XXX. La Veille

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R. L.

Désireuse d'établir le plus de distance possible entre Thomas Shelby et elle, Rose attrapa son manteau et quitta sa chambre. Le grand air l'appelait. Sans se soucier de son droit de sortir ou non, elle franchit la porte d'entrée d'un pas décidé. Ce n'était pas lui qui l'arrêterait. Il n'avait aucun pouvoir sur elle.

Elle ne voulait plus retomber dans cette spirale infernale de la domination et de la soumission. Plus jamais. Deux années de sa triste existence avait suffi à la détruire. Elle n'était plus capable d'en supporter davantage. Il avait déjà tout brisé.

Le petit vent lui fit un bien fou. Ses cheveux, retenus en une queue de cheval, volaient derrière elle. Librement. Rose s'éloigna de la grande bâtisse sans un regard en arrière. À cet instant précis, seule la marche comptait. Se vider l'esprit était vital.

Elle atteignit un petit bois, qui lui fit penser à sa balade avec Pauline. Sa collègue lui manquait. Après les évènements récents, Rose doutait fortement d'un possible retour au magasin. C'était certes la fin de semaine, elle ne croyait guère probable que les choses fussent arrangées d'ici le lundi suivant. C'était totalement utopique.

La jeune femme s'aventura sur le sentier en terre. Autour d'elle, c'était le calme absolu. La Nature l'accueillait à bras ouverts, apaisant ses maux et son cœur. Les sens parfaitement en éveil, Rose savourait chaque détail qui s'offrait à elle. Une goutte de pluie accrochée à la branche d'un chêne, un chant d'oiseau au loin, l'odeur de la mousse mouillée, un tas de feuilles craquant sous la semelle de sa chaussure.

Le soleil déclinait à vue d'œil. Rose décida de faire demi-tour, estimant que cela était plus raisonnable, même si sa soudaine sortie était tout sauf synonyme de prudence. Elle était en danger.

Alors qu'elle regagnait la grande cour de la demeure Shelby, Rose s'arrêta. Devant elle, un homme l'observait. Brun aux yeux bleu-vert, mâchoire carrée et visage fermé, c'était Michael. Le fils de Polly. Surprise par sa soudaine apparition, Rose hésita à entamer la conversation. Elle rejoignit toutefois le jeune homme d'une démarche assurée. Malgré le manque de lumière, Rose remarqua que Michael ne semblait pas incommodé par sa présence, ce qui donna un peu de courage à la jeune femme. Il avait une cigarette à la main, la fumée se mourant dans la nuit tombante.

- Michael, c'est ça ? demanda la française, désormais face à lui.

- Oui.

Elle sourit. Bien qu'il eût l'air un peu froid, le regard qu'il lui adressa ne la rebuta nullement. Il n'était pas avenant, mais il semblait enclin à la discussion.

- La famille ne vous a pas trop terrifiée ? l'interrogea-t-il, recrachant une bouffée de sa cigarette entamée.

Rose eut un petit rire nerveux.

- Honnêtement ? J'ai connu pire, répondit-elle sur un ton léger.

- Ah bon ? s'étonna Michael en haussant légèrement les sourcils.

Il était sans aucun doute persuadé que les Peaky Blinders étaient redoutés de tous, y compris de Rose. Michael n'avait pas tort, mais elle avait véritablement connu l'Enfer. Un gang très puissant pouvait l'impressionner et, à la fois, très étrangement, elle était épouvantée. Tout lui faisait peur, depuis qu'il l'avait détruite. Sa vie n'était que contradictions. Une fois, elle avait peur, une autre fois, elle était confiante.                                      

- Quand on a touché le fond, on ne peut que remonter à la surface, dit-elle avec sincérité, ne sachant pourquoi elle se livrait ainsi.

Michael la scruta de ses yeux profonds. Il avait quelque chose dans le regard que Rose avait tout de suite remarqué. Du désespoir. Comme elle. Le passé n'était jamais totalement le passé. Il était toujours là, quelque part, cramponné au corps, au cœur et à l'âme. Un parasite dont il était impossible de se débarrasser. Cramponné à la vie.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant