Freya

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Le souffle coupé, je ne peux pas répondre à cette question. Elle est là, un sourire dessiné alors que je vois toujours celle qui, par ma faute a risqué de mourir noyée.

Comme un mauvais film, chaque nuit la réalité revient s'imposer. Les sirènes des pompiers qui viennent troubler le cortège d'invité quand on sort de la mairie et une douleur panique qui vient s'installer. Ma main qui repousse celui qui tente de me retenir alors que dans ce couloir froid je venais de lui dire ses quatre vérités.

Mon corps qui se tend comme un signal de danger  et m'oblige à aller voir ce qui a bien pu se passer. Et puis mes jambes qui menacent de  se dérober quand je reconnais la veste de son costume que les pompiers viennent de lui enlever.

Le temps qui se suspend, mais celui qui menace de s'arrêter pour vous plonger dans le néant. Les mains qui commencent le pire geste qu'on veut oublier, celles posées pour la réanimer.
Ce moment où seules les vagues ont le secret de ce qui a bien pu  causer la pire des journées, celles qui détiennent l'horrible vérité de savoir aussi si elle va s'en aller. Et puis chaque muscles incapables de bouger, un bourdonnement qui  vient s'imposer parce que j'essaye de me persuader d'un cauchemar dont je vais me réveiller.

Le souffle qui raccourci et puis sans prévenir un cri :
_ Elie !!! Élie !!! Attendez ! Je veux monter !
_ Vous êtes de la famille mademoiselle ?
Et puis sans même y penser, sous ce mensonge, l'évidence qui vient résonner:
_ Je suis sa compagne, elle est la femme que j'aime, je dois l'accompagner, vous n'avez pas le droit de...
_ Calmez-vous, on va vous laisser monter. Assayez-vous, vous devenez pâle et...
C'est vrai mon corps tremble et je menace de m'effondrer. Je me demande seulement si elle est venue ici pour tout arrêter ou si c'était un accident contre sa volonté. Les bips surveillés, et mon cœur qui menace d'en faire un prolongé à chaque fois que j'ai l'impression de ne plus voir sa poitrine se soulever.
Des murmures incontrôlés :
_ Élie, reviens, réveille toi, je voulais juste te protéger, je ne voulais pas que ça puisse recommencer.

Cette chambre qui paraît être la dernière, celle où ma vie va prendre une couleur sombre et ne connaîtra plus celle de la lumière.
Moi qui voulais la protéger, je suis incapable de faire quoi que ce soit qui pourrait m'assurer qu'elle va se réveiller.
Un coup de fil à Liam, pour les prévenir qu'Elie risque le pire. Et puis me demander de sortir pour la perfuser, pour faire les examens nécessaire pour savoir si elle va s'en tirer.
Alors la décision que j'aurais déjà dû prendre il y a longtemps, m'en éloigner. Comme je savais que je n'aurais pas dû aller dans cette maison où je me doutais que j'allais la recroiser cet été.
Mais cette part de moi s'est réveillée, celle qui a confirmé quand je suis arrivée que je voulais qu'elle soit là pour que mon cœur ressente enfin ce qu'elle provoque en moi.

Elle ne le sait pas mais chaque été je retourne au musée, je présente l'œuvre sur laquelle on s'était arrêtée. Celle dont l'histoire est si triste mais d'une telle beauté. Celle qui devenue avec elle réalité, et qui me faisait hésiter entre l'aimer et foncer ou m'éloigner pour la préserver.

Cette histoire qu'elle m'a tendu dans cette chambre, cette histoire que finalement elle connaissait aussi, celle qui ressemble tant étrangement à nos vies. En plus de celle qui présente la toile au musée, je suis devenue cette fille à cause de qui l'autre finirait par se noyer.

Alors je me suis éloignée de cette chambre, sa photo entre les doigts, je ne pouvais pas prendre le risque que ça finisse comme cette histoire là. Je devais m'en aller, faire comme si tout ça n'avait jamais existé pour que l'histoire du tableau ne se répète pas.

Je me suis renfermée, me suis jurée de ne plus pleurer. Ne plus me laisser approcher par qui que ce soit, et demander de ne plus me donner de nouvelle de tout ceux qui faisaient parti de ma vie. Partir, pour tout recommencer, une autre vie que ce tableau imposé.

Mais comme on ne peut pas y échapper, je me doutais bien qu'elle finirait par me rattraper.
Aujourd'hui cette toile est derrière moi et cette fille de l'autre côté. Je murmure l'histoire à ces gens venus visiter le musée. Mais je ne la quitte pas des yeux, terrorisée qu'à la fin de mon récit la réalité vienne me rattraper.

Pourtant, il va bien  falloir cesser tout ça, je suis fatiguée que ce même scénario que l'une fuit l'autre ne cesse de se répéter.

"Trop près de Toi" Où les histoires vivent. Découvrez maintenant