Le dix-neuf janvier, quelque part entre le jour et la soirée. Un monde s'écroulait et je croyais ne pas en réchapper. C'est idiot, à vrai dire. Mais je n'aime pas juger. Oui, je parle de toi, lorsque tu m'as laissé.
Oh, il n'y a pas d'amour idiot, il n'y a pas de détresse idiote, après tout. Il n'y a que des cœurs dans toute leur sincérité et leur vulnérabilité. Il n'y a que des êtres qui s'ouvrent à vous et qui parfois se sont fermés, sans trop savoir pourquoi. Il n'y a pas de réponse à ça. J'essaie d'apprendre à oublier de chercher. Ne pas chercher, ne pas se torturer. Pas trop longtemps, en tout cas.Le dix-neuf Janvier , tu t'en souviens, toi ? C'est devenu flou dans mon esprit... Je ne me rappelle plus de tes mots exacts ce jour-là. Je ne sais plus trop si c'était un "laisse-moi." ou "arrêtons de se parler.", des phrases un peu asséchées, le point final un peu glacé. Je ne sais plus s'il faisait beau ou s'il pleuvait. J'ai pas souvenir de ce que j'avais fait en art, avec les copains, ni si j'avais été invitée au bar du coin juste après.
Je crois que c'est une bonne chose d'avoir oublié. Je pense aussi que ce n'était pas évitable, que j'allais forcément perdre la mémoire par petits bouts, laisser de côté ce qui n'est plus là et qui ne m'apporte plus rien.
Oui, c'était un peu prédestiné de laisser ces souvenirs doucement s'étioler.
Aujourd'hui le monde tourne, comme toujours, et je semble m'être bien rétablie de ton départ, et même de ton arrivée. Mes études marchent à merveille, je n'ai jamais cessé mes passions, ma vie, mes relations. J'ai beaucoup grandi. Toi qui me voyait immature, heureusement que je ne t'ai jamais cru là-dessus. Mais qu'importe, j'ai encore plus grandi. Je me sens plus forte qu'hier, moins que demain. Je me vois évoluer et je me remercie de ne pas m'être laissée accabler par le remord et la culpabilité. Je peux peut-être même te "remercier" d'être parti et de ne pas avoir entamé ta nouvelle vie avec moi.Car, tu sais, il y a cette fille aussi. Je t'en ai bien parlé. Rencontrées par hasard, touchées l'une de l'autre un pluvieux samedi soir.
Elle m'a fait oublier qu'un jour ils étaient froid et durs, les points à la fin des phrases. Aujourd'hui, j'ai bien plus peur quand ils ne sont pas là, pour tout te dire.
Elle m'a fait oublier la ville, elle m'a fait oublié le Temps, elle m'a fait oublié tes pupilles et les océans, parfois j'en oublie même les gens. Mais tu vois ça n'a rien d'inquiétant, je le fais de moi-même librement.
Elle m'a fait oublier ton odeur, n'ayant pourtant jamais connu la sienne ! Tu te rends compte... parfois ai-je un peu peur de ce nouveau château, de cette nouvelle reine, cette reine sans parfum, sans gouverne, libre comme le vent, infinie comme la peine.
Elle m'a fait oublier oui. Ou peut-être m'a-t-elle fait accepter.
Accepter les points et les villes et le temps et tes yeux et les siens les embruns et la mer et les gens.
Accepter tant et tant, on se demande comment.
J'ai besoin d'accepter les douleurs aussi. Les douleurs et les traîtres et les mensonges et la confusion et les cauchemars et la confiance et le passé et les souvenirs. Aller de l'avant. Toujours de l'avant. Comme s'il ne s'était jamais rien détruit. Même si l'on sait pertinemment ce qu'il en est.
Mais on poursuit toujours nos rêves et je te le dis viel amant viel ami, si je la croise la nuit alors c'est elle que je poursuit et je crois que je pourrais t'en remercier infiniment.Oublier. Mais pas vraiment.
Accepter. Recommencer, souvent.
Réussir. Y croire très fort.
J'ai bien la force d'y croire encore._______________