Cher Nath

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Cher Journal,

Je vois que Nathaniel a pris bien soin de toi pendant mon absence. À vrai dire, je pensais ne jamais te revoir, qu'il t'aurait jeté. Je pensais même que je ne reviendrais jamais. Les probabilités pour que toi et moi soyons réunis aujourd'hui étaient vraiment infimes. Pourtant, je suis bien là, de retour d'entre les morts. J'ai un nouveau journal aujourd'hui, que j'ai rempli d'histoires folles et d'autres anecdotes rocambolesques : certaines me sont vraiment arrivées, d'autres ne sont que des idées en vrac ou autres errances, jetées sur le papier. Il y aurait de quoi écrire un roman, une série, ou même une bande-dessinée. Une bande-dessinée. Je souris à l'évocation des souvenirs que ce mot me procure.

J'ai vu que tu détenais en ton sein quelques petits secrets adorables que je n'ai malheureusement pas pu ignorer. (Désolé Nath, j'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir parcouru ces quelques pages) Ça me touche vraiment de voir que tu as conservé tous ces moments entre nous si précieusement. Je pensais trouver beaucoup de tristesse et de haine en ouvrant ce carnet, alors qu'en fait, tu y as enfermé tout ton amour. Tu es vraiment incroyable, Nath. Je me rends compte que la vie était tellement plus belle quand nous étions adolescents et innocents. Aujourd'hui, nous sommes devenus adultes et le poids des responsabilités pèsent sur nous et toi, petit carnet, tu n'es plus que le vestige d'un lointain passé, voire même d'une autre vie. Une vie que j'avais cru avoir rêvé lorsque je n'étais qu'un vagabond. Alors que non, tout était vrai et merci de me le rappeler. Aujourd'hui, le retour à la réalité est bien rude. Le monde que je connaissais a changé. J'ai l'impression d'être un étranger au milieu de ce brouhaha alors que pourtant, je suis rentré à la maison.

Cela fait quelques semaines déjà que nous essayons de reprendre notre vie commune... à tatillon. Je te raconte quelques bribes de mes voyages, tu me racontes ta vie parisienne, tes journées au boulot. Les vrais sujets sont difficiles à aborder de vive voix. Nous nous touchons à peine. Nous nous frôlons, souvent sans le vouloir, et nous nous en excusons. Nous évitons de faire ces gestes qui pourtant étaient si naturels pour nous il y a bien longtemps maintenant. Et tous les soirs, après nos quelques mots échangés, notre repas partagé, je te vois me fermer ta porte, comme tu me fermes ton cœur. Mais je ne t'en veux pas.

Je pense que je te dois des explications. De vraies. Je ne suis pas certain que tu voudras tout lire, ou tout savoir, mais il le faut si nous voulons vraiment aller de l'avant. Donc, comme discuter est une épreuve qui semble insurmontable, je me suis dit qu'utiliser ce carnet comme médiateur serait plus facile pour essayer de briser ce mur qu'il y a entre nous.

Cher Nath,

Il s'en est passé des choses en 7 ans. Mes parents ont déménagé hors de la capitale à cause des troubles causés par le Papillon, provocant par la même occasion notre rupture forcée. J'ai appris que nous allions déménager pendant les vacances qui ont précédées notre année de Terminale. Ils voulaient mon bien, mais je ne l'avais pas compris à l'époque. Ils m'ont permis de terminer le lycée à Paris car ce serait plus facile pour le Baccalauréat. Je les ai suppliés pour rester, mais leur décision était déjà prise et je ne pouvais rien y faire. Alors j'ai avalé la nouvelle. Chaque jour avec toi pendant cette année fut un déchirement, et jamais je n'ai trouvé l'opportunité de te l'avouer.

Tu voulais que notre histoire soit un conte de fées avec une belle fin. Malheureusement, je n'ai pas pu te l'offrir.

Je peux affirmer aujourd'hui avec grande honte, que j'ai fui, comme un lâche, c'est vrai. Je t'ai abandonné, toi, la personne que j'aime le plus au monde pour faire plaisir à mes parents. Je n'étais qu'un gosse, je ne savais pas quoi faire, alors j'ai choisi la solution qui me paraissait la plus simple et j'ai accepté mon sort. J'ai fait de nos derniers festivals d'été, de nos moments d'intimités et de notre fête de fin de scolarité les meilleurs moments de notre vie. Enfin pour moi ils devaient l'être, et ils les ont été.

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant