Chapitre IV-19

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On s'était partagés les outils de façon à pouvoir travailler chacun de notre côté. Après avoir débarrassé ce qui se trouvait sur les meubles, on avait commencé à les démonter le plus silencieusement possible. Ça se passait plutôt bien. En tout cas, ça me permettait d'occuper un peu mon esprit. Les autres, eux, restaient prostrés. Franchement, je préférais être à ma place qu'à la leur. Je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'ils ne trouvaient pas notre projet judicieux. Évidemment, l'idée d'obtenir des armes impliquait qu'il y ait une possible confrontation. Or cette perspective était pour le moins inquiétante. Mais quoi ? Comme disait mon père : il vaut mieux prévenir que guérir !

Ah, mon père. Je me mettais soudain à penser à lui. Ce que j'aurais aimé qu'il soit là, avec moi. Lui qui incarnait encore si bien l'image du héros dans mon esprit. Et cela malgré mon âge ! L'homme le plus courageux que je connaisse, indéniablement. Je regrettais tellement qu'il ne soit pas à mes côtés en ce jour. Si seulement j'avais pu lui laisser la position exacte de là où nous allions. Je n'y avais même pas pensé une seconde. De toute façon, il n'y avait que Sylvain et Tom qui savaient situer l'endroit où nous campions. Et les connaissant, s'ils avaient eu cette bonne idée, ils nous en auraient déjà fait part. Mais ils n'avaient aucune raison de l'avoir fait. On ne partait pas en haute montagne après tout. Et puis, personne n'avait de raison de s'inquiéter avant demain soir. Dieu sait ce qui pouvait se passer d'ici là. Et ma pauvre mère, si je ne revenais pas, qu'est-ce qu'elle allait devenir ? Et mon père ? Mes parents ne s'en remettraient jamais ! Et les parents des autres ? Putain, c'est pas vrai bordel ! Mais qu'est-ce qu'on fout là ? Qu'est-ce qu'on fout là ?!

Sans m'en rendre compte, de nouvelles larmes étaient venues mouiller mon visage. Finalement, mon petit bricolage ne me distrayait pas autant que je l'avais espéré. J'avais envie de m'effondrer. De me laisser aller. De pleurer comme un enfant. Mais je ne pouvais pas. Non, je ne devais pas. Si je craquais, cela ne ferait qu'empirer les choses. C'était à mon tour d'être courageux. Plus que peu de gens avaient eu à l'être sur cette planète. Petit à petit, je transformais la peur en rage. Je n'avais plus qu'un désir : les exploser ces saloperies de merde !

Je vais leur bousiller la cervelle moi, on va voir s'ils font les malins longtemps après ça !

Voilà ce que je pensais maintenant que la fureur s'emparait de moi. Mes mains tremblantes se contractaient sur les outils pendant que je m'imaginais déverser toute cette violence. Je vivais à présent une profonde catharsis que j'espérais prémonitoire.

Ce fut dans cette ambiance paradoxale, où mon esprit subissait une véritable cacophonie, alors que nous nous exercions à une furtivité exemplaire, qu'un bruit nous électrisa. D'abord, j'encaissai la décharge que mon système nerveux propageait dans tout mon corps. Rompre le silence malsain dont nous étions captifs s'avérait douloureux. Ensuite, je tentai de décrypter les sons brutaux qui nous agressaient soudainement. En réalité, l'effet de contraste s'avérait être la principale source de leur puissance. Après avoir focalisé toute mon attention sur ces derniers, je me trouvais capable de tirer quelques conclusions. Leur origine ne se trouvait pas dans notre pièce. Il semblait assez évident qu'ils provenaient de l'espace invisible, dont la porte verrouillée gardait le mystère. En déduire la nature nécessita par contre un effort supplémentaire.

Des interférences électroniques, finis-je par me dire.

Cette analyse se confirma dès que des mots remplacèrent les grésillements désagréables.

— Est-ce que quelqu'un m'entend ? Leny ? Putain Leny, t'es là ?

Le claquement caractéristique, produit par les appareils de communication radio, précéda un nouveau silence. Puis la même voix reprit.

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