Violette

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J'ouvre mon étui et fixe les clés de cette fille à qui elles appartiennent. Je me demande comment elle a fait pour rentrer chez elle. Je claque le couvercle et détourne le regard, je ne veux pas laisser la colère monter en moi, je ne veux pas que les autres aient ce pouvoir sur moi.
Pourtant elle s'est arrêtée, pourtant ça fait un moment que je l'ai vu écouter.
Je l'ai vu dès la première fois où la pluie s'est mise à tomber, ou plutôt je l'ai ressenti. Je savais qu'elle était là, je savais qu'elle était celle que j'avais croisé ce jour-là.
Ce jour où quelqu'un avait accepté d'exposer trois des mes toiles parmi d'autres. Ce soir où ma vulnérabilité est revenue me chercher, celle où je me suis cachée dans un coin pour observer. Après tout, ils ne feraient sûrement pas attention à mes œuvres, les autres étaient tellement plus belles à regarder. Ces toiles de tissus, les miennes, semblable à ma réalité, celle où bien souvent les gens semblent défiler sans me donner cette impression que je puisse exister.

Et c'est ce qui s'était passé, ils avaient tous été attirés par des tableaux bien plus grands et plus colorés. Alors les mains tremblantes je refermais la porte m'en voulant tant d'avoir espérer quand cette silhouette s'était figée.
Et c'est devant une de mes créations que ses pas s'étaient ancrés. Je ne sais pas combien de temps exactement, je sais juste qu'il n'existait plus à ce moment là, parce que c'était bien trop précieux pour moi. Et puis elle s'était avancée, ses doigts en suspend comme on voudrait redessiner les contours d'un dessin exécuté. Son regard se promenant sur les côtés et mon cœur se mettant à accélérer qu'elle puisse me chercher. Et puis elle avait interpellé l'organisatrice et je m'étais mise à paniquer.Je n'aurais pas pu lui parler. Il fallait que je me dépêche de m'en aller.

J'avais traversé des avenues entières pour trouver cette place et me mettre à jouer. Et pourtant, pourtant ce jour de pluie, c'est comme si elle avait réussi à me retrouver alors qu'elle n'a jamais su qui j'étais.

**

_ Violette, c'est l'heure...

Un soupir encore une fois, quelques pas et puis la tête baissée et les yeux fermés, jouer. La lumière s'allume et il est temps de commencer. Pourtant mon archet reste suspendu. Parce qu'à cette table,se tient cette fille, le verre figé au bord de ses lèvres, ne s'attendant sûrement pas à me croiser dans cet endroit. Sur ce chemin qui semble nous murmurer qu'il nous forcera à nous voir tant que nous n'aurons pas décidé de nous rapprocher.

"Trop près de Toi" Où les histoires vivent. Découvrez maintenant