eu le droit à un bourreau professionnel et que ça a tourné à la boucherie.
-Ouille... Mais à part la duchesse de Chevreuse, reste-t-il encore des personnes en vie ?
-Je ne sais pas... Gaston d'Orléans est mort, le prince de Sedan aussi... Non, je ne vois pas qui pourrait rester en vie. Enfin de ceux vraiment connus qui ont pris part à la conspiration.
Eustache resta pensif, réfléchissant si quelqu'un pouvait en vouloir à sa mère d'être intervenue dans leurs affaires.
-Pourquoi vouliez-vous savoir cela ?
-Non, comme ça, pour rien, par curiosité.
-Elle a tant l'air que ça de traîner dans de sales affaires ?
-Oh oui...
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Le masque de fer
Historical FictionSous Louis XIII. Une toute petite enfant se voit confiée au premier venu, un certain soldat du roi nommé François. Il décide de l'appeler Marie et de la chérir comme si elle était sa propre fille, se résolvant à garder secret l'identité de sa mère...