III. La Soirée du Conseil

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T.S.

Les lieux étaient tout bonnement somptueux. Les lustres sublimes qui pendaient du très haut plafond illuminaient la grande salle. Tout était de bois, d'or et de rouge. Le cristal des verres et l'argent des couverts venaient se mêler aux innombrables tissus des convives, tous richement vêtus. Entre les costumes et les robes, il y en avait de toutes les couleurs et pour tous les goûts. La fumée de cigares et de cigarettes flottait au-dessus des têtes, se mêlant aux parfums de ces dames et de ces messieurs.

On lui ouvrit les grandes portes de la salle de réception et, pour une fois, il ne fut pas scruté de toutes parts. Parce que c'était la haute société et les notables de ce monde, bien qu'ils sussent qui il était, ne pouvaient s'extasier ou se manifester devant lui. Ce n'était pas acceptable. Lui s'en moquait éperdument. Shelby était à la recherche de Lavoisier – d'un verre de scotch, aussi. Il était conscient qu'il buvait trop, mais il ne savait pas faire autrement. Il ne savait plus faire sans. Cela ne l'étourdissait même plus, d'ailleurs. Ou alors, il lui fallait en consommer une quantité ahurissante pour perdre le contrôle. Mais c'était tout ce qu'il fuyait. La perte de soi, la perte de lui-même.

Il se faufila parmi les danseurs, qui en faisaient beaucoup trop à son goût, pour atteindre le bar. Massif, il était tout de chêne, de marbre et de feuille d'or. Les verres scintillaient à la lueur des lustres ; les discussions et les rires allaient bon train. Tout était normal, paisible. Tout ce qu'ils pouvaient ordinairement faire basculer, en vérité. Ce n'était pourtant pas son objectif, ce soir-là. Il avait à faire. Certains de ses hommes veillaient au grain pour qu'il n'y eût aucun débordement. Pour que tout se déroulât à la perfection.

L'alcool rafraîchit sa gorge étrangement sèche. Il ferma les paupières durant un bref instant, la tête légèrement penchée en arrière. Il savoura l'atmosphère ambiante, les odeurs. Et le noir.

- Monsieur Shelby ?

Thomas ouvrit aussitôt les yeux. On l'avait interpellé. Il revint à lui et constata que le fameux Lavoisier lui faisait face. Il s'était fait surprendre et il n'appréciait pas cela du tout.

- Monsieur, enchanté.

Il lui serra la main. Il se reclurent à une petite table ronde, tout près du bar. Il fit apporter deux verres d'un geste. Le serveur le connaissait, il l'avait croisé à d'autres évènements de cette envergure.

- Alors, vous vouliez me voir ? demanda le soixantenaire.   

Thomas remarqua que sa moustache grisonnante était parfaitement entretenue, pas un seul grain de poussière ne traînait sur son complet extrêmement bien repassé. Il alluma une cigarette et acquiesça. Il était curieux, sincèrement, et il ne pouvait s'empêcher de vouloir tout connaître. Tout savoir. Sur tout. Afin de maîtriser les choses, de les contrôler. Tel un souverain.

- Je vous écoute, l'intima-t-il de son habituelle voix rauque.

Ses yeux translucides examinaient avec précision le visage de son interlocuteur.

- Lorsque mon épouse est décédée...

Il ne tiqua même pas à cette entrée en matière. Depuis qu'il avait fait la Guerre, plus rien ne l'atteignait. Ou presque.

- ... j'ai décidé de quitter la France. Je travaillais dans une banque, et il ne m'a pas été difficile de retrouver du travail ici.

Il fit une expression avec ses yeux qui l'invitait à poursuivre son récit. Un banquier pouvait être intéressant pour ses affaires, la façon dont il s'y prenait. Pour le commerce à l'international, pour légaliser certains... détails.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant