Apollon, ma mère et moi

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Ce matin, il fait doux et j'ai le cœur lourd. Je suis seul et à moitié nu sur mon sofa, pelotonné dans une des nombreuses couvertures que j'y ai laissé traîner. Les rayons du soleil percent timidement par la petite fenêtre derrière moi. Les plaids sont froids. L'appartement entier est froid et vide. Seuls quelques cartons remplis de mes affaires jonchent le sol. Je n'ai pas encore terminé de tout déballer. 

Je n'ai pas vraiment envie de me lever aujourd'hui... J'ai mal aux yeux et tout mon corps est raide et courbaturé à cause des nombreux allers-retours que j'ai faits hier avec Yvan, Nino, Adrien, Kim et Max qui m'ont aidé à monter toutes mes affaires et mes meubles ici. Les filles nous ont rejoints plus tard dans la soirée pour manger et célébrer. C'était un peu un événement. Ma mère a finalement accepté de me laisser quitter la maison, à contrecœur.

Je peux enfin commencer à voler de mes propres ailes... Je dois avouer que même si ça me fait un pincement au cœur, je suis bien content d'avoir enfin quitté cette chambre où j'ai grandi. Les souvenirs de ma vie avec Marc prenaient trop d'espace et chaque jour et chaque nuit, j'avais l'impression de suffoquer un peu plus. Chaque matin, les draps étaient froids et peu importe où je posais les yeux dans la pièce, son fantôme était là, souriant. Mon lit était devenu un instrument de torture et ma chambre, une prison dorée.

Hier, j'ai regardé ma chambre une dernière fois et j'y ai laissé mon enfance avec le fantôme de Marc, pour qu'il ne s'y sente pas trop seul. Marc, même quand tu n'es plus là, tu es toujours là. On était innocents, heureux et on avait fini par briser la barrière qui faisait que l'on était encore un peu timide l'un envers l'autre. On avait l'habitude de se retrouver sur mon lit : Marc posait pendant que je dessinais, on regardait des films, dans les bras l'un de l'autre, sans gène. On aimait se chamailler comme des gamins, on riait, on faisait des batailles d'oreillers. 

Je voulais toujours avoir le dessus sur lui, mais en grandissant, il devenait plus fort, alors des fois, il me laissait gagner pour ne pas me vexer... Ce qui me contrariait davantage.

On passait tous nos week-ends ensemble soit chez lui, soit chez moi. Quand nous étions chez lui, j'étais plus timide, je voulais faire bonne impression devant ses parents. Quand nous étions chez moi, je me laissais complètement déborder par mes sentiments pour lui. Quand je repense à ces instants passés, il m'en reste un sentiment de plénitude. C'était le bonheur absolu. Le monde autour de nous pouvait bien cesser d'exister... Tu étais là et je me disais que j'avais de la chance de t'avoir à mes côtés.

Tu m'avais dit une fois que tu étais peut-être un vampire. Les vampires, bien que très séducteurs, sont des créatures nocturnes effrayantes. Toi tu n'étais pas effrayant et tu étais baigné de lumière, toujours rayonnant. Ton sourire était radieux. Tu étais comme le soleil et j'étais tombé amoureux. Il n'y avait que toi.

Mes matins avec Marc étaient le plus doux des moments. Marc était toujours le premier de nous deux à se lever. Je sentais le matelas et les draps bouger sous le poids de son corps et je feignais de dormir encore alors qu'il sortait du lit pour aller s'habiller. J'adorais le voir de dos, enfiler ses jeans. J'étais fasciné par ce corps qui se transformait et que je convoitais tant. J'aimais voir sa nuque nue de ses raz de cou ou nombreux cols roulés, les muscles naissants de son dos se mouvoir. Je ne pouvais m'empêcher de le dessiner, de le désirer. Je voulais le posséder. Il était mon absolu. Je l'avais dessiné, croqué tant de fois déjà. J'avais fait des portraits, peint de grandes toiles de lui.

Aujourd'hui, ces toiles, je ne les ai plus. Même si je les stockais au fond de mon placard, à l'abri de tous les regards, j'ai pris la décision de m'en débarrasser l'année dernière. Ce fut une vraie déchirure, mais je ne pouvais pas les conserver si je voulais avancer ne serait-ce qu'un petit peu. Je les ai mises aux ordures avec les encombrants.

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant