Prologue

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— T'as les bières ?

Cette phrase lancée derrière moi sur ce ton tout autant interrogatif qu'autoritaire me fit sourire. Elle me faisait ressentir spontanément la mise en scène de mauvaise qualité que nous nous apprêtions à jouer. Ainsi, tels des personnages mal incarnés, il nous fallait tenir le rôle. Ici, pas de « bonjour » ou d'accueil sincèrement sympathique comme je les aimais tant. Non, ce dont nous avions besoin c'était de dédain et de virilité.

On est jeunes et on y croit. Alors c'est parti !

— Et toi ? T'as le reste ?

Impertinente impertinence, que tu es douce quand l'on s'abandonne à toi.

— Tu m'as pris pour qui ? J'ai tout ce qu'il nous faut !

Le moment était venu de laisser la préparation de mon sac pour pouvoir enfin me retourner, et répondre à cette puissante poignée de main, typique des jeunes, que l'on fait les doigts vers le ciel et le pouce vers soi. Elle s'accompagnait évidemment de sa frappe amicale sur l'épaule, tout aussi puissante. L'énergie était là, car la comédie peut parfois devenir bien réelle, et finalement ça ne fait pas de mal ! Il faut dire que j'avais la satisfaction de pouvoir enfin réaliser de tels gestes avec l'assurance qu'ils nécessitaient. Finie la maladresse de l'adolescence, nous pouvions faire semblant d'être des hommes ! Bien sûr, il n'y avait pas si longtemps, des jeunes de notre âge étaient réellement des hommes, mais nous vivions au 21e siècle, et les choses avaient changé.

— Ça me fait vraiment plaisir de te voir !

Le naturel revient souvent au galop !

— Moi aussi ma poule !

Sans commentaire...

— Alors, combien on sera ce week-end ? demandai-je.

— Normalement, on sera huit. Tom et Lola bien sûr. Sophie, Alice, Max et... Léa !

— Ah ouais ?

— Quoi ? Me dis pas que ça te fasse pas plaisir qu'elle vienne !

— Si, si, bien sûr.

— Allez mon gars, j'arrive à te ramener la fille qui te fais craquer, tu pourrais montrer un peu plus d'enthousiasme, non ?

— Ouais, mais bon, avec un type comme Max dans les parages, je sens que ça va pas tourner à mon avantage.

— Arrête, c'est un mec génial Max ! Et quoi ? Un peu de concurrence, ça peut te faire du bien ! On a presque vingt ans, il est temps que tu prennes un peu confiance en toi ! OK, Max, c'est un dragueur, mais toi t'es un mec intelligent, si tu la joues bien, je suis sûr qu'elle est avec toi d'ici la fin du week-end !

— J'ai pas envie de jouer !

— Tu vois, c'est ça le souci ! Si t'es trop sérieux, jamais ça marchera. Il faut que tu te décoinces un peu.

— Je sais.

C'était vrai, je le savais, mais il est difficile de changer ce que l'on est. Même si c'est ce que l'on souhaite le plus.

— Regarde, on a un week-end de camping dans les bois, trois filles célibataires, un petit couple tout mignon pour bien leur donner envie de se faire embrasser près du feu, de l'alcool, et assez de zeb pour voyager jusqu'à Neptune ! Alors franchement tu devrais me remercier, parce que c'est difficile de faire mieux pour que mon meilleur pote puisse sortir avec une fille !

— Je sais, je sais, je te demande pardon, t'as grave assuré sur ce coup-là. C'est juste qu'avec tout ce que t'as fait, maintenant ça va être à moi d'assurer, et je suis pas sûr d'en être capable. Mais en tout cas, je veux que tu saches que je te suis vraiment reconnaissant pour tout ça.

— Ça va, t'inquiète. Et puis moi je me verrais bien dorloter la petite Sophie, alors... Enfin, ce qui compte c'est qu'on s'éclate. Je veux dire, même si ça le fait pas avec Léa, au pire tu pourras te rabattre sur Alice... ça te ferait un bon entraînement.

— T'es con.

— Hey, tu sais ce que disait mon père, ce qui y'a de bien avec les grosses, c'est qu'elles font tout.

— T'es vraiment con !

— Quoi ? On peut rigoler entre mecs, non ? C'est justement parce qu'on ne le pense pas que c'est drôle !

Il était comme ça le Sylvain, un peu con, mais loin d'être con, un paradoxe ambulant. Et puis, je savais que je pouvais compter sur lui, depuis le temps...

— Bon alors, tes affaires sont prêtes ?

— Ouais c'est bon, j'ai quasi tout.

J'attrapai ma trousse de toilette et ma serviette de camping et les collai dans mon sac vite fait. Puis j'allai chercher mon couteau de survie sur mon étagère et le rangeai dans la poche latérale.

— J'espère que tu t'es entraîné à allumer un feu avec ça depuis la dernière fois.

— Pourquoi ?

— Parce que si tu remets pas 10 minutes, t'as de bonnes chances d'impressionner les nanas !

Comme si je n'y avais pas pensé ! On peut dire que je me suis bien entraîné, maintenant est-ce que ça va marcher ? J'espère putain !

— On verra.

J'hésitai une seconde, puis je me dirigeai vers le coffre en bois près de mon lit, l'ouvris et en sortis une machette de camping trop neuve pour avoir déjà servi.

— Sans déconner ?

— Hey, on part pas en guerre sans biscuit !

— Ça, je te le fais pas dire !

Il mit alors la main dans la poche de sa veste et en sortit un gros sachet plastique dont la couleur verte ne me laissait aucun doute sur ce qu'il contenait.

— 15 ?

— 17 grammes et demi de pure Orange Bud !

— Alors je crois qu'on est prêts !

— Reste plus qu'à charger !


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