Chapitre IV-18

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Tous prostrés, victimes d'un mutisme profond, nous étions perdus. Il faut dire que les effets secondaires d'une telle horreur étaient nombreux. Un total découragement en faisait bien évidemment partie. Je ne pouvais dire combien de temps s'était écoulé avant que Sylvain ne reprenne la parole. Il le fit en chuchotant aussi bas que possible. Nous avions compris à nos dépens qu'en ces lieux, même le désespoir devait s'exprimer en silence.

— Personne n'est blessé ?

Avant même de songer à lui répondre, je commençai par écouter attentivement. Ces quelques mots suffiraient-ils à déclencher une nouvelle attaque ? A priori pas dans l'instant, car je ne perçus aucun bruit.

Puis cette question résonna en moi d'une façon différente. Étais-je blessé ? L'un d'entre nous était-il blessé ? Au vu de notre situation, je pris la mesure d'une telle éventualité. Je commençai donc par interroger mon corps. Jusqu'ici, je n'avais rien senti. Je n'imaginais même pas comment cela aurait pu arriver. Mais je me rappelais que l'adrénaline avait parfois le pouvoir d'occulter la douleur. Cette idée réveilla soudainement une nouvelle angoisse. Fébrile, je contrôlai donc chacun de mes membres. Rien. C'était déjà ça ! Les autres firent de même. Et après un rapide examen, nous pouvions être rassurés. Enfin, tout étant relatif ! Car, bien que nous ayons gagné cette bataille, réussis à nous mettre à l'abri et cela, en évitant des blessures dont les conséquences auraient pu être terribles, nous semblions incapables de nous réjouir de ces exploits.

— C'est un cauchemar, il faut que je me réveille ! laissa échapper Alice dans un souffle.

Cela semblait ridicule et pourtant je ne pouvais pas lui en vouloir. Cette idée nous traversait sans doute tous l'esprit. Pas tant dans l'optique de remettre en question la réalité absurde à laquelle nous étions confrontés, mais simplement en cherchant à exprimer le refus intellectuel de vivre une telle expérience. Malheureusement, ces mots n'avaient pas le pouvoir de conjurer l'horreur bien réelle que nous vivions en ces instants. Et je dois dire que je le regrettais tout autant qu'elle.

La tranquillité précaire dont nous jouissions en ce moment me permettait de réfléchir un peu. Les conclusions que je tirais, bien que surréalistes, semblaient évidentes. J'avais besoin de les énoncer à haute voix, mais vu les conditions, je me contentai de le faire tout bas.

— Je crois que nous avons réussi à pénétrer, et à nous faire piéger, dans un laboratoire secret, infesté de zombies.

Finalement, une fois prononcés, ces mots me paraissaient encore plus aberrants que lorsqu'ils hantaient mon esprit. Ils rencontrèrent pourtant un silence que je jugeais approbateur. Il faut bien dire que l'on ne pouvait pas vraiment y opposer une solide argumentation. De toute façon, cela semblait au-dessus de nos forces. Nous étions exténués. Bien plus à cause de la peur, que des efforts que nous avions fournis. Les regards de mes compagnons se tournaient tous vers le sol. Les larmes étaient nombreuses sur nos joues. Et le bruit discret des pleurs étouffés me déchirait le cœur.

Comment est-ce que cela avait pu nous arriver ? C'était évidemment la question que je me posais le plus. Je ne pouvais m'empêcher de penser que la bêtise humaine avait finalement réussi à dépasser les limites du possible. Après tout, ça n'avait sans doute toujours été qu'une question de temps. Ces monstres que l'imagination des hommes avait créés n'attendaient que l'obstination d'un crétin au Q.I surdimensionné, pour s'incarner auprès de nous. Ensuite, il suffisait d'avoir de la chance. Être au bon endroit, au bon moment. Et pouvoir ainsi profiter en exclusivité d'une confrontation fabuleuse entre l'homme et la bête. Celle qu'il abritait finalement en lui depuis toujours. En termes de statistiques, nous venions de gagner dix fois à l'Euromillions. On peut se dire honnêtement qu'il fallait quand même réussir à le faire ! Partir camper pour se retrouver enfermés avec ces aberrations démoniaques, le tout dans un enfer souterrain, ce n'était pas donné à tout le monde.

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