Chapitre VIII-37

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Le sommeil m'avait enlevé à l'atroce situation dont mon corps était toujours captif. Je ne trouvais cependant qu'un repos précaire dans cette inconscience tumultueuse. Agité par de sombres images, je subissais une ambiance onirique désespérante. C'est donc réellement déboussolé que j'ai émergé des dernières strates de ce qui me paraissait si réel, alors qu'en quelques secondes je me retrouvai à nouveau capable de discerner le vrai du faux. Et je haïssais profondément la vérité alentour. Mes cauchemars avaient été terribles, mais je les préférais tout de même au lieu que je retrouvais et surtout à ce qui s'y passait. Mes yeux contrôlèrent la présence de Léa à mes côtés pendant que mes oreilles captaient la détresse d'une voix. Celle que j'aimais se réveillait également et semblait aller bien. Celui que j'entendais, par contre, allait mal. Le talkie, toujours solidaire de mon pantalon reposant sur le sol, recevait un message désespéré. Je me baissai pour le ramasser. Johan parlait d'une voix souffrante et poussait des râles de douleur.

— J'ai fermé à clef... n'ouvrez pas, on est foutus... j'ai compris comment ça se propage... restez ensemble...

Un grognement inhumain ponctua la fin de sa phrase avant qu'il ne cesse d'émettre. Il m'en fallait plus, mais je sentais bien que ma frustration resterait entière. J'essayai tout de même.

— Johan, qu'est-ce qui se passe ?

L'objet dans mes mains demeurait silencieux. Léa me fixait, incrédule. J'ai sauté du lit et ai enfilé mes vêtements ainsi que ma frontale en vitesse. Elle fit de même. En saisissant ma barre, je tentai de réfléchir à la façon dont je devais protéger ma belle. J'ouvrais la bouche pour lui dire de s'enfermer dans la chambre après mon départ, quand les mots que je venais d'entendre se rappelèrent à moi : « restez ensemble ». Il était difficile d'être performant après un tel réveil. Une fois prête, elle attendit que je lui donne la marche à suivre.

— On va sortir tous les deux. Si on doit se battre, mets-toi dos à moi ou au mur et sers-toi de ça, au moins pour les repousser.

Je lui montrai l'arme qu'elle tenait déjà, équivalente à la mienne, mais beaucoup plus propre.

­— Il faudra peut-être que tu gagnes du temps jusqu'à ce que je puisse les tuer. En tout cas, fais bien attention à ne pas te faire mordre, je ne peux pas te perdre. Je t'aime trop pour ça !

Je lui disais que je l'aimais, mais le ton impératif que j'employais ne distillait aucune tendresse. J'étais inquiet. Rien ne me semblait normal. Nous devions être en sécurité ici, mais le fait que ce ne soit manifestement pas le cas me laissait craindre un dérapage absolu. Johan était mort, je n'en doutais pas. Et sans lui, je ne voyais pas comment nous pourrions sortir d'ici. Peut-être que notre fin était proche. Après tout, au vu des circonstances, cela semblait être le plus logique.

Sans un mot, Léa se jeta sur moi et m'embrassa intensément. Je sentis puissamment l'énergie de ce baiser. Sans doute avait-elle perçu le besoin d'encouragement qui était le mien. Instantanément, je laissai la logique de côté au profit de l'évidence qu'elle incarnait. Rien ne comptait plus qu'elle, et j'en assumerais le combat jusqu'au bout de mes forces.

Le couloir du dortoir était étrangement silencieux. Le message que je venais de recevoir m'avait laissé imaginer un chaos incompréhensible, mais rien ne le laissait deviner pour l'instant. Je vis que Max était assis contre le mur près du barrage. À cet instant, je repensai à ce qu'avait dit Johan : « on est foutus ». Qui était avec lui ? Qui d'autre était foutu ? Les visages de tous ceux que je ne voyais pas en ce moment me passèrent à l'esprit. La crainte que généraient ces images mentales était insupportable. J'avançais vers Max en maintenant mon index sur mes lèvres jusqu'à ce qu'il capte mon geste avec un étonnement inquiet.

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