XXII. Le Walter's

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T.S.

Auprès d'hommes politiques de renom, il entama son premier verre de scotch en observant autour de lui. Plusieurs de ses confrères au Parlement avaient eu envie de dîner dehors et tout naturellement, ils lui avaient proposé de se joindre à eux, ce qu'il avait accepté sans aucune hésitation. Il fallait qu'il fût dans ces endroits-là, au cœur de ces conversations où tout se jouait – ou presque. Les mondanités n'étaient pas sa spécialité mais il ne pouvait guère passer à côté, son statut l'en empêchant catégoriquement. Il se devait d'être là où on l'attendait. Et où on ne l'attendait pas.

Les notables avaient commandé leur apéritif dans un magnifique restaurant donnant sur le fleuve, doté de très hautes fenêtres et de luminaires immenses, éclairant brillamment les tables des riches clients. Il y avait peu de monde, ce soir-là. En pleine semaine, cela n'avait rien d'étonnant. Cette adresse était très reconnue, très prestigieuse. Tout le monde ne pouvait pas s'offrir un repas chez Walter's.

Peu intéressé par la discussion en cours, l'homme aux yeux de glace regardait néanmoins ses collègues tour à tour, tous plus âgés que lui. Il était une exception, à cette table. Il le savait et... Sa paire de prunelles claires se figea soudain. Derrière l'un des hommes barbus et aux cheveux grisonnants, le maître d'hôtel fit une énième entrée avec de nouveaux clients. Il reconnut immédiatement John Moray, à sa traditionnelle démarche assurée, mais il n'en revint pas de la personne qui l'accompagnait.

C'était Rose.

Bien qu'il ne fût nullement envieux ou rancunier, il s'étonnait de la voir aux côtés de son patron. Thomas et elle avaient pourtant partagé quelques moments, rien que tous les deux, dont ce fameux... « Oh, mon vieux ! Tu ne serais pas jaloux, par hasard ? », pensa-t-il aussitôt. S'en voulant de réagir de la sorte et s'en trouvant ridicule, il se détourna de cette vision qui le dérangeait. Malheureusement pour lui, ils furent installés à deux tables de la sienne. Comme si Dieu voulait se moquer de lui en toute franchise, la française s'assit pile en face du gangster. Tels deux aimants, leurs regards se rencontrèrent presque immédiatement. Rose n'avait déjà pas l'air à son aise mais quand il posa son regard pénétrant sur elle, la jeune femme sembla se noyer devant lui. Elle ne savait plus où se mettre. Lui ne fit rien. Il la scruta, simplement. Elle portait encore sa tenue de travail, une élégante robe noire en soie, soulignant sa mince silhouette. La française finit par briser leur contact visuel, les joues légèrement rougies. Quelle était jolie ! Après tous ces jours sans la voir, il eut la sensation de la redécouvrir. Encore plus belle que dans ses souvenirs.

Les entrées arrivèrent à leur table, ramenant Thomas à la réalité et à ses convictions. Ils ne devaient plus se fréquenter, Rose et lui. Il lui faisait peur et elle faisait tomber ses barrières. Il ne fallait pas que...

- Un peu de vin ?

La voix de son voisin de gauche mit fin à ses réflexions. Il tendit son verre, le récupéra puis alluma une cigarette. Il se replongea dans la conversation qui animait sa tablée. Pourtant, ses prunelles scintillantes étaient irrévocablement attirées par la jeune femme. D'après ses discrets et rares coups d'œil, elle parlait peu – presque intimidée – et laissait John mener leur échange. Avec le bagou qu'il avait, il n'était pas difficile de l'écouter tant il était vif et passionné. C'était un commercial, un vrai vendeur de qualité.

Le chef des Peaky Blinders mangea sans s'attarder sur le goût des aliments. Il mâchait, avalait, mâchait et avalait encore – buvait une gorgée, parfois. Les sujets abordés par ses collègues tournaient essentiellement autour de leurs femmes et de leurs bambins. Rien d'intéressant, en somme.

Le bandit commençait à s'ennuyer ferme, lorsqu'un mouvement capta son attention. Rose se leva, sans doute pour aller aux cabinets d'aisance. Elle était son issue à cette soirée mortellement ennuyeuse. Son prétexte pour... Non, Rose n'était rien de tout cela. Elle était la femme qui l'intriguait, tout simplement. Qui l'attirait. Malgré ses engagements et les principes qu'il s'était imposés, Thomas était hanté par Rose. Elle l'obsédait jusqu'à l'empêcher de trouver le sommeil.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant