47. Un Zoro Improvisé

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Les dix minutes qui suivirent, Minoru déboula dans le secrétariat en survêtements. Assurément, c'était encore un coup de Shôji, l'information ne pouvait venir que de lui. Le petit-frère de Mika avait dû se dissimuler derrière une porte, dans un placard ou pourquoi pas dans une bouche d'aération.

Minoru vociféra, les yeux exorbités :

« Qu'est-ce que tu fais ? Je t'ai déjà dit de ne pas t'approcher de Reizo !

Je sourcillai.

— Bon sang ! Mais qu'on arrête de me dire ce que je dois faire !

Il croisa les bras sur son torse et me regarda du coin de l'œil :

— C'est pour toi que j'dis ça. Pour t'éviter un fiasco comme le mois dernier... Je veux pas que tu te recoupes la crinière !

— Tu en as vraiment après mes cheveux ! Je peux mettre une perruque si ça te fait plaisir !

— Hé !

— C'était un malheureux concours de circonstances. La situation à l'époque méritait d'être justifiée. J'avais eu tort de cacher à Kensei que je connaissais un host ! Au fait, je ne t'ai toujours pas remercié de n'avoir rien dit à ce sujet alors que Mika...

Le corps de Minoru était sous tension. Sur une impulsion, l'air alarmé, il agrippa mon avant-bras.

Qu'avaient-ils tous, à se montrer si tactiles ?

— On oublie ta tignasse ! Pourquoi est-ce que tu tchatches avec un mec contre qui on s'est battus ? Tu te souviens de l'état dans lequel Reizo a mis Nino ?

— Oh ! Je t'en prie Minoru ! Figure-toi que j'y ai pensé mais que je suis secrétaire quand même ! Je ne sers pas à grand-chose, c'est un titre-écran mais si je ne pouvais adresser la parole qu'à la moitié de Nintaï, je me ferais virer ! 

Il y eut un long silence. L'inquiétude dans le regard de Minoru me poussa à me taire. Son attitude n'était pas agressive mais la pression de son geste était ferme, toute autre que celle exercée par Reizo. Excédé, il me secoua doucement :

— L'altruisme, ça n'existe pas, Clé-à-molette. Arrête de rêver. T'as rien remarqué ?

— Quoi ?

— Ce type a la réputation de pomper l'énergie des gens. Tout le monde s'interroge sur lui ! C'est une pourriture !

— Je te crois.

— Reizo est vénéneux ! Tu vas tomber dans son piège !

— Quel piège ? Nous nous sommes parlé deux fois, ça n'ira pas jusque-là.

Minoru s'arc-bouta.

— C'est quoi alors ? À quoi tu joues ? 

J'avais rarement eu l'occasion de le voir se mettre réellement en colère. Et indéniablement, il l'était. Cependant, je ne comprenais pas la brutalité de sa réaction ; depuis que les étudiants étaient revenus en cours, ce n'était pas la première fois que je discutais avec un ennemi du gang de Takeo.

Minoru m'avait décramponnée et arpentait à présent le minuscule secrétariat à grandes enjambées. Il ne tenait pas en place, torturé par les idées qu'il avait en tête. Tout à coup, il se figea, les yeux agrandis par l'anxiété :

— Tu t'es empêtrée dans sa toile d'araignée et t'arrives plus à t'en extirper, c'est ça ? Ou t'as passé un marché avec lui ? Pourquoi ? Il te fait du chantage ? Sur quoi, hein ?

Je penchai la tête, le front plissé et me levai de mon fauteuil de bureau.

— Mais arrête ! Pourquoi tu es aussi suspicieux ? Reizo t'a fait quelque chose ?

Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant