Chapitre VII-35

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Cette première chambre ressemblait à la grande majorité des suivantes. Chacune d'elles contenait trois lits superposés, accolés aux murs et entourés par les six armoires présentes dans la pièce. La configuration épurée de ces lieux de sommeil me rappelait mes années à l'internat. Seuls quelques posters et photos venaient partiellement décorer les niches que formait l'espace au-dessus des matelas. Nous avons fait rentrer Tom et les filles comme prévu après avoir contrôlé la pièce. Puis avons continué notre inspection minutieuse de l'ensemble de cette partie du dortoir. Méthodiquement, nous nous sommes assurés que l'endroit était vide. Au final, la visite nous a conduits à contrôler progressivement six chambres communes, une salle de douche, une pièce consacrée aux toilettes, et deux chambres supplémentaires où le privilège des hauts gradés avait permis de les équiper l'une et l'autre d'un lit double, ainsi que de quelques meubles.

C'est justement sur le petit bureau de l'une de ces deux chambres particulières que nous avons mis la main sur l'ordinateur, objet principal de notre venue. Celui-ci contrastait terriblement avec le style qu'avait donné le colonel à son repère. Un vieux tableau d'une taille imposante ornait le plus grand mur. J'imaginais qu'il s'agissait d'une toile de maître, même si mes connaissances ne me permettaient pas de la reconnaître. En tout cas, le paysage sans personnage, où une montagne en pleine campagne semblait être le thème de l'œuvre, s'accordait assez bien avec les meubles en bois aux formes arrondies et travaillées. Même les lampes de chevet me paraissaient accompagner trop parfaitement le lit, les commodes ainsi que l'armoire en bois qui trônait en face de la porte. Je comprenais qu'un goût s'exprimait dans cette décoration, mais ce n'était clairement pas le mien, tout ça faisait bien trop vieillot pour moi. L'ordinateur portable par contre inspirait une technologie de pointe inaccessible aux civils. Son épaisse coque en métal renforcée sur les côtés et imprimée sur le dessus de motifs géométriques simples, mais futuriste, ne me laissait pas douter de l'impossibilité à trouver une telle machine dans le commerce.

Johan s'est aussitôt penché dessus. Après avoir contrôlé l'alimentation de l'appareil, il l'a ouvert, ce qui a provoqué son allumage instantané. Une fenêtre de mot de passe superposée à un fond d'écran noir uni attendait d'être remplie. L'occasion d'une courte inquiétude, qui cessa au moment où notre allié nous rassura.

— Pas de souci, il m'a donné le code avec les autres infos. C'est « La clémence de Titus » où clémence est écrit avec les chiffres d'un clavier de téléphone portable et Titus avec les numéros des lettres de l'alphabet correspondants, avec les voyelles restantes en majuscules. Ce qui nous donne : lA2536363dE209202119. Il était fan des opéras de Mozart, commenta-t-il pendant qu'il recopiait le mot de passe inscrit sur un bout de papier.

Une fois la saisie validée par la touche entrée, la fenêtre disparut. Des icônes sont alors apparues sur le bureau enfin révélé.

— Bon c'est super, ça marche, reprit Johan. On progresse les gars ! On a un endroit sûr et on a l'ordi pour débloquer le système. OK, ça va prendre un peu de temps pour que je fasse les manips. Je suis désolé, mais j'ai vraiment besoin de prendre une douche d'abord et de me reposer sur un vrai matelas. Ensuite, je m'y collerai. J'imagine que vous avez aussi besoin de repos après tout ce que vous avez vécu. Et clairement, il vaut mieux que nous soyons en forme pour la suite. Ça vous va ?

La perspective de profiter ne serait-ce qu'un peu de la sécurité que nous avions réussi à nous offrir ne me déplaisait pas. Et de toute façon, à la vue de son état, je ne me sentais pas de refuser le minimum de confort auquel aspirait Johan. Je dois dire que j'y voyais également l'occasion de passer un peu de temps avec Léa. J'ai donc accepté la proposition.

Nous avons été rejoindre les autres, satisfaits de pouvoir leur annoncer que nous n'avions pas trouvé un seul cadavre dans notre partie du dortoir. La nouvelle a évidemment été accueillie avec beaucoup de soulagement. Nous avons donc directement commencé par refermer le barrage artisanal du mieux que nous pouvions. La quantité d'objets qui le constituaient lui conférait une bonne capacité à encaisser des charges. Cependant, il me paraissait certain qu'il ne pourrait résister longtemps à la furie des décharnés. Mais cela n'était pas grave, car il jouerait le rôle d'un ralentisseur efficace et le bruit nous alerterait rapidement. En plus, le reste des lieux, que je désirais contrôler plus tard, me semblait également ne pas représenter de danger immédiat.

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