Mon inspiration

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La vie est parfois faite de hauts et de bas. En ce moment, la mienne est en bas et des fois, je me sens moins malheureux que d'autres fois. J'ai pas mal de travaux à faire pour l'école : je dessine, j'écris, mais j'ai l'impression que tout ce que je fais est sans saveur. Ce n'est pas mauvais, mais il manque quelque chose. La flamme qui habitait mon cœur est éteinte. Tu l'as emportée, volée tel Prométhée quand tu es parti.

Tu as volé mon inspiration! Dois-je t'en vouloir pour ça? Je ne sais pas. Je me dis ça pour me rassurer et tenter de te détester un peu de t'être enfui. En vain.

J'ai envie d'aller bien, mais je n'y arrive pas. Est-ce que c'est parce que je comptais trop sur toi pour ça quand tu étais encore là? Tu savais m'apaiser et me redonner force et courage... Je me souviendrai toujours de la première fois où tu as été là quand j'en avais besoin. Je ne t'avais rien demandé, je ne voulais rien t'imposer de mon humeur changeante. Mais tu étais là. J'avais trouvé en toi un véritable ami. Je pouvais compter sur toi...

C'était un soir, après les cours. Notre première bande dessinée était disponible dans la salle 33 de l'établissement. Nous travaillions déjà sur notre série. Nous participions à un concours de manga à l'époque, dans l'espoir d'être édité. Je le faisais par bonheur, je le faisais par passion, travailler avec toi m'avait donner un nouveau souffle. J'étais devenu une autre personne. J'avais l'impression de renaître et vivre comme je n'avais jamais vécu.

Cependant, je n'avais pas très envie d'aller au club d'arts plastiques ce jour-là. La fatigue et le doute s'installaient. Quand la dernière sonnerie avait retenti, j'avais rangé mes affaires et mon grand carton à dessins. J'allais quitter le collège, en route pour rentrer chez moi... Puis je me suis assis sur les marches de l'entrée, face à la cathédrale qui dormait paisiblement sur son île.

Il faisait beau ce jour-là, mais le soleil ne suffisait pas à raviver la bonne humeur des jours passés. J'avais besoin d'une pause. Peut-être que je devais arrêter. Je t'avais envoyé un message pour te prévenir de mon absence. Je n'avais pas vraiment envie de te croiser ce jour-là. On ne se connaissait pas encore très bien, mais je savais que si je voyais ton visage, tes yeux, je fondrais en larmes et mon cœur se briserait de ne pas pouvoir être à la hauteur de tes espérances.

Je ne voulais pas briser tes espoirs. Tu me suivais dans cette aventure, mais en avais-tu vraiment envie? Après tout, tu étais arrivé dans ma vie un peu par hasard. J'avais besoin de quelqu'un et c'est là que tu étais apparu dans l'encadrement de la porte.

Tout allait bien, jusque là, mais je n'avais plus la force.

Et je ne voulais pas rentrer à la maison tout de suite. Je ne voulais pas voir mes parents. Alors je suis resté assis dans les escaliers à regarder la rue. Je pensais que ça m'aiderait à me vider la tête, à penser à autre chose. J'allais sortir un papier et un crayon pour dessiner, même si je n'en avais pas vraiment envie.

Je t'ai entendu crier mon nom depuis la cours. Tu avais la fâcheuse tendance à m'appeler par mon prénom complet quand tu savais que quelque chose n'allait pas. Je n'aimais pas ça.

"Je t'ai déjà dit de m'appeler Nath."

Pour te dire la vérité, ça m'embêtait un peu que tu crées de la distance entre nous comme ça, alors que l'époque déjà, inconsciemment, je cherchais à briser ces murs qui nous séparaient. J'avais besoin de toi, plus que je ne le croyais et j'avais peur que tu me lâches, que notre aventure soit éphémère, que cette idée de bande-dessinée soit trop pour toi.

Toi, tu n'avais pas besoin de moi. Tu aurais pu écrire un roman sans moi, le faire publier par une des grandes maisons d'édition de la capitale sans problème. Tes mots sur le papiers s'associaient avec aisance et étaient imprégnés de tant de couleurs et d'émotions. Moi au contraire, je n'étais rien sans toi. Je dessinais bien. Je dessine bien, mais quand tu es là, c'est autre chose, je me sens transporter, j'ai envie d'en faire plus, d'aller plus loin. J'ai envie de me dépasser parce que tu m'en donnes la force. Jevoulais que tu m'apprennes à peindre comme tu utilises les mots. 


Tu m'a rejoins et tu t'es assis à côté de moi. C'est Alix qui avait vendu la mèche. C'est toujours Alix de toutes façons... Quand ce n'est pas Marinette. Tu aurais pu travailler un peu sans moi là-haut, passer du temps avec les filles. Tu aurais pu rentrer chez toi, faire tes devoirs pour le lendemain et passer du temps avec ta famille. Mais non, tu étais là assis côté moi.

Tu avais compris que je voulais t'éviter, mais tu restais à côté de moi, les mains dans les poches, malgré tout et tu ne disais rien. Nous sommes restés dans le silence pendant quelques instants, le temps que les autres élèves de l'école s'en aillent et que tout redevienne calme autour de nous.

Et puis tu m'a parlé. Tu m'as cherché du regard. Un regard vert émeraude, au début timide et craintif, puis plus vif. Un regard qui me faisait peur. J'avais peur. Je ne voulais pas te regarder, alors je t'écoutais en regardant mes pieds. J'avais envie de pleurer. J'avais tellement honte. Honte de moi, honte d'avoir envie de réussir, mais aussi peur de me briser les ailes en cas d'échec. Et toi, tu étais là et tu me suivais. J'avais l'impression de profiter de toi.

Tu es resté là, près de moi et avec tes mots, tu m'a rassuré, et tu m'as inspiré. Tes mots sont puissants, Marc. Ils touchent le cœur des gens. Ils touchaient le mien.

"Je fais ça, avec toi, parce que j'en ai envie, Nath!"

Tu as posé ton bras sur mon dos et tu es remonté lentement jusqu'à mon épaule. C'était un geste bienveillant et rassurant. Puis tu m'as rapprocher de toi, doucement, doucement et tu m'as serré contre toi. Nos épaules se touchaient. C'était ton moyen de me faire comprendre que tu étais là, sans me brusquer.

"Tu verras, ce concours, on va donner le meilleur de nous-mêmes, et quoiqu'il arrive, je serai fier de toi!"

Et tu as souri, parce que tu souriais toujours quand nous étions ensemble. Rares furent les fois où tu t'es laissé emporté par la tristesse. J'ai toujours été le plus problématique de nous deux avec une humeur instable. Comment as-tu fais pour me supporter si longtemps?

Tu avais réussi à m'apaiser. Etre dans tes bras, et avoir ton soutien était reposant. Je ne sais pas ce qui m'a pris, la fatigue peut-être, mais la seule chose que j'avais réussi à faire pour te remercier et te faire comprendre que j'allais mieux, c'était reposer ma tête sur ton épaule. Je n'avais plus envie de rien. Juste d'être là, avec toi. J'ai senti ta main resserrer son emprise délicatement sur mon épaule. Aujourd'hui encore j'en ai des frissons. Un si petit geste et pourtant si puissant.

"Toi et moi, Nath. Ensemble!"

Et puis tu as posé ta tête contre la mienne. Ta joue caressait mes cheveux. Nous étions blottis l'un contre l'autre. Nous n'avions plus besoin de mots. Nous nous étions tout dit. Nous sommes restés comme ça, dans les marches des escaliers pendant un long moment. Avant de décider qu'il était temps de rentrer. Tu t'es levé, tu t'es tourné vers moi et tu m'as tendu la main, souriant. Tu rayonnais dans le soleil couchant. Tu étais beau. Tu étais ma flamme, mon désir ardent, mon inspiration.

Le lendemain serait un jour nouveau et j'avais hâte d'être à nouveau près de toi pour créer, dessiner et écrire, alors que nous ne étions pas encore quitté. Je ne me voyais plus sans toi.

Tu as toujours cru en moi, même quand je ne croyais plus en moi. Tu es fort, Marc, et je t'envie. J'ai toujours voulu t'impressionner parce que tu m'impressionnais. Je voulais être toi alors que toi... Toi. Tu étais tout pour moi. Tu es l'idéal que j'aimerais atteindre. Mais ne dit-on pas que les idéaux sont inaccessibles?

Au final, on l'avait gagné ce concours. On l'avait gagné "ensemble!". Il y avait déjà un nous à l'époque, mais pas forcément celui qu'on avait envisagé quand on s'était rencontrés. C'était toi et moi. Les gens ne nous voyaient plus l'un sans l'autre. Nous étions devenu un. Nous étions le duo d'artistes de l'établissement. Nous construisions ensemble notre univers imaginaire. Nous refaisions le monde. Nous étions dans notre bulle. Il n'y avait plus que toi, plus que moi et ces feuilles de papiers que nous remplissions d'encre et de couleurs, inventant des aventures extraordinaires que nous ne vivrions jamais que dans nos rêves. Le reste du monde disparaissait. Le temps n'existait plus.

Cette époque me manque et j'y pense encore avec nostalgie. Elle n'était pas si lointaine pourtant.

Aujourd'hui, je dessine encore. D'après mes professeurs, le talent est présent, mais la passion n'est plus là. Je ne peux pas m'arrêter de dessiner, de peindre, mais comment créer et donner vie à ses pages avec bonheur quand celui-ci est parti?

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant