53. La mauvaise idée

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[Narration : Kensei]

Daiki se leva et lui lança une table à la figure. L'étudiant visé s'affaissa sous le choc. Le sang s'écoula et se répandit sur le sol crasseux du toit.

Lucie eut un haut-le-cœur, avant de s'approcher de la victime. Le sang ne la rebutait plus autant qu'avant ; elle s'y était habituée.

« T'as vu ça, Kensei ? J'ai battu ton record ! » meugla Daiki en frappant son torse de ses poings comme King Kong.

J'acquiesçai en jetant un coup d'œil à Nino. Il scrutait Daiki avec l'air de se demander comment on pouvait en arriver là.

Un gars avait eu le malheur de venir se plaindre auprès de Daiki. Il lui avait reproché qu'au sortir du cours de Madame Taka, sa clope avait fait un trou dans sa veste.

Heureusement, l'abondance du liquide poisseux n'était due qu'à l'ouverture d'une plaie superficielle. Takeo fit un signe de tête à Daiki qui, sans effort apparent, souleva l'étudiant, le jeta sur ses épaules et disparu derrière la porte du toit qui émit un crissement métallique à transpercer les tympans.

« Qu'est-ce qu'il va faire ? L'enterrer ? grinça Lucie.

La bande se plia de rires.

— Tu manques d'originalité, voyons ! la reprit Takeo en faisant cligner ses paupières tombantes.

Elle le regarda, abasourdie.

— Ce que t'es bête ! On ne joue pas à ça, nous. Daiki l'emmène à l'infirmerie.

— Vous êtes encore trop gentils, ironisa-t-elle.

— Non, non... Nous sommes courtois ».

Embarrassée, Lucie se dandina sur place. Je souris en inspirant un peu de nicotine. En notre compagnie, il lui était devenu impossible de faire la part des choses.

À seize heures passées, nous n'étions pas nombreux sur le toit. Le club de mécanique était entre de bonnes mains puisque je l'avais confié à Mukai : je me sentais envahi d'une flemme irrésistible. Pour une fois que la chaise chilienne était libre, je m'assis dedans.

Lorsque Daiki revint accompagné de Shôji, croisé dans les couloirs, Lucie s'anima et se tourna brusquement vers Nino qui penchait déjà la tête d'un air d'avertissement. Sans se laisser démonter, elle l'interrogea d'une petite voix.

« Je viens de penser à un truc. Pourquoi un groupe de premières années escorte-t-il Toshi partout où il va ? Ils ressemblent à des poisson-pilotes suivant leur raie manta...

Agacé, Nino révulsa les yeux au ciel. Lucie n'y prêta pas attention :

— Je les ai encore vus tout à l'heure prendre le chemin du toit de gauche pour aller voir Eisei, souligna-t-elle.

Je m'étonnai de ses remarques. J'aurais parié qu'elle allait demander à Nino des nouvelles de l'enquête sur l'arrestation de Fumito et éventuellement sur sa sortie de prison.

Nino leva le visage vers Takeo qui opina avant de disparaître derrière la porte du toit. Une fois que celui-ci fut parti, Nino se laissa tomber de tout son poids sur le canapé en patchwork de tissus et posa la main sur un accoudoir. Il essuya une ligne humide sur sa lèvre supérieure – un effet secondaire de l'inhalation de colle – et soupesa Lucie du regard. Il décida finalement qu'il était indifférent de lui dévoiler les fondations des relations de la classe 1-A.

Il n'y alla pas par quatre chemins.

— C'est Toshi qui devrait être le leader de la 1-A et non Mukai.

Octopus - Tome 3 : La Pieuvre a le sang bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant