Alcée

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J'enchaîne les virages sur la pluie, souriant, j'ai semé cette fille qui se nomme Élie.
Mais plus j'approche du café et plus je me dis que Violette risque bien de s'être envolée.
Une voiture accélère, me doublant alors que je suis déjà hors limite. J'en suis persuadée, c'est eux, alors mes doigts font rugir le moteur et je n'ai jamais été penchée aussi près de l'asphalte trempée pour prendre un raccourci.
Quelques centimètres pour se croiser et des trous parce que cette route a pas mal d'années. Mais c'est ce qu'il faut que j'affronte pour les devancer.

**

Essoufflée  parce que j'ai cru ne plus rien contrôler plusieurs fois, je passe une main dans mes cheveux mouillés. Si le casque était là pour me protéger, mon cœur qui lui s'est mis à cogner ne m'a pas empêché d'avoir chaud à ne plus pouvoir respirer.

J'inspire l'air frais avant de m'engouffrer là où elle a joué quand je remarque qu'il n'y a plus aucune trace de son passage ici. Même les affiches semblent avoir disparues :
_ Où est Violette ?
James, au bar, fini de nettoyer :
_ Aucune idée, elle est partie il y a un long moment déjà.
_ Tu la connais ou pas ?
_ Pas plus que ça pourquoi ?T'as fait quoi pour être essoufflée comme ça ?
_ Il faut que je la retrouve ! Maintenant !
James fronce les sourcils :
_ Oh oh, quand t'as ta mine agacée, c'est que t'es en train de faire un truc qui me plaît pas.

James pose une main sur mon bras encore une fois quand je fais demi-tour :
_Où tu vas ? Qu'est-ce que t'essaye de faire au juste ?
_ Tu comprendrais pas  il faut que je...
_ Je t'ai dis qu'elle était en sécurité.
Cette fois c'est cette voix que je connais depuis peu qui me fait sursauter.
Élie se trouve juste derrière moi, et je ne comprends pas pourquoi elle me suis. C'est moi qui veut la protéger, c'est moi qui doit l'approcher sans lui faire de mal.
Et comme si Élie lisait dans mes pensées, elle sourit :
_ Je sais ce qu'elle provoque en toi, t'inquiète pas, je ne l'approcherai pas. Elle est juste quelque part où tu n'a pas le droit de...
Encore une fois je m'en vais alors que James et Élie tentent de m'en dissuader. Je regarde mon bras couvert de frissons quand je sors dans la rue, l'odeur de son simple parfum et je ne me contrôle plus. Je ferme les yeux comme un chien qui essaye d'avoir un indice pour savoir où sa proie peut bien se trouver.
Et alors que je marche au hasard, je me fige parce qu'une musique un peu étouffée retentit.
Elle vient d'un peu plus loin; l'étage d'un immeuble, une silhouette dans le noir semble s'imposer, même à trois heures du matin.
Je me dis que c'est une illusion, que quelqu'un devrait dire quelque chose mais au fond tout le monde est comme moi.
Quand Violette joue, je cesse de respirer comme si le monde s'arrêtait de tourner.

Un sourire monte sur mes lèvres , quand le moteur d'une voiture me fait réagir. Je cours et grimpe les escaliers, la voiture, elle, ralentit.
La porte de l'appartement est ouverte comme si elle attendait quelqu'un et j'ai juste le temps de sauter sur elle pour qu'elle ne se fasse pas repérer. Une portière claque, mes doigts sur ses lèvres pour l'empêcher de crier, elle devrait se défendre, être terrorisée, mais elle finit de me desarçoner.
Parce que le regard qu'elle plonge dans le mien est tout sauf celui d'une fille qui ne veut pas de moi pour l'approcher.

"Trop près de Toi" Où les histoires vivent. Découvrez maintenant