Fromage

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Le lendemain soir vint plus vite que Nathaniel ne l'aurait désiré.

Il avait quitté Marc la veille, sans avoir pris la peine de le regarder dans les yeux une seule fois de la soirée. Il ne savait pas vraiment à quoi il ressemblait maintenant, sans son masque de bouc, ce qui donnait à la rencontre de la veille un côté presque surnaturel et éthérée. À son réveil, il s'était demandé s'il l'avait vraiment rencontré. Il avait bien tenté de lui parler, sans jamais que les mots qu'il voulait dire ne puissent franchir sa gorge. Il n'avait pas su par où commencer, et il n'avait surtout pas envie de commencer maintenant. Il était complètement perdu. Il avait besoin de mettre de l'ordre dans ses pensées, de faire le point avec lui-même.

Il savait qu'il aurait perdu pied et aurait commencé à pleurer si ses yeux s'étaient plongés dans ceux de Marc. Il avait eu besoin de garder le contrôle et pour ça il avait fallu partir avant d'étouffer... pour son bien, et le seul moyen qu'il avait trouvé avait été de se lever et de s'éloigner du Grand Hôtel en faisant comme si de rien n'était. Il était parti sans prendre la peine de récupérer ses affaires. Il savait que Marc en parlerait à Adrien ou à Chloé, et ceux-ci les mettraient de côté et les lui rendraient aujourd'hui au boulot. En partant, dans un sursaut de désespoir, il avait invité son ancien compagnon à dîner chez lui. C'était stupide et ça n'avait aucun sens. Il n'avait plus rien à lui dire. Enfin si, encore tout à lui dire, mais il ne savait pas s'il était vraiment prêt ou s'il en aurait la force.

C'était dur, très dur. Il avait une boule dans la gorge et les larmes menaçaient de fuir. Mais il se retint du mieux qu'il put. C'est bête, parce qu'il sait que Marc ne savait pas où il habitait et du coup, Nath se convainquait que Marc ne serait pas là pour le dîner. Il avait préféré l'abandonner là, près du muret, comme un chat errant.

Il était rentré chez lui en déambulant seul dans les petites rues sombres de Paris. Ces endroits cachés où l'on disait qu'il ne valait mieux pas traîner la nuit. Il se mettait volontairement en danger, surtout avec la tenue qu'il portait, mais il n'en avait que faire, il n'avait pas peur. Il était trop fatigué pour ressentir quelque chose. De plus, il savait qu'en fait, il n'était pas seul. Il avait repéré Chat Noir au loin sur les hauteurs de Paris, le suivre discrètement pour être sûr qu'il rentrerait chez lui sans encombres.

Il y avait Chat Noir...

Il se réveillerait le lendemain, et rien de cela ne se serait passé. Tout était fini. Tout était fini. Et peut-être que c'était mieux ainsi.

Sur son lieu de travail, la journée se déroula comme d'habitude. La rencontre de la veille étant déjà un lointain souvenir. Pourtant, il n'avait pas beaucoup dormi et avait les yeux cernés, perturbé par la rencontre déroutante. Chloé lui avait rendu les affaires qu'il avait consciemment oubliées, sans jamais lui mentionner le nom de Marc. Il se plongea dans le travail, vérifia les matériaux pour la confection de la prochaine collection, annota les designs de Marinette et fit d'autres suggestions, vérifia ses mails. Il fallait qu'il s'occupe. Le plus possible. Pour se détendre, il passa la journée à fumer. Chose qu'il n'avait plus fait depuis un bon moment maintenant. Il essayait de limiter sa consommation à une cigarette par jour, souvent en fin de journée, sur son balcon, pour relâcher la tension accumulée au travail. Jamais au bureau, c'était devenu sa règle. Mais aujourd'hui, le goût sucrée de ses sucettes préférées ne serait pas assez pour le distraire. Ce n'est que lorsque Adrien entra dans son bureau complètement enfumé dans l'après-midi pour faire la conversation que la réalité le rattrapa. Le jeune mannequin était tout sourire, presque fier que la situation entre les deux amoureux progresse, ne serait-ce qu'un petit peu.

_ Marc m'a dit que tu l'avais invité chez lui ce soir ? C'est cool ça !

Adrien en profita pour ouvrir la fenêtre du bureau afin de aérer ainsi la pièce qui ressemblait davantage à un aquarium. Il se doutait que les retrouvailles avec Marc avait dû bouleverser le rouquin. Sa mine renfrognée était revenue. Il fallait le distraire.

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant