Cigarette

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Il est 23h30. Nath était censé passer une super soirée avec Adrien. Ils étaient arrivés les deux ensemble, bras dessus bras dessous, quelques heures plus tôt, accueillis comme les stars qu'ils étaient de la Maison Gabriel Agreste. L'un était un publicitaire aux idées créatives innovantes, l'autre un mannequin de renommée internationale. La soirée s'était bien passée jusque là, à faire des courbettes et des ronds de jambes à toutes les personnalités de Paris présentes pour l'occasion.

Après la soirée, les deux garçons seraient rentrés chez lui et ils auraient fini par baiser tous les deux jusqu'au bout de la nuit, au nez et à la barbe de Marinette et Luka... Et particulièrement Marinette. Luka ne lui avait rien fait après tout, et ne connaissait probablement pas toute la situation avec Adrien. Il n'avait donc aucune raison de lui en vouloir en particulier. Le jeune rouquin qui pensait dominer la situation et se sentait tout puissant jusqu'à présent voyait le destin se retourner contre lui. Et, au lieu de faire la fête, jouer le divertissement pascalien et prétendre que le monde tournait rond, il était là, dehors, assis sur le rebord du muret en train de fumer une cigarette. La nuit était belle et claire, illuminée par les milliers de lumières de la ville Paris. C'était la fin de l'été et il ne faisait pas trop froid. Il n'avait pas pris la peine de récupérer sa veste en cuir et ne se préoccupait pas de la brise qui caressait son dos nu. Il avait effacé son rouge à lèvres, il se trouvait ridicule. Il devait très certainement avoir une trace autour de ses fines lèvres, car il ne l'avait pas fait très proprement, seulement du dos de sa main et d'un vieux mouchoir. Il n'aurait jamais embrassé Adrien avec, mais il l'avait mis pour la soirée car cette couleur faisait ressortir ses yeux turquoises.

Il était perdu dans ses pensées, sous le choc. Il avait attendu ce moment pendant des années. Il l'avait même rêvé, mais ce qu'il venait de vivre n'était pas du tout ce qu'il avait imaginé et encore moins ce qu'il avait prévu.

Il avait vu un fantôme.

Quelques instants auparavant, il avait subitement ressenti le besoin de prendre l'air. Il s'était excusé auprès de ses collègues et amis. Tous ces gens autour de lui l'étouffaient et il avait l'impression de se noyer. Il suffoquait. Il avait rassemblé toute l'énergie qu'il avait en lui afin de sortir en restant le plus naturel possible, alors qu'en vérité, la terreur le submergeait et il avait envie de fuir le plus vite et le plus loin possible. Il devait garder son calme. À la sortie du Grand Hôtel, il avait retiré son petit masque de dentelle qui le dissimulait à peine, et s'était retourné en direction de la grande salle pour vérifier que personne ne l'avait suivi et surtout pas lui. Il n'avait plus envie de faire semblant, il n'avait plus envie de jouer les personnes heureuses, c'était trop dur à vivre, même s'il devait avouer que s'occuper d'Adrien lui apportait une forme de paix intérieure. Ça l'empêchait de penser aux choses difficiles, comme sa propre tristesse et sa propre misère. Le rêve éveillé qu'il vivait s'était transformé en quelques secondes en cauchemar sous ses yeux et il était trop fatigué pour lui faire face. Le réveil était dur. La réalité venait de le frapper en plein visage et il avait fui, pour retrouver un semblant de bien-être, qui ne durerait pas très longtemps.

Marc était là, à Paris, au Grand hôtel, parmi la foule qui était présente pour la présentation de la future collection de prêt-à-porter Printemps/Été de l'année prochaine que Marinette avait dessinée et conçue.

Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps était-il là ?

Des tas de questions se bousculaient dans sa tête, mais il n'avait pas envie d'avoir de réponses maintenant. Il était persuadé que c'était son Marc. Il ne pouvait pas se tromper : Cette silhouette haute, fine et élancée qui le surplombait davantage encore que dans son souvenir ; ce visage masqué qui le contemplait, ces grandes mains calleuses qui l'avaient touché délicatement, avec cette sensation électrisante qu'il avait pu sentir. Il n'avait pas vu ses yeux, ni même entendu sa voix, mais il était certain qu'il ne s'était pas trompé. C'était bien Marc. Son Marc. Le Marc qui l'avait quitté sans rien dire des années plus tôt.

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant