Chapitre 27

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Les mois passèrent, et Marie s'était remise. Il lui arrivait encore d'avoir quelques moments de tristesse et de rechute, mais globalement, elle gardait le sourire. L'hiver touchait à sa fin. Tout le monde attendait les beaux jours avec impatience car la saison avait été particulièrement difficile. La question du mariage revenait de plus en plus souvent dans la tête de Marie. Durant l'hiver, elle avait plusieurs fois eu peur qu'à cause d'elle les siens manquent de nourriture. Ils n'avaient rien dit, mais Marie le sentait. Un soir, elle décida d'accompagner François pour inspecter les champs qu'ils allaient devoir cultiver. Elle avait décidé de lui parler. Mais lorsqu'ils furent seuls, les mots ne vinrent pas. Elle repensa à son arrivée chez Charles, à leurs disputes à son sujet.

-Tout va bien ? Lui demanda François qui avait remarqué sa mine triste.

Elle hocha la tête. Elle se sentait faible. Comment allait-elle trouver un mari si elle n'osait même pas en parler à son père ? Ce n'était certainement pas les garçons de Castans qui allaient affluer à sa porte. Après leur tour, François se dirigea vers le bourg où il devait retrouver sa sœur et son beau-frère. Marie rentra à la maison et s'étendit sur le lit. Elle avait presque dix-sept ans. Elle avait encore un peu de temps, mais si elle ne prenait pas les choses en main, il risquait de filer très vite.

-A quoi penses-tu ? Lui demanda Jean occupé à tailler un morceau de bois.

-Je voulais parler à mon père de mariage, mais je n'en ai pas eu le courage.

-Arrête de te tourmenter avec ça ! s'énerva-t-il alors.

Il s'était levé. Elle leva les yeux vers lui, toujours couchée. Elle le trouva impressionnant, presque effrayant lorsqu'il se mettait en colère. Elle s'assit sur le bord du lit.

-Mais je vais finir vieille fille Jean ! Qu'est-ce que je vais devenir ?

-Arrête de dire ça ! Cria-t-il.

Elle fronça les sourcils et haussa le ton à son tour :

-Mais ne t'énerve pas ! C'est mon avenir, pas le tien ! C'est pas toi qui risque de finir mendiante !

Sur ces mots, le visage de Jean se radoucit instantanément. Il s'assit à côté de Marie et lui prit la main. C'était sa façon à lui de dire qu'il s'excusait. Elle posa sa tête sur son épaule. Elle se sentait tellement bien avec lui, son contact avait le don de l'apaiser.

-C'est mieux. Maintenant, on peut parler.

-Je te promets que tu ne finiras pas vieille fille. Lui dit-il en caressant mécaniquement sa main.

Ils restèrent un instant immobile.

-Comment feras-tu pour me trouver quelqu'un ?

-Je l'ai déjà trouvé.

-Vraiment ? S'étonna Marie en se redressant. Qui est-ce ?

-Tu n'as pas une petite idée ?

Marie plissa les yeux et scruta le visage de Jean. Quelques cheveux bruns retombaient sur son front, ses yeux verts la fixaient. En grandissant il avait perdu ses pommettes d'enfant. Son nez était fin et régulier. Un duvet brun naissait sur ses joues et ses lèvres entrouvertes attendaient sa réponse. Celle-ci lui apparut alors comme une évidence. Qu'elle cruche de ne pas s'en être aperçue plus tôt.

-Je ne suis pas sûre.

-Dis quand même.

-Toi... essaya-t-elle.

Le sourire de Jean s'étira sur ses joues. Celui de Marie aussi, elle se sentait bien avec lui. Elle n'avait jamais vraiment envisagé cette option, mais celle-ci la réjouissait d'avance. Après tout Jean n'était pas de sa famille. Elle avait autant de sang en commun avec lui qu'avec tous les autres garçons du village. Cependant, elle savait que ce n'était pas ce qu'allaient penser les autres.

-Mais...

-Quoi ? Tu ne veux pas ? S'inquiéta Jean.

-Si, mais les autres...

-On s'en moque des autres. De toute façon, ils trouveront toujours quelque chose à y redire.

Il n'avait pas entièrement tort.

Il passa sa main derrière la nuque de Marie, rapprocha sa tête de la sienne, et doucement déposa ses lèvres sur les siennes. Son amour pour Jean devenait une évidence. Son ventre s'emplit de papillons. Il était la personne qu'elle appréciait le plus sur cette Terre. Ils restèrent les visages l'un contre l'autre un petit moment, jusqu'à ce que Jean se recule tout aussi lentement. Ils se regardèrent dans les yeux essayant de décrypter les expressions de l'autre.

-Ça va ? demanda finalement Jean.

-Je t'aime. Sourit Marie en l'embrassant.

Il répondit à son baiser qui fut encore plus passionné que le précédent.

-Depuis combien de temps tu y penses ? demanda Marie.

-Je ne sais plus, un certain temps.

Ils se turent, réfléchissant au tournant qu'ils avaient décidé de prendre dans leurs vies.

-Comment on va le dire aux autres, que vont-ils dire ?

-Ne leur disons pas tout de suite. Je pense qu'il vaut mieux qu'ils s'habituent à nous voir assez proche. Comme ça, quand on leur annoncera, ça leur semblera naturel.

Marie hocha la tête pour approuver. Elle l'embrassa sur la joue et se leva. Il se leva aussi et suivit Marie. Il passa ses bras autour de la taille et l'embrassa. Elle se rendit compte que c'était cette sensation précise qu'elle voulait ressentir pour le reste de sa vie.

-M'aimes-tu aussi ? demanda-t-il.

-Oui je pense... Non, j'en suis sûre!

-C'est que c'est si soudain... je ne veux pas que tu m'aimes comme un frère.

-Si je t'aimais comme un frère, crois-tu que je t'aurais embrassé nigaud ?

Comme il grimaçait, elle lui donna un petit cou dans le nez en souriant.

-C'est juste que je ne voulais pas y penser, de peur que tu me repousses, et que notre relation en souffre. Mais quand tu me l'as proposé, c'est devenu une évidence.

Ils se serrèrent l'un dans les bras de l'autre.

-Nos parents vont être content, ça ne va pas leur coûter cher en dote.

-Peu de personnes ont la chance de faire un mariage d'amour, et je désespérai d'en faire un. Lui confia Marie.

-Je ne pensais pas pouvoir un jour épouser une fille de sang royal.

-Remarque, si j'avais été légitimé, j'aurais quand même épousé un de mes cousins, et vraiment un cousin de sang cette fois.

Ils éclatèrent de rire.

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant