ACCROCHE-TOI À MOI

Chapitre III-16

J'eus le plaisir d'éprouver un profond soulagement, pendant quelques dixièmes de seconde. Pour être précis, cela dura du moment où je vis la porte se mettre à bouger sous l'impulsion de Tom, jusqu'au moment où suffisamment ouverte, je pus avoir un aperçu de ce qu'il se cachait derrière.

Tout d'abord, il ne se trouvait devant moi aucune des trois choses qui auraient pu me rassurer. Pas d'accès vers l'extérieur. En imaginant qu'il puisse y avoir une sortie qui nous permettrait de déboucher vers un niveau inférieur, peut-être à cause d'un dénivelé. Ou alors sous une butte, par exemple. Non, nous étions toujours enfermés dans un espace souterrain. Il n'y avait pas non plus d'escalier qui mènerait vers la surface. Et pas d'être humain non plus, en train de nous attendre gentiment, prêt à nous reconduire à l'air libre. Je dois dire que je me serais pourtant senti résolu à accepter n'importe quel coup de pied au cul, mérité du fait de m'être rendu dans un endroit où je n'avais rien à faire.

Mais non ! Ce que je voyais à présent me permit de retrouver rapidement un niveau d'angoisse tout à fait satisfaisant. Il faut dire que certains lieux ont parfois cette capacité à distiller une ambiance terrible.

Le silence, en premier lieu, en est un excellent ingrédient, surtout s'il s'agit d'un silence aussi oppressant que celui auquel nous étions confrontés ici. Mais finalement, un des ingrédients qui s'avérait être encore meilleur était cette lumière rouge, de basse intensité, qui se reflétait partout sur d'étranges murs blancs. Le genre de lumière qui ne peut que faire penser à une situation d'urgence, et qui, associé à un calme mortel, imposait la sensation d'un danger latent. La chance semblait décidée à nous offrir ce qu'il pouvait se faire de mieux en termes de cauchemar éveillé.

Le désœuvrement auquel je devais faire face m'inspirait une ironie malsaine. Je n'en pouvais plus. J'éprouvais le désir profond de hurler ma colère, mais comme les autres autour de moi, le pressentiment d'une menace nous invitait à rester le plus silencieux possible. C'est d'ailleurs en chuchotant que Lola exprima l'interrogation qui hantait chacun de nos esprits.

— Mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ?

Il faut dire qu'il y avait de quoi se poser la question. Sous nos yeux s'étalait un nouveau couloir, profond d'une vingtaine de mètres. Mais le décor se révélait être bien différent de celui auquel nous avions été confrontés jusqu'ici. Fini le béton brut. Nous faisions maintenant face à un environnement tout à fait moderne. Partout, les surfaces étaient peintes en blanc. Je ne pouvais en douter même si la lumière en changeait la couleur. De nouvelles portes étaient visibles de chaque côté. À première vue, celles-ci n'étaient pas en métal. Elles ne s'en trouvaient pas pour autant plus conventionnelles. Le style général, si l'on pouvait en parler ainsi, correspondait à l'idée de ce que m'évoquait le mot « aseptisé ». Bien qu'en l'occurrence, la sobriété en avait apparemment été saccagée. Des documents étaient éparpillés un peu partout sur le sol. Plusieurs meubles de rangement renversés encombraient le passage. Les rails de néons au plafond ne semblaient plus fonctionner. Ainsi, cet endroit incarnait dans mon esprit l'antithèse absolue d'une éventuelle invitation à la sérénité.

Ce spectacle d'un surréalisme intolérable me glaçait le sang. Tant de questions se bousculaient dans ma tête que j'en avais la nausée. Quel était cet endroit ? Quelle était sa fonction ? Que s'y était-il passé ? Qui en était responsable ? Comment avions-nous pu arriver ici ? Qu'avions-nous fait pour mériter cela ?

Chacune d'elles se superposait à la précédente sans relâche, créant en moi un tourbillon de pensées qui parasitait toute réelle capacité de réflexion.

Sentant que nos esprits s'embourbaient peu à peu, Sylvain tenta de remobiliser notre détermination à nous échapper d'ici.

— Bon suivez-moi, il faut qu'on trouve une sortie ou quelqu'un qui puisse nous aider.