Chapitre XI-49

30 20 2
                                    

Le silence régnait, je n'avais rien senti. Je me sentais même étonnamment conscient. Peut-être fallait-il attendre encore un peu, car il me semblait que la vie continuait à m'habiter. Mes paupières fermées filtraient une puissante lumière blanche. Je sentais toujours le contact de Léa contre moi. Une voix masculine s'est exprimée. J'ai entendu : « vous êtes en sécurité, tout va bien ». Je me suis dit que c'était une drôle de voix pour un ange. J'ai ouvert les yeux.

Mon premier réflexe fut de regarder ma main. Elle m'apparut aussi consistante qu'à mon habitude. Ma peau recouvrait toujours mes doigts. Même les quelques poils sur son dos se trouvaient là. J'étais perdu. Léa et moi nous sommes lentement décrochés l'un de l'autre. La pièce n'avait pas bougé, si ce n'est qu'elle se trouvait maintenant baignée d'une lumière blanche aux tons froids. Lola, toujours assise sur le sol, immobile, avait le visage enfoui entre ses genoux. Max, debout, tenait le fusil dans ses mains. Le canon était collé à son menton, son index encore sur la gâchette. Je comprenais qu'il avait appuyé, mais que l'effet escompté ne s'était pas produit. Son visage crispé, se préparant à une douleur qui ne voulait pas arriver, ne se dérida pas au moment où ses paupières se levèrent subitement. Après quelques coups d'œil autour de lui, il me fixa. Ses yeux m'interrogeaient, mais je n'avais pas la réponse qu'ils attendaient. Puis, un bruit mécanique détourna notre attention vers l'imposante porte, objet récent de nos rêves d'évasion. Elle s'ouvrait. Les deux parties qui la composaient s'éloignaient l'une de l'autre. Ce que révélait progressivement l'espace qui naissait entre elles me laissait dans un état de perplexité indescriptible.

Au tout premier plan, elle donnait sur une vitre. La matière transparente était à ce point collée au métal en déplacement que je me devais de les concevoir comme deux couches d'un même dispositif, dont le but s'avérait clairement être de ne pas nous laisser sortir. Par contre, voir au travers était permis, et sans doute même, désiré. J'avais imaginé retrouver l'extérieur de l'autre côté. Je m'étais trompé. Une salle particulièrement grande, dont certaines limites m'échappaient encore, m'offrait un décor pour le moins surréaliste. Ce qui m'impressionnait le plus était que, face à moi, elle se voyait délimitée par une gigantesque quantité d'eau, emprisonnée dans un aquarium aux proportions peu communes. La couleur verdâtre du liquide s'enrichissait de reflets dorés mouvants, scintillants, se diluant visuellement grâce au déplacement de la réfraction produite par de légers courants de surface. Devant cet étrange tableau, un monde d'informatique parfaitement statique remplissait l'espace. L'organisation du matériel en place me laissait penser qu'une vingtaine de personnes pouvaient y travailler confortablement. L'environnement figé m'évoquait intuitivement un espace déserté. Pourtant un bureau en particulier attira mon regard. Il était orienté d'une telle façon que le gros fauteuil qui y était associé nous tournait le dos. Et malgré la distance raisonnable qui me séparait de lui, ainsi qu'une pénombre trop peu altérée par l'éclairage diffus émanant du bassin, j'ai détecté la silhouette de l'homme qui l'occupait. Sans doute a-t-il senti que je fixais sa nuque, car le siège a pivoté pour nous faire face. Je n'en revenais pas, le docteur Deckert était assis là, souriant malicieusement. Il ne portait plus la blouse maculée de sang dans laquelle je l'avais vu mourir. Une veste de costume l'habillait élégamment, alors que ses jambes me semblaient recouvertes d'un jean. Sa coiffure était également différente, bien plus convenable, mettant en valeur la forme harmonieuse du visage de cet homme mûr. Et bien que je ne puisse pas en jurer à cause de la distance, sa gorge, comme le reste de sa personne, me paraissait propre et en parfait état. J'ai dit :

— Vous !

Il a répondu :

— Eh oui, moi !

La colère provoquée par son ton arrogant m'insufflait une énergie nouvelle.

— Que se passe-t-il ici ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

ACCROCHE-TOI À MOIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant