Chapitre VI-33

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Il était temps de repartir. Maintenant que le moment de rouvrir la porte arrivait, les doutes s'emparaient à nouveau de moi. Je savais ne pas avoir le luxe d'abandonner, ce qui, d'une façon ou d'une autre, serait revenu à nier. Et en réalité, je ne niais rien. Au contraire, comme la plupart des individus qui doivent assumer la responsabilité de leur survie, j'agissais. À mon goût, je m'en sortais plutôt bien jusqu'à présent. Mais cela ne m'empêchait pas d'être traversé par de fortes angoisses, légitimes par ailleurs. L'enjeu était de réussir à les chasser. Pas si simple ! Pour ma part, les stratégies que je faisais intervenir se basaient sur l'optimisme, permettant notamment de mobiliser une confiance en moi légèrement surestimée (ou démesurément, à choisir), mais aussi sur ma capacité à brider ma propre réflexion. Encore une fois, ce n'était pas si simple, surtout pour moi ! Quelque part, il fallait cesser de réfléchir, et se contenter d'agir. Même si bien sûr, cesser totalement de réfléchir était impossible. À l'ami que je venais de perdre par exemple. Non, pas le moment de penser à ça !

Je pensais aux militaires dans les zones de guerre. Comment faisaient-ils quand les balles sifflaient tout autour d'eux ? Finalement, ils faisaient comme moi, ils avançaient ou s'arrêtaient en fonction de ce qu'ils jugeaient être le mieux pour rester en vie.

Et là, tout de suite, c'était mon tour. Notre tour. Nous devions avancer !

J'ai fait signe à Johan. Il a enlevé ses traverses improvisées. Max était prêt à ouvrir la porte. Notre guerrier en armure sortirait en premier, moi en deuxième. La porte s'est ouverte. J'étais satisfait d'être en couverture d'un homme formé, bien équipé et plus aguerri que je ne l'étais. Un geste de sa part pour dire que la voie était libre et je sortais derrière lui. Deux rotations rapides de la tête me permirent de contrôler à droite, puis à gauche. Mis à part les cadavres autour de l'entrée, rien n'à signaler. Parfait. En même temps, je le savais déjà grâce aux caméras que nous avions utilisées à notre avantage avant de sortir. Mais l'insécurité des lieux invitait au zèle, et je me fiais plus à mes yeux qu'à n'importe quoi d'autre. À moi de faire comprendre aux autres qu'ils pouvaient sortir. Le groupe est parti vers l'ascenseur pendant que nous montions la garde. Nous savions justement grâce aux caméras que deux zombies se baladaient un peu plus loin, mais vu la distance et les conditions lumineuses, il n'y avait a priori pas de raison qu'ils nous posent de problèmes. Max s'était proposé de s'occuper des commandes pour préparer la descente. Quant à Tom, il devait rapidement fouiller les corps à nos pieds. Dès qu'il a eu fini, en nous manifestant malheureusement sa déception, nous avons pu rejoindre les autres.

Une fois tous dans la cage d'ascenseur, Max a validé la descente. Les portes se sont refermées sur nous. Encore une fois, j'ai ressenti le décrochage au moment du départ.

Heureusement, les concepteurs avaient vu grand en créant la cabine dans laquelle nous nous trouvions. Cela m'amenait à penser que dans un endroit pareil, s'enfonçant profondément sous terre, il valait mieux prévoir un ascenseur capable de permettre les emménagements. Grâce à ces dimensions, nous nous y trouvions assez à l'aise malgré notre nombre. Les niveaux défilaient à un rythme plutôt lent sur l'écran LCD, tout autant que les irrégularités du béton derrière la vitre. Je la fixais, à la fois hypnotisé par le mouvement et bercé par le son mécanique discret de notre descente.

— C'est un repère visuel en cas de problème, m'informa Johan. Pour savoir si on se déplace ou pas, et aussi à quel niveau on se trouve. Il faut dire qu'on sent pas grand-chose dans ce machin. C'est construit pour résister à du lourd, du coup ça descend lentement et c'est super stable. Même en cas de tremblement de terre, c'est censé continuer à marcher. Chaque couleur de ligne correspond à un niveau, c'est expliqué dans le manuel d'urgence là-dedans.

Johan me désignait une boîte encastrée dans l'une des parois latérales, juste à côté d'un interphone qui ne servait plus à rien. Elle portait effectivement la mention « URGENCE » en lettres capitales. Je revenais à la fenêtre étroite qui me permettait d'observer la surface dont j'avais l'illusion qu'elle était en mouvement, alors qu'en réalité, elle témoignait de notre propre déplacement. Effectivement, un trait fin de couleur verte avait été imprimé sur la paroi à laquelle était collée notre cabine. Sous mes yeux, le fil vert céda sa place à un fil jaune. Un nouveau coup d'œil sur le chiffre qui correspondait à notre étage me fît savoir qu'il n'y en avait plus pour longtemps. Je me suis à nouveau focalisé sur la porte, au cas où. Mais normalement, rien ne nous attendait là où nous allions.

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