3. L'Alliance Bis

496 43 20
                                    

Sur le toit, les Men in Grey s'égaillaient. Tennoji avait branché sa radio sur la fréquence habituelle et hochait sa tête à la coupe militaire au rythme de Gone Away de The Offspring. Il avait enfin retiré son pansement, vestige de sa fracture du nez. Jotaro lui, portait toujours le sien : peut-être était-ce finalement pour se donner un style ? Peut-être cachait-il un abcès ou un bouton disgracieux ? Celui de Tennoji révélait un nez encore plus tordu et bosselé qu'auparavant.

Les Men in Grey, avaient récupéré une chaise chilienne, dont la toile était maladroitement recousue par endroits et qui se trouvait déjà squattée par Minoru. Ce dernier n'atterrissait plus depuis son anniversaire dans le gymnase. Sans dire qu'il empuantissait avant, l'avantage désormais était qu'il ne sentait plus autant le cannabis.

Minoru piocha la dernière chips dans un paquet, roula ce dernier en boule et visa la poubelle... Que le morceau de plastique n'atteignit pas. Il alla rejoindre les autres papiers gras au sol. Durant les cinq minutes qui suivirent, l'Opossum transgénique s'amusa à gober des Oreos que Mika lui lança à plus de trois mètres de distance pour l'entraîner.

Enfin, Kensei apparut sur le toit. Il salua tout le monde et de sa démarche lente et libre, s'approcha de moi, une cigarette à la bouche, les mains enfoncées dans les poches. Il me tapota la tête et bâilla généreusement.

« Pourquoi est-ce que vous restez sur le toit et n'allez directement pas camper près des poubelles ? m'énervai-je.

— Dis donc toi, tu crois pas que tu l'ouvres un peu trop ? rétorqua Mika sur le même ton. Arrête de parler comme si t'étais quelqu'un !

Jotaro ajouta mollement :

— Les choses sont comme ça, c'est tout.

J'appelais cela de l'immobilisme saupoudré de flemme.

Jotaro tripota un instant son pansement sur le nez. Il ramena ensuite ses cheveux en avant et replaça son serre-tête. Même avec ça, je crois que personne ne se serait risqué à le traiter de fille : Jotaro avait le poing rapide de celui qui ne s'embarrasse pas des commentaires.

— Dans tous les établissements, le toit est le lieu le plus convoité. Les poubelles, on les laisse aux premières années, m'apprit-il.

— Vous avez vu l'état de votre lieu convoité ? répartis-je. Vous avez vu ce grillage défoncé, ces caisses, ces tags et ces papiers partout ? Ce n'est plus un Q.G., mais une œuvre de démolition !

— Critique pas ! T'es pire que le gardien, ronchonna Minoru en s'emparant d'un nouveau paquet de chips.

— T'embarrasse pas avec ça » intervint Kensei à mon attention. Il me frictionna encore le crâne. Je croisai son regard hypnotique et soupirai de renoncement. Il reprit : 

— Il y a plus grave. Tu vas bientôt recevoir un petit papier sur ton bureau ».

Je paniquai. Il me calma.

Naoki avait été convoqué dans le bureau du proviseur et s'était fait exclure de l'établissement pour un mois.

C'était une première !

Kensei m'expliqua que Naoki s'était rendu à un point de rencontre avec des étudiants du lycée Kawasaki pour discuter d'une « trêve » sur les prix du cannabis, selon la version officielle. Les choses ne s'étaient pas déroulées comme prévu et une bagarre avait éclatée – celle que j'avais aperçue derrière la vitrine de la salle d'arcades.

L'altercation avait dégénéré et Naoki avait jeté l'un de ses assaillants dans le canal Dotonbori. Grâce à l'intervention des pompiers, la victime avait été hissée de l'eau environ quinze minutes plus tard, passablement blessée et les poumons gorgés d'eau. A croire que les caïds avaient à leur sauce repris l'affaire de la malédiction du colonel Sanders de KFC.

Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant