Le filet autour du trafic de drogue à Nintaï se resserre. La tension monte et la loyauté entre les factions est mise à rude épreuve. Lucie se lance à corps perdu dans les abysses des relations torturées entre les étudiants et s'intéresse de près aux...
Je tendis l'oreille. Les oiseaux ne chantaient plus et se cantonnaient à piailler légèrement, peut-être pour ne plus s'attirer les foudres de Tennoji. Assis en tailleur, Kensei marmonna, le nez rivé dans son paquet de cigarettes :
« Bref, Toshi l'a mal pris. Il a fait comprendre à Mukai qu'il n'était plus question qu'il soit leader.
— Et ? s'enquit Tennoji.
— Ben non ! C'est Mukai, le plus fort. C'est lui le leader de leur classe, affirma Kensei avec aplomb.
Énervé, il s'alluma une cigarette.
— J'étais sûr que tu dirais ça. Il est ton cadet au club de mécanique après tout.
Je ne m'étonnai pas que Kensei défende Mukai. Celui-ci faisait son possible pour ne pas le décevoir. Son visage jeune et sérieux traduisait toujours un vif désir de trouver grâce aux yeux de son mentor.
— Ce sont ses gars qui l'ont choisi ! contesta Kensei. Ce n'est pas parce que Toshi est le petit-frère du Grand Manitou qu'il a tous les droits. D'ailleurs, poursuivit-il en tirant sur sa Marlboro, Toshi serait aujourd'hui tout juste sorti de l'hosto si Mukai n'était pas intervenu en début d'année dans les couloirs, alors qu'il se faisait tabasser par la classe d'Izuru.
Jotaro et Tennoji reniflèrent de concert, comme pour exprimer leur mépris envers le leader de deuxième année qui les avait envoyés tous deux à l'infirmerie.
— Toshi et Mukai se sont disputés ? intercédai-je.
— Ouais, me répondit Kensei. Il soupira, la clope au bec : Ça ne tourne pas rond dans la 1-A. Toshi voudrait posséder le cosmos sous couvert que sonfrangin est respecté... Mais faut pas s'inquiéter, reprit-il. Il n'est pas en position de négocier quoique ce soit. Seul un petit groupe d'idiots le soutient : il en faudrait plus pour réussir un coup d'État et destituer Mukai ».
En dépit de la situation, Kensei ne semblait pas préoccupé, ce qui suffit à me rassurer. Soudain, Daiki, qui avait suivi la conversation de loin, se racla la gorge.
« Ça nous concerne en quoi, qu'il y ait des embrouilles de choix de leader dans une classe de première année ? demanda-t-il à Kensei.
— Dire que sur cent millions de spermatozoïdes, c'est lui qui a survécu ! grommela Nino à voix basse pour que Daiki ne l'entende pas.
Kensei secoua la tête dans tous les sens mais finit par répondre au géant :
— Quand je suis allé le voir après notre réunion au Black Stone, Mukai a accepté de s'allier à nous. Si Toshi dirigeait cette classe, je ne suis pas sûr qu'elle resterait de notre côté.
— Mais Toshi est le petit-frère d'Eisei, nan ? Il serait forcément avec nous.
— Pas sûr. J'te rappelle qu'Eisei s'est dit neutre, rétorqua Kensei.
Takeo acquiesça, méditatif :
— Qu'est-ce que Eisei pense de cette histoire ?
Kensei reprit son ton grave et replia les coudes sur ses cuisses en tailleur.
— Bizarrement, son raisonnement nous est assez favorable. Eisei serait content que Toshi devienne leader mais il refuse de l'aider pour accéder à ce rang. C'est à Toshi de s'imposer par ses propres forces. Sous prétexte qu'il est son grand-frère, Eisei ne va pas lui mâcher le travail après avoir eu tant de mal à se faire lui-même une place à Nintaï. Leur honneur à tous les deux en prendrait un coup ».
Sur ce, Kensei se redressa et me lança un onigiri* fourré à la prune. C'était l'heure du goûter.
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