Chapitre V-28

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J'avançais. À cet instant, les battements de mon cœur trouvaient leur origine dans l'excitation plus que dans la peur. Évidemment, de la peur il en restait, bien assez d'ailleurs. Mais c'était celle d'échouer si près du but, comme s'il serait pire de rater maintenant que notre objectif était en vue. Pressé, j'accélérais sensiblement la fréquence de mes pas. Je mourais d'envie de libérer ma foulée, de courir aussi vite que possible pour rejoindre la ligne d'arrivée. Mais il ne le fallait pas. Parce que si nous attirions nos ennemis avant de rentrer dans ce que nous savions être un cul-de-sac, cela réduirait nos efforts à néant. Cette mission nécessitait de la discipline et du sang froid, même si mobiliser l'un comme l'autre devenait de plus en plus difficile.

Je distinguais de mieux en mieux le rectangle orange en face de nous. Je pouvais également voir le coude que formait notre couloir. Ce dernier ne se terminait pas au niveau de l'entrée du local électrique, mais bifurquait à quatre-vingt-dix degrés sur la gauche. Johan avait oublié de nous prévenir de ce détail architectural. Cela m'était particulièrement désagréable. En fait, toute surprise qui ne pouvait être considérée comme une excellente nouvelle m'était désagréable. Pourvu qu'il n'y ait pas une armée de zombies en train de nous attendre là.

Plus que quelques pas. J'éprouvais encore une fois la nécessité de ralentir, sentant que je n'avais pas le droit de me laisser tenter par la précipitation. Je pouvais à présent voir le losange jaune collé sur la porte que nous visions. Mes yeux n'avaient pas besoin de voir clairement le symbole noir dessiné dessus pour pouvoir le lire. Grâce au contexte, mon cerveau déchiffrait sans mal le pictogramme représentant un éclair qui m'était déjà bien connu. Mon champ de vision commençait à s'ouvrir sur la continuité de notre couloir. Je réagis donc en bloquant l'émission de lumière produite par ma frontale. L'angle intérieur formé par la fin du mur à ma gauche matérialisait selon mon point de vue la frontière de l'univers visible. Et tant que je ne me déplaçais pas, je ne pouvais pas voir ce qu'il me cachait. Sauf bien sûr si quelque chose désirait sortir inopinément de là. Mais, avec toute la prudence requise, j'ai fait reculer cette frontière centimètre par centimètre, sans qu'elle ne révèle la moindre présence. Ceci dit, j'avais conscience qu'après avoir complètement occulté la lumière émise par ma lampe, la portée de ma vision se voyait réduite au minimum. Il était temps de la libérer progressivement... Juste derrière, mes deux complices patientaient à portée de barre, attendant mon rapport d'éclaireur. Je fus content que le rapport en question n'ait pas à prendre la forme d'un demi-tour précipité. Au lieu de cela ma main droite put se lever et s'incliner rapidement deux fois dans la direction de la porte. La voie était libre.

Maintenant, il fallait juste espérer que la pièce dans laquelle nous allions rentrer ne s'avère pas être un nid de guêpes. De toute façon, nous n'avions pas vraiment le choix, c'était ici que tout devait se jouer. Quelque part, nous avions déjà de la chance, je le reconnaissais, de pouvoir nous tenir là sans être cernés de toutes parts.

Je ne voulais pas perdre plus de temps que nécessaire. Je me suis donc placé dos à la porte et j'ai commencé la séquence de signes qui attribuait les rôles de chacun. Petit privilège de celui qui arrivait en premier. Après avoir ouvert le chemin depuis un petit bout de temps (trop longtemps à mon goût), je me réservais le droit de ne pas être celui qui allait ouvrir la porte. Je désignais Sylvain, parce qu'il était le plus fort de nous trois et celui en qui j'avais le plus confiance. Max le suivrait tout de suite après et je rentrerais en dernier. Stratégiquement, investir cette pièce nous posait un vrai problème. Si jamais il y avait plus de deux zombies à l'intérieur, on serait sans doute obligés de rebrousser chemin. Je ne voyais pas vraiment de tactique qui pouvait nous garantir le succès. Nous devions rentrer en force, tout en restant furtifs afin de conserver notre capacité à évaluer la situation à l'intérieur, et pouvoir fuir si le besoin s'en faisait sentir.

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