Élie : j'ancre mes pieds et m'apprête à rentrer en apnée.

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Elle porte les mains à sa bouche :
_.... C'est pas vrai ! Élie... Tu.... Je...
Je pose doucement ma veste sur ses épaules et me serre contre elle parce qu'elle a commencé à trembler.
Mais sa voix elle aussi se met à hésiter :
_ Alors tu n'as pas oublié...
Je soupire :
_ Je crois que ma mémoire refuse de mettre quelques souvenirs de cotés en effet.
_ Mais ça fait tellement d'années Élie....
_ Je le sais bien ne t'inquiète pas.

Ce qu'elle ne sait pas c'est que si je suis venue ici c'était pour échapper à tout ça. Et puis j'ai roulé sans savoir où ma voiture allait m'emmener. Et quand je suis arrivée ici, la jauge d'essence presque vide, j'ai compris que j'aurais beau aller au bout du monde, la vie aurait décidé de me la rappeler.
_ Tu ne devais pas disparaître Freya, je n'ai pas choisi cet endroit ce jour-là. Mais quand je suis arrivée, j'ai lutté. J'ai lutté tant de mois pour me dire que ce hasard n'était pas programmé. Alors je suis retournée chez moi et j'ai fouillé des heures pour la retrouver.

J'attrape mon porte-feuille, et en sort une photo jaunie mais où les détails ne se sont pas encore eux non plus effacés.
_ Ce n'est pas tout à fait le même mais la ressemblance m'a troublée.
_ Oh bon sang ! Combien de temps on était restée devant cette peinture au musée ?
Je souris :
_ Assez pour que les autres aient le temps de finir la visite.

Pour la première fois je laisse ce souvenir remonter avec une autre teinte que la douleur pour le colorer.
La visite venait de débuter, mais je me suis arrêtee devant ce tableau qui me fascinait, sans vraiment savoir pourquoi :
_ Toi aussi tu ressens ça ? Ce truc que tu n'explique pas ?
J'avais sursauté, Freya était assise sur un fauteuil un peu plus loin derrière moi, fixant cette toile. Elle était ailleurs, elle était là bas.
Alors le silence avait pris place, pas celui pesant qui s'installe parce que plus personne ne parle, mais celui présent parce que le temps se suspend. A mon tour je ne pouvais plus détacher mon regard de ce tableau, laissant mon cœur tambouriner. La seule personne qui avait été attirée par la même peinture que moi était celle dont j'avais envie de suivre les pas.

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que j'y suis retournée tant de fois. Ce qu'elle ne sait pas c'est que j'ai fini par aller demander l'histoire de ce tableau et que ce jour là j'ai compris pourquoi. Pourquoi il nous avait tant attiré elle et moi.
Alors mon cœur se serre cette fois, parce que si l'histoire de cette peinture devient réalité, il y aura tout de même pas mal de risque qu'elle finisse par nous séparer.

Je mords mes lèvres et résiste à lui raconter, en cet instant je me contente de sentir ses doigts glissés entre les miens et sa tête se blottir au creux de mon cou. L'Ocean semble parfois se calmer mais je sais qu'il risque bien dans les heures qui viennent de se déchaîner.
Alors sur Terre, j'ancre mes pieds et m'apprête à rentrer en apnée.

"Trop près de Toi" Où les histoires vivent. Découvrez maintenant