Chapitre IX-44

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Dépassant mon instinct premier, je revins à la charge. Je comprenais à présent que de l'autre côté, les traits originaux de ce personnage devaient être harmonieux. Un faciès apparemment symétrique, d'une cinquantaine d'années. Un front proportionné, en adéquation avec le nez et les yeux. Un menton affirmé, sans être caricatural, malheureusement recouvert d'une barbe mal taillée. Mais cette physionomie avantageuse se trouvait dévalorisée par quelques couleurs suspectes, ainsi qu'une coiffure à mon goût trop décoiffée. La blouse qu'il portait n'était elle aussi plus tout à fait blanche.

— J'imagine que je ne dois pas avoir fière allure ?

— Au vu des conditions, ça pourrait être pire, lui répondis-je. Vous venez nous rejoindre ?

— Pour l'instant, je ne préfère pas.

— C'est bon doc, vous comprenez que j'ai pu être méfiant.

— Je le comprends. Et vous ? Comprenez-vous que je le reste ?

— Nous ne sommes pas des agresseurs, nous ne faisons que nous défendre. L'instinct de survie, ça doit vous parler, non ?

— Oui, j'en conserve un également, même si ce n'est plus pour très longtemps. En tout cas, permettez que je reste à distance de vos barres de fer. J'ai cru comprendre que vous économisez les munitions ?

— Nous n'avons aucunement l'intention de vous faire du mal.

— Peut-être pas pour l'instant, mais ça peut venir...

Sa phrase me laissait perplexe. Évidemment que je ne voulais pas le blesser ! Quoique... S'il en parlait, c'est qu'il devait avoir ses raisons.

— Ça a commencé ici, n'est-ce pas ? demandai-je d'un ton désabusé.

— Paradoxalement, oui et non.

— Tout ça, c'est de votre faute ?

— Totalement. À moi et à moi seul.

— Putain, mais qu'est-ce que vous avez merdé pour créer des putains de zombies ?

— En fait, là-dessus, je n'ai pas « merdé » comme vous dites. Créer des zombies, c'est exactement ce que je voulais faire. J'ai seulement, malgré ce que je pensais, sous-estimé les conditions de sécurité.

— De quoi ? Vous vous amusez à créer un virus zombie et vous vous plantez sur les conditions de sécurité ? Mais vous êtes con ou quoi ? C'est pas comme si on ne vous avait pas prévenu ! Vous n'avez jamais vu un film de zombies ? Ce genre de merde s'échappe toujours d'un labo à la con comme celui-là. Tout ça pour quoi ? Hein ? Pour vendre un brevet merdique à l'industrie militaire ? Pour du pognon, hein ?

— Ça n'a rien à voir ! Et à la fois, vous vous doutez que l'armée n'est pas étrangère à tout ça, se reprit-il plus calmement. Si vous voulez que je vous explique, il va falloir m'écouter. De toute façon vous n'avez pas le choix, une fois que vous serez dehors, vous devrez raconter ce qui s'est passé ici, et pourquoi c'est arrivé! C'est trop important.

Léa était revenue près de moi. Elle et les autres se taisaient, médusés par ce qu'il se passait.

— Par où commencer ? Peut-être par mon cursus : j'ai cinq doctorats... Ou non, plutôt par une question... Vous avez déjà entendu parler de la théorie de l'inconscient collectif, ou plus précisément de la « noosphère » ?

Nous ne répondions que par de timides mouvements de tête, conscients que même si le concept ne nous était pas totalement inconnu, il allait logiquement nous en parler de façon plus exhaustive que ce que nous étions capables de le faire. Mais pour l'instant, je ne voyais surtout pas ce que cette théorie pouvait avoir affaire avec notre situation.

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