Silence

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Après avoir longuement hésité pour savoir si je devais écouter Adrien et aller parler à Nath ou non, j'avais finalement pris mon courage à deux mains, une grande inspiration et m'étais révélé dans cette douce nuit d'été. Une légère brise berçait les cheveux courts de Nathaniel qui fumait une cigarette assis sur le petit muret, le regard perdu dans le vide...

Quelques instants auparavant, Adrien l'avait rejoint. J'avais tendu l'oreille pour tenter de capter leur conversation, mais je m'étais finalement résigné. Ce n'était pas bien. Je n'avais pas le droit de s'immiscer de la sorte dans sa vie. Et pourtant, je l'avais fait quelques instants plus tôt en me rapprochant dangereusement de lui. Je n'avais rien pu faire. Malgré un océan de personnes qui nous séparait, j'avais été inexorablement attiré vers lui. J'avais fendu la foule jusqu'à me retrouver derrière lui en à peine quelques minutes. Voir son visage de nouveau, son sourire, ce dos nu, et ses lèvres habillées de la couleur de notre premier baiser : Il était irrésistible. Comme si le fait qu'il soit là devant moi, soit un simple appel auquel je ne pouvais que répondre. Il était tout pour moi : Mon trésor, ma raison d'être.

Quelques minutes plus tôt, il avait quitté le grand hall, faisant mine que tout allait bien, souriant mais imperceptiblement crispé, sous mes yeux et sous ceux d'Adrien, visiblement interloqué, qui venait de comprendre ce qui s'était passé, après avoir posé son regard sur moi. Il n'avait rien dit, son visage dénué de toute expression, qu'elle fusse bienveillante ou pernicieuse. Il avait compris la situation. Il avait ensuite simplement suivi Nathaniel. J'étais resté là, près du buffet, interdit, conscient de ma bêtise, au milieu de gens masqués qui riaient et se bousculaient. Mais il était trop tard. Nathaniel savait, Adrien savait, et bientôt, tout le monde saurait que j'étais de retour. Je ne pouvais plus disparaître, et pourtant, à cet instant précis, j'aurais voulu effacer mon erreur et mon existence; remonter quelques instants en arrière, ne jamais être venu à ce carnaval, ne jamais avoir pris cet avion, ne jamais avoir répondu à Chloé. J'étais de retour a Paris, dans la vie de mes anciens camarades de classe. J'étais là et porter un masque ne m'était plus d'aucune utilité. J'avais suivi Adrien peu après le malheureux incident, retirant mon masque à la sortie du grand hall. J'étais resté sous le porche, dissimulé derrière un mur.

Maintenant, j'étais devant lui, à bonne distance, pour lui montrer que je ne lui voulais aucun mal. Mais je n'obtins aucune réaction de sa part, alors qu'il savait pertinemment que je me tenais debout à quelques mètres de lui. Il ne tourna pas la tête, il restait là, inerte, sa cigarette à la main, le regard lointain, comme si je n'existais pas. Il ne réagissait pas, bien trop choqué par ces retrouvailles au goût amer, tant inattendues et maintenant inespérées, presque non désirées. Je me suis lentement approché pour m'asseoir là où quelques instants plus tôt était assis Adrien.

_ Tu me détestes ?

C'était la seule chose que je voulais savoir à cet instant et que je pouvais lui demander. Mais ma question, aussi égoïste fut-elle, resta sans réponse. Un silence pesant s'installa entre nous deux. Le temps s'était arrêté autour de nous, comme à chaque fois que nous nous retrouvions seuls. Le reste du monde pouvait bien s'écrouler, ça n'avait aucune espèce d'importance. Sauf qu'aujourd'hui, Nathaniel aurait peut-être préféré être anéanti avec le reste du monde. Le malaise était palpable. Nath n'osa jamais tourner la tête dans ma direction. J'étais trop proche, mais je ne voulais plus m'éloigner de lui. Il avait retiré son rouge à lèvre. Il était concentré sur la fumée de sa cigarette, qu'il semblait fumer avec aigreur. Il n'aimait pas ça, et je le voyais bien aux grimaces qu'il faisait. Il se faisait du mal... Depuis combien de temps exactement ? Je l'observais et constatais avec beaucoup de chagrin qu'il avait maigri considérablement. Il avait les yeux cernés, comme s'il n'avait pas dormi depuis longtemps. Il avait l'air si abattu, ses épaules nues affaissées, comme s'il portait le poids du monde. Alors que quand nous étions à l'intérieur, il souriait et riait, les yeux remplis d'étoiles.

J'ai oublié de te dire je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant