XXXVII. Les Retrouvailles

2.3K 149 216
                                    

T. S.

Dans la voiture, personne ne parlait. Le calme absolu.

L'hôpital avait pris soin d'eux. Les médecins avaient insisté pour qu'ils restassent quelques jours, mais Thomas avait refusé. Des infirmières viendraient à son domicile.

Il voulait rentrer chez lui, loin de tout, retrouver sa famille, serrer son fils dans ses bras, être à l'abri.

Il regardait le paysage défiler derrière la vitre. Le soleil déclinait, peu à peu, inondant les cieux de teintes orangées et rouges – rouge sang. Il en avait suffisamment vu, ces dernières heures. Les arbres étaient de grandes ombres, des squelettes sans vie, se mourant dans le halo de lumière dorée. La Nature s'éteignait et allait rejoindre l'obscurité de la nuit.

Thomas Shelby soupira. Il avait mal partout. Chaque déglutition était un supplice, chaque mouvement de tête était un coup de marteau sur ses tempes. Il était en piteux état, mais ce n'était rien à côté de Michael, Finn et Isaiah. Ils avaient été traînés jusqu'à l'une de leurs voitures, tels des corps sans vie.

Éreinté, Thomas se tourna difficilement sur la gauche. À côté de lui, Rose était assise sur la banquette arrière. Le crâne entouré de bandages, elle était assoupie, la bouche légèrement ouverte. On lui avait nettoyé le visage. Malgré les bleus et les hématomes, elle était jolie. Le Mal n'avait pas altéré sa beauté.

Ses prunelles d'acier descendirent le long de son cou, de son buste, jusqu'à ses mains, posées sur ses genoux. Lentement, il en attrapa une et entrelaça ses doigts aux siens. La peau de Rose était glacée, comme si le sang ne coulait plus dans ses veines. Il lui caressa doucement le dos de la main. À sa grande surprise, cela le détendit. Depuis quand ce geste si simple l'apaisait-il ? Rose avait chamboulé tant de choses, dans sa vie.

Thomas se pencha à nouveau vers la fenêtre. Il était sonné. Il n'en revenait toujours pas. Nichols était mort. Et Jane... elle avait décidé de partir de son plein gré. Sa chute était gravée dans son esprit. Ce saut dans le vide, désespéré, l'avait touché malgré lui. Cette femme n'avait jamais connu le bonheur, ni la liberté. Elle avait été condamnée dès le jour de sa naissance.

Les paroles de Rose lui revinrent en mémoire. Elle et Jane avaient connu « l'Enfer ». L'Enfer... Il n'était pas du genre à se soucier d'autrui, mais lorsque Rose Lavoisier avait mis pour la première fois un pied dans un de leurs pubs, tout avait basculé.

Thomas laissa son regard se perdre dans les nuages. Les évènements étaient encore trop récents, mais une chose était sûre : le gang de Nichols avait été réduit en cendres. Définitivement. Sans Arthur et sans Alfie, peut-être qu'il en aurait été autrement. Peut-être que Rose aurait...

Elle laissa échapper un gémissement. Elle dormait toujours, mais elle se pencha vers Thomas. Et se laissa tomber sur son épaule. Aussitôt, il enroula son bras autour d'elle et la prit contre lui. Il posa sa tête sur la sienne. Dans le rétroviseur, il croisa le regard d'Arthur. Le visage tuméfié, il souriait.

Humant le doux parfum qui se dégageait de sa lourde chevelure brune, Thomas réfléchit à l'après, au lendemain. Quel sort réserverait-on aux Peaky Blinders ? Tout était possible. Même s'ils avaient gagné une partie, une autre commencerait, puis une autre et encore une autre.

Thomas pensa à Alfie Solomons. Le barbu ne l'avait pas trahi, pour une fois. Il l'avait même aidé. Il s'en était sorti indemne, certes, mais il lui avait permis de ralentir Nichols et Jane de gagner quelques minutes supplémentaires. Quelques minutes de vie.

Le chef des Peaky Blinders ferma les yeux, et replongea plusieurs heures plus tôt. Dans l'hôpital, à la vue de tous.

Le couloir grouille de monde. Du bruit, beaucoup trop de bruit pour son cerveau meurtri. Ils l'attendent tous. Ses frères, ses acolytes, Rose et Solomons. Alfie n'a même pas une égratignure. Il a échappé à la mort. Il a survécu au courroux du Mal.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant