Violette : Ma peinture le savait déjà

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_ Je vais vite t'endormir crois-moi.
Alors que je me force à éviter son regard, je sais pertinemment qu'elle m'observe, et détaille le moindre de mes traits. Je n'ai pas pour habitude qu'on cherche à me dévisager. En temps normal, ce sont mes tableaux qui attirent l'attention.
Quand à mes chansons, elles sont juste là pour passer le temps, comme un moyen de redevenir normal. Je ne suis pas la seule à prendre un instrument et jouer.

En ce qui concerne les pinceaux, je me suis toujours demandée si j'étais unique ou pas. Ou si d'autres avaient cette même chose que moi. Cette chose qui fait qu'ils me tournent autour, ils veulent les toiles mais veulent surtout savoir pourquoi et comment ça marche.
Sauf que même moi je ne sais pas.
_ Je prend le risque de fermer les yeux et que tu me tapes pour me réveiller.
_ Je n'ai pas pour habitude de frapper les gens.
_ Tant mieux, je suis un peu rassurée alors. Mais j'attends toujours que tu me raconte.

Je pose ma tasse, et m'enfonce dans le canapé.
_ Je t'ai vu plusieurs fois t'arrêter me regarder . Je n'ai rien de spécial tu sais. Jouer est juste un truc comme ça.
_ Mmm, comme la peinture sur tes doigts c'est ça ?
Je me dépêche de tirer mes manches comme si ça pouvait effacer ce qu'il y a déjà depuis bien longtemps de graver. Je voulais juste mettre un peu de couleur dans ce monde en noir et blanc. J'ai toujours aimé les histoires, les légendes accrochées qui traversent le temps. Les représenter, leur donner une part de réalité. Mais je ne croyais pas si bien dire et si bien penser.

Une toile accrochée un soir, quelqu'un qui pose une main et tout a basculé. Un regard sur moi prononcé et des tas de questions pour que je puisse expliquer.

_ Eh bien, tu as l'air ailleurs, je peux te laisser et m'en aller tu sais, à la base je...
Elle se lève et je me surprend à attraper sa main.
_ Non, reste avec moi s'il te plaît.

Pas besoin d'explication, je crois que mon regard en dit long. Il est sûrement plus angoissé que je ne pensais parce qu'elle fronce les sourcils une seconde espérant encore une fois que j'emette la réponse à un pourquoi.
Pourquoi j'ai peur, pourquoi il arrive tout ça. Si mes peintures semblent pourtant attirer les gens, j'essaye de les éviter. Avec moi, les histoires ne se sont jamais bien terminées. Une vie un peu mise en danger, par des conduites pas toujours appropriées.
Quand la deuxième personne m'avait dit ressentir les mêmes effets , j'aurais dû lui dire qu'elle avait rêvé. Que cela était imaginé mais non, j'étais allée dans cette pièce et j'avais tendue la paume pour vérifier.
Juste une demi seconde, un éclair était passé, et une fille devant mes yeux s'était imposée.
La même qui un jour de pluie m'a regardé jouer, la même qui a perdu ses clés.
La même qui se rassoit, et pose ses doigts sur mon genou et qui d'une voix qui fait tout accélérer mumrure :
_ D'accord, d'accord je reste là, mais calme-toi. Ils ne sont plus là et je m'occuperai de ces gars s'ils s'en prennent à toi.

Je lui souris mais ce qu'elle ne sait pas, c'est que ma peur n'est pas due à ces gars mais bien à ce qu'elle provoque et qui prouve que ma peinture le savait déjà. Ma toile savait ce que cette fille déclencherait en moi alors que je ne l'avais jamais vu à ce moment là.

"Trop près de Toi" Où les histoires vivent. Découvrez maintenant