Chapitre XI-50

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— Ma plus grande passion a toujours été de tromper l'esprit humain, afin de lui offrir des sensations fortes ! Très rapidement, je me suis spécialisé dans l'emploi des animatroniques. Expert dans la conception et l'utilisation de ces machines qui permettent à l'extraordinaire d'exister pour l'œil, je n'ai jamais cessé d'augmenter mon niveau d'exigence dans la réalisation de ces outils fantastiques. Autant vous dire que l'accélération exponentielle des progrès techniques a toujours été pour moi la source d'une grande satisfaction. Et, à un certain stade de cette évolution technologique, j'ai su que je pourrais un jour mettre en œuvre mon projet le plus ambitieux : dépasser l'illusion limitée que permet le cinéma, pour réellement plonger des gens dans une expérience totalement surnaturelle et leur faire vivre une aventure unique, incroyable. Pour cela, il me fallait développer les animatroniques les plus réalistes jamais créés. Depuis longtemps déjà, je suis un grand amateur de l'univers zombies. Or, il se trouve que ces monstres étaient pour moi l'un des meilleurs supports pour mener mon projet à bien. Ne serait-ce que pour leurs démarches et le nombre réduit de leurs expressions, ils étaient d'excellents candidats. Leurs déplacements précaires, maladroits, sont pour l'instant ce que l'on peut atteindre de mieux en termes de réalisme au contact. Il en va de même pour les mimiques. Les mouvements et les expressions trop complexes sont encore à proscrire. Pour leur conception, je dois dire que j'ai mis le paquet. On utilise des imprimantes 3D de dernière génération que j'ai moi-même participé à développer en vue de mes besoins spécifiques. C'est très performant et ça limite les coûts, surtout pour les réparations. Leur squelette est réalisé grâce à un mélange de poudre d'os animal et de résine époxy. On peut parler d'os de synthèse. Celui-ci est creux et l'on y insère tous les composants électroniques, les moteurs et les batteries. Bien sûr, ils ne résisteraient pas longtemps à l'expertise d'un anatomiste chevronné lors d'une dissection, mais ce n'est pas le but et je suis ravi qu'ils vous aient convaincus. Malgré une miniaturisation optimisée, on a dû tricher un minimum et augmenter un tant soit peu le volume de presque tous les os, notamment le bassin, la colonne vertébrale et les omoplates. Ce que j'aime bien dans ce concept, c'est que le squelette est en fait un exosquelette. La grande majorité des mouvements sont générés de l'intérieur. Ensuite, des muscles artificiels gorgés du sang stérilisé d'animaux recouvrent les tendons en matériaux élastomères nécessaires pour les expressions fines. Ah oui, et votre ami faisait tout à l'heure référence au crâne et au cerveau (je l'en remercie par ailleurs, je suis particulièrement fier de cette partie). Je voulais absolument qu'on puisse sauvagement leur défoncer la tête, ce qui me semblait nécessaire pour opérer une bonne catharsis. J'ai donc soigné au maximum les détails. Je fais mouler ensemble plusieurs morceaux de cervelles de porc pour le faire correspondre à la forme du cerveau humain. C'est finalement un peu le principe de ce qu'on fait pour obtenir du jambon blanc industriel, en un peu plus compliqué. On y rajoute un petit traitement maison pour le goût et la couleur, et c'est presque parfait. Je trouve le résultat tout à fait sublime. Vous n'imaginez pas le plaisir que j'ai eu à faire tous les tests de destructions possibles, un vrai gamin ! Évidemment, s'il n'y a pas de circuits dans leurs crânes, c'est parce qu'ils ne sont pas autonomes. Pas la place ! On a un système bien plus performant en délocalisant les serveurs qui nous permettent de les contrôler à distance. Les serveurs sont dans la base et les zombies y sont connectés en WiFi. Par contre, entre ça et le peu d'autonomie en batterie, je peux vous dire que je craignais que l'on rencontre des problèmes imprévus. Mais heureusement, tout s'est bien passé. Il faut dire qu'on a réglé ça comme si on était à la NASA. Sinon... Qu'est-ce que j'oublie ? Mais oui, la peau bien sûr. On l'imprime également, ce qui nous permet d'avoir un rendu visuel exceptionnel et une super texture. Bon est pas encore à l'égal de la vraie, même celle d'un corps en voie de décomposition (ce qui est quand même plus facile). Voilà pourquoi le contrôle de la lumière est nécessaire pour parfaire l'illusion. Mais ça, j'imagine que vous l'avez déjà compris. De toute façon, grâce aux concentrés d'odeurs avec lesquels on les imprègne, ça ne donne pas trop envie de coller son nez dessus, n'est-ce pas ? Sinon David, tu as apprécié ma version de ton ami Sylvain ? On l'a réalisée en un temps record grâce à un grand nombre de photos prises à son insu. Bon, personnellement, un certain nombre de détails ne m'allaient pas. Mais finalement, n'est-ce pas le propre des artistes que d'être perfectionniste ?

ACCROCHE-TOI À MOIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant