Algerie

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Cette terre ancestrale est notre centre névralgique, notre ressource interne, notre référence, notre appel intime. Nous aimons cette terre avec la passion de celui prêt à l'objection pour ne pas la laisser s'avilir. Nous aimons l'Algérie, c'est notre mère commune, elle nourrit constamment notre identité. Ce pays est notre nation : nous lui portons un amour passionné, vibrant, charnel, solaire, un amour que nous ne pouvons pas, nous-mêmes, nous expliquer, un amour fusionnel. Une passion vivace que rien ni personne n'éteindra : c'est en nous. L'Algérie ne quitte aucun Algérien, elle l'habite.

Nous sommes Algériens et nous savons rester passifs s'il le faut, nous savons être silencieux si cela est nécessaire, nous savons supporter plus que de raison, avec une patience qui défie la compréhension. Mais il est un moment où notre passivité expire, où notre silence unit nos clameurs, où nos endurances affrontent la démesure. Blesser notre pays est une ligne rouge que personne ne réussira à nous imposer, que nous n'accepterons jamais. Il suffit parfois de très peu, de quelques petites choses – une image, une citation, des commentaires – pour qu'un mouvement intérieur de ressaisissement se fasse et vous pousse à dire ce que vous essayez de taire : par lassitude ou par prudence.

La lassitude est le fait de voir l'absurde de cette situation politique, c'est véritablement une extravagance qui nous est imposée : un président souffrant et très malade, âgé, gouverne notre pays.

La prudence est connue de nous tous depuis plus de vingt ans : ne plus voir les Algériens s'opposer les uns aux autres comme ce fut le cas durant la décennie noire. Ne plus voir le sang versé de notre peuple devant nos yeux. Cette maudite décennie, cette infernale décade, a créé des blessures massives en nous, des déchirures entre nous. Ce fut une expérience terrible. Cette décennie de terrorisme nous a frappés de sidération : un gouffre de douleurs, une perte d'espoir, un enfer. Par prudence, nous nous sommes imposé un silence pour ne pas réveiller les démons qui dorment dans nos silences et nos traumatismes. Pourtant, il nous faudra bien briser le silence pour revenir à la vie de nos espérances : les démons n'existent pas physiquement mais ils existent mentalement. Ils n'existent qu'en se nourrissant de notre peur, de notre douleur, ils se nourrissent surtout de notre crainte à verbaliser le Mal, par crainte superstitieuse que celui-ci ne se réveille et ne nous frappe de nouveau. Or, c'est en verbalisant les choses que l'on limite la force du Mal, qu'on le surprend, qu'on le saisit, qu'on le déshabille, qu'on le surmonte, c'est en se disant les choses que l'on peut se libérer du Mal et de la peur qu'il sème en nous.

La libération qui nous attend n'est pas d'ordre révolutionnaire, c'est une pratique politique dépassée, trop impulsive, qui ne libère personne et qui ne libère de rien, c'est pire : elle permet la permanence de l'ancien système contesté mais sous d'autres formes, avec d'autres figurants de circonstances ou avec les mêmes figurants ayant eu le temps de se convertir. La libération qui nous attend en tant que peuple c'est celle de la conscience de notre histoire, d'assumer notre identité profonde et de notre responsabilisation collective. Nous sommes tous responsables de l'avenir de l'Algérie, chacun à notre niveau, nous avons tous notre voix à porter en tant que fils ou filles de cette nation. Mais nous devons ensemble être attentifs aux autres Algériens et collectivement nous discipliner pour arpenter cette libération. Nous sommes tous les enfants de ce pays. La monarchie n'a jamais existé en Algérie, c'est un concept inapte pour un peuple aussi libre, aussi franc, aussi allergique à la servilité que le peuple algérien. Nous avons besoin d'un chef qui nous unisse et qui nous représente, certes, mais non d'une famille régnante qui aurait une tentation monarchique .... Il faudrait beaucoup d'arrogance pour prétendre indiquer aux Algériens qui manifestent actuellement ce qu'ils doivent faire. Notre population, consciente de l'enfer dont nous sortons depuis vingt ans, sera responsable et les manifestations seront pacifiques. Elle se donnera les moyens d'une intelligence, fine et consciente, d'aider les forces de l'ordre pour que personne ne cède aux provocations et aux coups de sang. Notre peuple n'oubliera pas que les forces de l'ordre ne font que leur travail, elles sont mandatées pour faire «fonctionner» les ordres que leur adresse un gouvernement (temporaire par définition). La finesse est d'aider nos forces de l'ordre à faire leur travail en neutralisant ainsi les défenseurs du 5e mandat : rester souverains de nous-mêmes, par le calme et la joie et par la revendication maintenue du refus du 5e mandat. La personne qui a offert une rose à un policier a manifestement compris l'enjeu de la rencontre du peuple algérien avec lui-même : ces policiers font partie de nos familles, ils sont Algériens comme nous tous, et personne parmi nous n'a intérêt à ce que nous nous divisions : il faut donc offrir des fleurs, des salutations, des gâteaux à nos forces de l'ordre et rester dans les rues pour demander l'abandon de l'idée absurde du 5e mandat du president. Oui, il faut neutraliser les «nécessiteux» (comment les appeler autrement ?) du 5e mandat et ils ne pourront rien faire si nos manifestations sont souriantes, pacifiques, calmes et fermes dans leur demande de la fin de cette présidence irraisonnable, quitte à rester assis sur le bitume de nos rues, des heures durant, chaque vendredi, pendant des semaines.

Nous devons écrire, sortir, dire que le 5e mandat d'un homme malade est un déni de réalité et une insulte à notre intelligence collective. Nous savons que nous avons de nombreux patriotes en notre sein, aptes, intelligents, serviteurs fidèles de la nation, prêts à prendre la responsabilité de nous représenter et de nous unir au service de l'Algérie. Nous savons que nous avons des fils loyaux et courageux partout en Algérie, nous savons que parmi nous, des cadres compétents et expérimentés, responsables, ayant la pleine possession de leurs facultés physiques et mentales, existent. C'est eux qui doivent nous représenter. Par simple bon sens. Par nécessité. Par réalisme. Il faut que ces candidats osent s'annoncer et s'affranchir des menaces portées sur leur carrière au sein de la fonction publique. Ce pays ne peut plus être un compte bancaire pour certains et une cause de désespoir ou d'exil pour d'autres. Ce pays doit récupérer ses enfants, notamment son élite nombreuse, obligée à l'exil, ce pays doit rassembler tous ses enfants et prendre le chemin de la construction d'une Algérie plus forte, plus solidaire, plus solide, plus audacieuse et plus créative.

A ceux qui ont «intérêt» au 5e mandat : que Dieu vous guide, vous êtes dans un aveuglement manifeste. Notre nation n'est la propriété domestique de personne, c'est notre héritage généalogique et historique à nous tous, nous les Algériens de toutes les régions. Soyez enfin raisonnables et renoncez à cet égarement absurde et insensé : renoncez au 5e mandat. Le refus du 5e mandat du peuple algérien est majoritaire et limpide  : entendez-le. Pour l'amour de l'Algérie et par respect pour le peuple algérien.                                                                « Je suis algérienne et  je suis fière de l'être »

Citation (tome 2) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant